Affaire COTECNA-PATRONAT : Pour un milliard enlevé, deux avocats se battent

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Le monde des avocats est en ébullition depuis quelques jours à cause d’une affaire qui oppose la Cotecna et le Conseil national du patronat malien. Au cœur de cette affaire s’est développée une autre opposant directement deux éminents membres du barreau malien, en l’occurrence Me Kassoum Tapo défendant les intérêts du patronat et Me Mamadou Konaté veillant aux intérêts de la Cotecna.

Pour un milliard enlevé au profit de la Cotecna au niveau de la banque BCIM, Me Tapo a fait saisir les comptes de son confrère Konaté, jetant un émoi sombre dans le monde des robes noires.

L’histoire que nous allons vous narrer n’est ni banale ni fréquente. C’est une histoire qui oppose deux des plus grands avocats du barreau malien en l’occurrence Me Kassoum Tapo et Me Mamadou Konaté. C’est une histoire qui est née au cœur d’une affaire de gros sous opposant la Cotecna au Conseil national du patronat malien pour plus d’un milliard de franc CFA.

Au commencement se trouvait un contentieux entre la Cotecna et le Conseil national du patronat malien. Dessaisie de la vérification des importations au profit de Bivac il y a quelques mois, la Cotecna n’a pas voulu plier bagage sans demander ses restes. De restes justement, elle estime que le CNPM lui doit la rondelette somme de un milliard de francs cfa.

Le genre de somme dont on ne se débarrasse pas de gaieté de cœur et disons le clairement, souvent il faudrait même tordre la main au débiteur. Soupçonnant le CNPM de ne pas vouloir lui restituer cette somme, la Cotecna a esté en justice par le canal de son avocat Me Mamadou Konaté. Celui-ci a introduit auprès du tribunal du Commerce une procédure d’injonction de payer. Le juge du tribunal de Commerce, Fatoma Berthé, a signé l’ordonnance d’injonction de payer qui a été signifiée par acte extra judiciaire au CNPM. Or, malgré le désordre apparent qui règne dans le milieu de la Justice, il existe des procédures clairement énoncées. C’est ainsi que selon le code Ohada, la décision portant injonction de payer doit comporter certains éléments incontournables : le montant de la somme à payer ainsi que les intérêts et les frais de greffe ; si le débiteur compte s’opposer à la décision, on indique le délai dans lequel l’opposition doit être formée et la juridiction devant laquelle elle doit être portée. A défaut d’opposition dans les délais indiqués, le débiteur ne pourra plus introduire de recours et devra en conséquence se résoudre à payer la somme réclamée. Belle littérature que tout ça.

L’injonction de payer donnait au CNPM un délai de 15 jours pour s’opposer. Ce qu’il ne fit pas. Devant l’absence de réaction du CNPM 17 jours après, Me Konaté demande l’exécution de la décision conformément aux textes de l’Ohada qui stipulent qu’en l’absence « d’opposition dans les 15 jours de la signification de la décision portant injonction de payer, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander la formule exécutoire sur cette décision. Celle-ci produit tous les effets d’une décision contradictoire et n’est pas susceptible d’appel » (article 16 du code Ohada). Sur cette base, les comptes du CNPM domiciliés à la BCIM sont saisis. Le procès verbal de la saisie a été envoyé au CNPM comportant l’indication que les contestations devant être soulevées, sous peine de nullité, doivent intervenir dans un délai de un mois ainsi que la désignation de la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées.

Le show et l’effroi

Un mois après, le CNPM n’a pas bougé et n’a pas contesté. Ce qui a poussé la Cotecna à prendre un avis de non contestation attestant qu’aucune contestation n’a été formée durant le mois. Il semble que c’est sur cette base que la Cotecna a tiré sur le compte du CNPM domicilié à la BICIM un milliard et quelques centaines de millions représentant sans doute les autres frais tels que les intérêts et les frais de greffe. C’est seulement après cela que le CNPM a compris la gravité de la situation. Et demande à son avocat Me Tapo de bouger. 45 jours après, c’est-à-dire 15 jours après les délais, Me Tapo introduit une requête en main levée de la saisie auprès du tribunal du commerce alors même que dans le procès verbal c’est le tribunal de la Commune II qui a été indiqué. Tout comme les voies du Seigneur, celles de la Justice peuvent être insondables. Le tribunal du commerce ordonne la main levée et condamne la BICIM, sous astreinte de un million par jour de retard au paiement du montant saisi.

C’est dans cette confusion que naît ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire dans l’affaire. Estimant que la Cotecna n’est plus représentée à Bamako que par une secrétaire et un ordinateur, Me Tapo demande au juge de faire vite parce qu’il y a un milliard en jeu. Ce à quoi Me Konaté a répondu que la Cotecna est bel et bien à Bamako parce que lui, son avocat est là. « Tu es là mais tu ne vaux pas un milliard » lui a rétorqué Me Tapo particulièrement inspiré. C’est sur ces échanges que l’avocat du CNPM a demandé et obtenu la saisie des comptes de Me Konaté domiciliés à Ecobank au motif que l’argent tiré sur les comptes du CNPM à la BICIM ont transité par ses comptes. Emoi et effroi dans les rangs des avocats qui ne s’attendaient pas à ce que le show débouche sur une affaire de saisie des comptes d’un avocat par un de ses confrères.

Aujourd’hui c’est cette deuxième affaire qui mobilise les robes noires. Me Konaté a battu le rappel de certains confrères et comptent sur la solidarité de tous pour obtenir la main levée sur ses comptes. Normalement c’est le tribunal de la commune IV qui doit trancher. Mais la date n’est pas encore fixée.

Bassaro Touré

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