Affaire BHM/WAIC : A quand l’épilogue ?

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La BHM, en 2006, sous la présidence de Modibo Cissé, son nouveau PDG et de son nouveau Conseiller Waïgalo Souleymane, tous deux venant d’autres structures, compense par jeu d’écritures les avoirs et les engagements de la WAIC dans leurs livres,  une société immobilière allemande de droit malien . Cette compensation qui se traduisait par une disparition des avoirs de la WAIC,  est  considérée comme  une mesure de représailles contre la WAIC, suite à un différend qui a opposé les parties  sur les garanties, objet du  financement de la banque et de la WAIC.

 

La banque voulait inscrire une garantie  hypothécaire sur l’ensemble des T.F, après annulation de la garantie de commercialisation émise précédemment en faveur de la WAIC. Sans la garantie de commercialisation, la WAIC voulait détenir une partie des T.F en couverture de son financement. C’est alors  par mauvaise foi, que la Direction de la banque a prétendu que la WAIC n’avait rien apporté dans le financement du programme et elle décida de bloquer les avoirs de la WAIC.


Cette dernière protesta en sa qualité d’investisseur dans le projet au même titre que la BHM  et demanda une main levée sur ses avoirs pour l’équivalent de 100 millions issus des recettes de commercialisation des villas qui étaient financées par le mécanisme des ventes en l’état futur d’achèvement. Elle obtient pour cette main levée une décision de justice qui tire de la loi bancaire sa justification, à savoir, la non-compensation des avoirs et des engagements d’un même client. Les dirigeants de la banque ont opposé à cette décision, une fin de non recevoir, autrement dit, l’ont parfaitement ignorée, comme le font  la plupart des opérateurs qui ont une participation de l’Etat dans leur capital qui ignorent superbement que l’Etat est un sujet de droit.


Les juges estimant disposer de plusieurs instruments de coercition, ont monté d’un cran l’échelle des sanctions en imposant une astreinte de 500.000 FCfa  pour tout jour supplémentaire de blocage des avoirs de la WAIC, avant l’utilisation de leur arme de dissuasion massive  pour une banque, c’est-à-dire,  le blocage des fonds de ladite institution dans le système à hauteur des montants en cause, soit 36 millions de FCFA.

C’est l’utilisation de cette arme par la justice qui allait faire sortir les dirigeants de la BHM et leur hiérarchie de leur torpeur, et les faire basculer de la justice civile et commerciale à la justice pénale. Le PDG Modibo Cissé  de la BHM, dans une confusion totale entre compte personnel et compte de société, entre maquillage des écritures de régularisation en écritures de transfert, va rédiger une plainte calamiteuse et mensongère  pour abuser le juge pénal et faire embastiller et M. Haïdara Ismaël (PDG en exercice de la WAIC) contre qui la plainte avait été  émise et M. Diawara Mamadou, Ex-PDG de la BHM en séjour à Bamako et convoqué en qualité de témoin. De cette interpellation, on leur collera sur le dos un détournement imaginaire de 7,0 milliards de fonds publics que la presse  réchauffe de temps en temps à l’initiative des commanditaires.
Des personnes très haut placées  auraient expliqué au président de la République que son  «Frère», l’Ex-PDG de la BHM,  est impliqué dans un détournement à la banque de plus de 7, 0 milliards.  Or ce montant, selon le PDG accusateur, correspondrait à l’encours du financement du projet. Et selon la WAIC, ce chiffre serait même surévalué et  inexact en référence à l’encours figurant dans les  états financiers certifiés par les Commissaires aux Comptes.


Pour que sa lutte contre la délinquance financière soit crédible, il faut arrêter M. Diawara et son soi-disant complice, la relation étant transitive. Le président  aurait ordonné l’arrestation, mais la fit exécuter lorsque  lui et son épouse furent absents de Bamako. Me Fanta Sylla, Ministre de la Justice aurait ordonné  au Procureur Sombé Théra  de faire le nécessaire. Le pourrissement de l’affaire BHM et WAIC va leur en donner l’occasion.  M. Diawara, en vacance à Bamako, se trouve au mauvais moment et au mauvais endroit. Le génie du PDG de la BHM, un ami de 20 ans de Diawara,  fera le reste et la plainte arrive sur le bureau de Sombé  Théra, le Procureur. Diawara et Haïdara sont embastillés sur le champ.
Le président ATT est tenu informé de l’évolution du dossier, au point semble-t-il, de lire en personne la transcription des interrogatoires. Convaincu de l’innocence des prévenus, le juge du Pôle économique, à la suite des aveux du représentant de la banque dans la procédure, indiquant qu’ils ont fait une mauvaise interprétation des données informatiques, décida de libérer  Diawara et Haïdara.  ATT, qui dans cette affaire n’était pas serein,  prit peur et fit peur aux juges en disant qu’ils laissent filer les gros poissons. Si après tant de battage médiatique, on les libère, à partir du Pôle économique, l’opinion publique ne comprendra pas, dit-on. On prétexta alors que la présence de M. Diawara en prison constitue un gage que la lutte contre la délinquance financière est une réalité au Mali.

 

La politique est ainsi faite, contrairement à ce que disait Ibrahim Boubacar Keïta, ancien Premier Ministre sous Alpha : «elle ne fait pas bon ménage avec la morale». Et selon le philosophe Alain, «il n’y a pas de bon pouvoir». Et la force des préjugés a fait le reste.
Du chef d’accusation de transferts frauduleux, objet de la plainte de la banque, vite abandonné parce que vérifiable, on transmit le dossier à la Chambre d’accusation qui sortit une accusation plus effarante de détournement de fonds publics de plus de 7,0 milliards, qui ne figurait  ni dans la plainte de la BHM ni même dans le réquisitoire du Procureur du Pôle économique, M  Théra. Or en droit, la Chambre d’accusation ne travaille que sur la base des accusations confirmées par le Pôle et non pour créer des accusations ex nihilo.  Comment peut-on raisonnablement faire croire qu’une telle somme ait pu être détournée d’une banque sans trésorerie et sans qu’aucune structure de contrôle  ne l’est mentionnée, y compris l’Inspection des Finances et le Vérificateur Général qui ont passé en revue les comptes de la banque  après le départ de M. Diawara à la fin de son mandat de PDG ? C’est l’œuvre de N’Perré Diarra, à l’époque président de la Chambre d’accusation, qui aurait pensé qu’il suffisait d’écrire une telle accusation, pour qu’elle fut vraie. 

 

Pour désinformer, au plus haut niveau, ils auraient introduit l’Avocat de la banque dans le bureau du président de la République  pour charger les détenus avec des preuves abracadabrantes. Ils ont minoré la valeur de l’expertise judiciaire (3,2 milliards) de manière à ce qu’elle ne représente que la moitié de l’encours du financement (6,3 milliards)  pour induire logiquement  que la différence aurait été dissipée. Or, contre toute logique, ils disent que c’est tout l’encours qui a été détourné. C’est paradoxal.    Ils ont balancé  l’honneur de hauts Magistrats aux chiens ; ils ont fait jouer au président un rôle qui n’est pas le sien ; l’ont conduit à violer la Constitution en s’opposant à l’application des décisions de justice au motif qu’il est le président de la Magistrature ; l’ont  encensé  pour avoir pris des décisions spectaculaires à caractère populiste.

Bref, ils ont manipulé la première Institution de la République pour défendre des intérêts sordides et conserver des baronnies, au risque d’un affaiblissement de l’image du Mali, d’une brouille diplomatique avec les bailleurs de fonds, et de l’inscription du Mali parmi les pays qui ne respectent pas les droits de l’homme et qui pratiquent la détention arbitraire selon HUMAN RIGHTS WATCH dans son dernier rapport. Ce qui donne raison à cet autre ancien président  du Mali, Alpha Oumar Konaré, qui disait  que même habillé en soldat de la démocratie, tout porteur d’uniforme est un dictateur en puissance.


Progressivement, le président a pris la bonne mesure de la situation qu’il avait  créée. La pression des bailleurs de fonds y est pour beaucoup. Pour réduire l’influence négative des mauvais conseillers et des groupes de pression membres de son Gouvernement, il limoge la quasi-totalité des personnes par qui le scandale est arrivé, même si elles ont cru que chanter les louanges du président en public quand bien même ils le vilipendent en privé, est le meilleur antidote contre leur disgrâce annoncée.

 

Dans le même temps, il ordonne une expertise indépendante du projet de la Mangueraie de Sébénikoro. Un collège d’experts maliens et européens est mis en place. Le président veut apparemment  toute la vérité sur cette affaire. L’expertise et l’audit qu’il a ordonnés sous la pression des bailleurs de fonds dont les résultats sont disponibles, mais sont retenus par les experts maliens, faute de visibilité sur le règlement de leurs honoraires. Aucun contrat, semble-t-il, n’a été signé quand le travail leur a été confié, il y a six mois déjà. Bien que les rapports d’étapes soient disponibles et n’indiquent aucune malversation, officiellement, lesdits rapports définitifs traînent.

 

L’encours  de 7,0 milliards se décompose en 0,7 milliards d’agios et d’intérêts ; en 3,1 milliards de dettes rachetées et en 3,2 milliards de décaissement présumé. Vous conviendrez que s’il y avait eu  détournement, cela n’aurait concerné que les décaissements, soit 3,2 milliards qui correspondent exactement à la valeur de l’expertise judiciaire, les dettes et les agios ne pouvant être détournés. Comment peut-on détourner 7 milliards alors que l’expertise  judiciaire elle même reconnaît que 3,2milliards ont été investis et que ce montant  est identique à la valeur d’expertise ? A ce stade, on en déduit que les fonds décaissés ont été investis.

 

Alors pourquoi a-t- on fait croire que la nouvelle expertise immobilière peut apporter une réponse au problème ? C’est du dilatoire destiné à maintenir illégalement M. Diawara en prison. Le résultat des audits et de l’expertise tarde à être rendu public pour cause de contrat non signé au profit des experts maliens. Le nouveau Ministre des finances n’ayant pas eu le feu vert de sa hiérarchie, retarderait la signature des contrats alors qu’officiellement, leurs résultats devraient être communiqués à l’Union Européenne, entres autres.


Certaines sources imputent le retard au nouveau Ministre du Budget qui aurait fait remarquer que le choix des Cabinets d’expertise tombe sous le champ des appels d’offres, compte tenu des montants à décaisser. Or, c’est l’actuel Ministre des finances qui,  auparavant,  était Ministre délégué au Budget qui avait opéré le choix des Cabinets. Où est donc le problème? Néanmoins, les rapports d’étape disponibles donnent les indications suivantes: l’audit  a porté sur les opérations  financières entre le patron de la WAIC, Ismaël Haïdara à titre personnel et la banque. Lesdites opérations étaient-elles valides? Autrement dit, les transactions initiées par M. Haïdara, en tant que simple client, étaient-elles justifiées et documentées ?

 

Le rapport d’audit  est édifiant et n’a mis à jour aucune malversation, contrairement aux allégations et autres calomnies distillées savamment pour nuire. L’expertise du coût du projet aurait donnée un montant de plus de  11 milliards dont 3,1 milliards pour la viabilisation ; 2,3 milliards pour le coût des constructions ; 2,8 milliards pour les dépenses du projet; 800 millions pour les matériaux en magasins, etc.    Rien que le  coût du financement de la viabilisation par les Allemands est  identique au montant de l’expertise  qualifiée de judiciaire  qui chiffra  à 3,2 milliards la valeur globale du projet. Or, c’est cette valeur tripatouillée et minorée du coût du projet qui aurait conduit la  Chambre d’accusation à élaborer sa théorie du détournement de fonds.

 

Maintenant que la nouvelle expertise a remis en cause les résultats de l’expertise judiciaire, est-ce que les auxiliaires de justice vont rembourser les sommes perçues  dans la précipitation et en toute illégalité  au détriment en réalité de la BHM? Que va faire le président de la République après avoir limogé dans le feu de l’action les hauts Magistrats de la Cour suprême pour avoir dit le droit, et brisé plusieurs carrières dont celle du pauvre régisseur de Ségou? Que va-t-il faire après avoir  séquestré son «Frère» Diawara  en toute illégalité pendant quatre ans?  Mais, qu’est-ce qui peut expliquer l’acharnement du président dans cette affaire? L’affaire BHM déclenchée dans la matinée du vendredi, 1er juin 2007, à son initiative, va-t-elle enfin connaître son épilogue? Autant de questions qui poussent à réfléchir.

Birama FALL

 

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