A propos de la tension entre le Mali et le Fonds mondial : Le ministère de la Santé confirme la crise

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Après le tollé soulevé par le détournement au Fonds mondial,  le ministère de la Santé s’est vu obligé de répondre, à travers une note d’information publiée dans la presse. Mais au lieu des informations utiles, sur ce cas de détournement sans précédent, à même d’éclairer la lanterne de l’opinion nationale et internationale, le département de la Santé s’est plutôt complu à porter des récriminations à l’endroit du bailleur de fonds, qu’est le Fonds mondial, l’institution bienfaitrice. Quitte à jeter de l’huile sur le feu et à compromettre la bonne entente entre notre pays et les partenaires techniques et financiers.

ll aura fallu que la presse se saisisse du lourd dossier de détournement au Fonds mondial pour que le département de la Santé distille un communiqué alambiqué. Comme pour noyer le poisson dans l’eau. Au moment où les Maliennes et les Maliens sont préoccupés par  l’éventualité d’une rupture avec ce partenaire stratégique en matière de financement de la santé, le département en charge de ce secteur se complait à égrener un chapelet de récriminations contre le Fonds mondial et principalement son Directeur exécutif, Michel Kazatchkine, considéré comme le propagateur  de " rumeurs tendancieuses " pour " souiller le Mali ". Dans quel intérêt ?

Comme on le voit, au lieu de balayer devant sa propre porte, le ministère de la Santé cherche, au contraire, des boucs émissaires afin de dissimuler son incurie, sa responsabilité morale étant déjà mise à rude épreuve.  Dans sa note d’information, apparemment montée dans une certaine précipitation, rien n’est dit sur la question essentielle, à savoir le détournement d’énormes sommes au détriment du Fonds mondial et du Mali. Comme si le sujet fâchait alors qu’il est primordial dans la réponse à opposer à l’étonnement et à l’incompréhension du public. En effet, c’est certainement la première fois, qu’un si grand scandale secoue le secteur de la santé du Mali, avec de multiples complicités dans le pays tout entier.

C’est pourquoi d’ailleurs l’opinion nationale et internationale s’attendait plutôt à une conférence de presse du département de la Santé. Au lieu d’une note d’information qui en rajoute à la confusion et à l’incertitude. De quoi les uns et les autres ont-ils peur ? L’autorité politique doit s’assumer en toutes circonstances, au lieu de chercher à s’abriter derrière des subterfuges qui ne font, d’ailleurs, que la faire ridiculiser aux yeux d’une opinion déjà lasse des arrangements entre amis. Le ministère de la Santé continue à faire la politique de l’autruche. En minimisant le risque d’un retrait éventuel du Fonds mondial de notre pays, voire l’arrêt du financement en provenance d’autres partenaires. Une telle attitude ressemble plutôt à de la délation. Alors que la question est toute simple : oui ou non des cadres ou agents du ministère de la Santé ont-ils, avec boulimie, bouffé des sous du Fonds mondial destinés à la lutte contre la tuberculose et le paludisme ? Si oui comment et où sont-ils ? Si non, alors que reproche le Fonds mondial ?

Au lieu donc de cela, on veut prendre à partie les partenaires du Fonds mondial accusés de ternir l’image du Mali " sur le toit mondial ". Mais quelle est la part de responsabilité du département de la Santé dans cette cabale contre le secteur de la santé de notre pays qui ne serait plus qu’un lieu où règnerait " une corruption généralisée ". Si le ministère de la Santé n’est pas d’accord avec cette accusation, il lui appartient, à lui seul, et non au Mali tout entier, d’apporter la preuve de l’innocence des personnes incriminées. Qui sont celles précisément qui " souillent le Mali " dans cette affaire.

Eviter les faux-fuyants

La stratégie de vouloir noyer le poisson dans l’eau a déjà fait ses preuves. Il ne faut surtout pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards boiteux. Le département de la Santé doit ouvrir les yeux et regarder la réalité en face. C’est tout simplement une question de responsabilité et de courage politique. On ne saurait, dans cette affaire où en plus du Directeur administratif et financier du département, beaucoup d’autres cadres sont en prison, continuer à fermer les yeux et à boucher les oreilles face au constat d’une réelle irresponsabilité, tant politique qu’administrative. Seul un aveu dans ce sens pourrait apaiser le courroux d’une opinion longtemps habituée aux micmacs compromettant l’avenir du pays. En voulant mettre tout le fardeau de l’irresponsabilité sur la tête du pauvre (mais très riche) Ichiaka Diallo, ex-comptable du Fonds mondial auprès de la DAF du ministère de la Santé, actuellement en prison, les autorités politiques donnent l’impression d’une naïveté, au demeurant, purement volontaire. Les juges anticorruption ne sont pas myopes pour venir cueillir, tels des fruits mûrs mais maléfiques, des cadres et agents sans aucun soupçon de culpabilité.

Au lieu donc d’attaquer inutilement le Fonds mondial d’avoir dissimulé son rapport d’audit, que le ministère de la Santé publie d’abord ses propres rapports de contrôle et d’inspection rédigés dans le cadre de cette affaire. Le public pourra alors faire sa religion par rapport à la culpabilité ou à la non culpabilité des personnes incriminées. Encore faudrait-il que de tels rapports existent. Car, tout prouve, que ce dossier a été géré avec une certaine désinvolture qui ne dit pas son nom.

En focalisant le regard sur le comportement des partenaires étrangers, qui ne respecteraient pas notre pays, on finira par être pris dans notre propre piège. Car, c’est un secret de Polichinelle que de dire que les plus gros fortunés au sein du ministère de la Santé sont précisément ces cadres et agents qui ont eu à gérer, un moment ou l’autre, des fonds d’origine extérieure et passer de gros marchés de moustiquaires imprégnées d’insecticide et des médicaments. Si jusqu’à maintenant cela n’a semblé inquiéter personne, y compris les premiers responsables du département, il est temps d’arrêter l’hémorragie des ressources qui contribue à saigner fortement la santé et à ternir l’image d’un pays qui cherche laborieusement à se faire respecter dans le concert des Nations.

La santé est malade

Le constat des inspecteurs du Fonds mondial, en novembre 2009, était que la lutte contre le VIH-SIDA, menée principalement par le Haut conseil national de lutte contre le SIDA rattaché à la présidence de la République, avait atteint des résultats appréciables ; celle contre la tuberculose avait été notée passable et contre le paludisme : nul. Cette information donnée par le chef de la mission des inspecteurs du Fonds mondial était passée presque inaperçue. A l’époque, le ministre de la Santé se trouvait en mission à l’extérieur du Mali. Et l’information n’a jamais été démentie. Pourquoi un résultat nul, alors que ce sont des sommes faramineuses qui sont injectées, tant du budget national que sur financement des partenaires, dans la lutte contre le paludisme. Apparemment sans aucune visibilité. A part des discours d’autosatisfaction. Il se dit d’ailleurs qu’un trou de quelque 80 millions de FCFA aurait été décelé au sein du Programme national de lutte contre le paludisme. Vrai ou faux ? Le rapport du Fonds mondial pourra amplement édifier. Une chose est certaine : les limiers du Fonds ont eu à interroger même des garagistes chargés de la réparation des véhicules acquis sur leurs fonds. D’où une moisson d’informations à faire jaser de jalousie la CASCA et d’autres structures de contrôle du Mali.

Si certains partenaires ont déjà commencé à couper le robinet, force est de reconnaître qu’ils ne le font pas par gaieté de cœur ni par caprice.   

Maintenant que la crise a atteint son apogée, quelle solution reste-t-il à envisager afin que les malades et autres bénéficiaires, les femmes et les enfants notamment, ne soient les laissés-pour-compte de cette situation dramatique. Dans la mesure où bientôt de nombreux malades tuberculeux, par exemple, seront à cours de médicaments qu’ils doivent impérativement prendre, de manière quotidienne, pour ne pas voir la maladie rechuter. Que faire pour ceux-ci ? Voilà des questions pratiques dont le citoyen aimerait avoir la réponse. 

Si la sortie médiatique du ministère de la Santé a été appréciable, force est, cependant, de reconnaître qu’elle soulève beaucoup plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Ceci contribue aussi à " souiller le nom Mali sur tous les toits du monde ". Décidément, on est encore loin du bout du tunnel. Et indépendamment même de la saison des pluies, l’horizon est en train de s’assombrir et le temps se fait de plus en plus menaçant. Et dans ce paysage atypique et ubuesque, le feu couve un peu partout dans cette grande maison de la santé. Et c’est en ce moment, qu’on se rend compte que les pyromanes sont également les présumés pompiers. Quel malheur !

Mamadou FOFANA

Chroniqueur politique

 

Qu’est-ce que le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme?

L’idée d’un fonds mondial SIDA et santé a été lancée pour la première fois lors d’une réunion du groupe des pays du G8 (Okinawa, Japon, juillet 2000) et a reçu l’appui résolu du Secrétaire général de l’ONU et du Directeur général de l’OMS début 2001.

A l’issue d’une consultation des principaux partenaires (juin 2001), un consensus clair s’est dégagé sur les points suivants : les cibles initiales du fonds seraient le SIDA, la tuberculose et le paludisme ; le principal objectif du fonds serait de recueillir, de gérer et de verser des fonds qui viendraient compléter d’autres formes d’aide au développement ou s’y ajouter ; les ressources acheminées à travers le fonds seraient liées à l’obtention de résultats ; le fonds représenterait une rupture par rapport aux procédures habituelles – en s’efforçant d’utiliser plus efficacement les ressources des donateurs et d’abaisser les coûts des opérations pour tous ; le fonds serait à la fois une entité véritablement internationale et un partenariat entre secteur public et secteur privé. Il n’appartiendrait donc pas à un ensemble de pays et ne serait pas non plus lié à des institutions comme l’Organisation des Nations Unies, la Banque mondiale ou autres.

Depuis sa création en 2002, le Fonds mondial est devenu la principale source de financement des programmes de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, avec 19.3 milliards de dollars US de financements approuvés pour plus de 572 programmes répartis dans 144 pays. Il fournit le quart du financement international de lutte contre le SIDA, les deux tiers du financement mondial de lutte contre la tuberculose et les trois quarts du financement mondial de lutte contre le paludisme.

Le Fonds mondial est un mécanisme financier qui a pour objectif de collecter des fonds et de les redistribuer afin de mettre en œuvre des projets de prise en charge et de prévention. Ces ressources proviennent notamment d’une contribution de solidarité internationale de quelques euros par billet d’avion. Aujourd’hui, c’est le premier partenaire financier multilatéral.

Michel Kazatchkine a été élu Directeur Exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme en avril 2007.

 

 

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