4 ans d’IBK : Retour sur les gros scandales du mandat

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Quatre ans après l’élection du président Ibrahim Boubacar Keïta, le Mali est au centre des incertitudes. La situation sécuritaire demeure une brûlante préoccupation. Outre le Nord, le Centre du pays s’embrase. L’application de l’Accord signé en 2015 est dans une grave impasse. Les scandales de gouvernance se multiplient et restent impunis. L’instabilité gouvernementale est à son paroxysme: Quatre premiers ministres et sept gouvernements en quatre ans!  Malgré ce tableau peu réjouissant, le président a continué ses voyages à l’extérieur comme si de rien n’était.

Le 19 septembre 2013, une vingtaine de chef d’États et de gouvernements étaient venus à Bamako pour le sacre international du nouveau président de la République, élu avec 77% des voix. Ces personnalités étrangères croyaient que l’élection d’IBK allait inaugurer  le début d’une nouvelle ère pour le Mali. Et à l’intérieur, les Maliens rêvaient d’écrire, sous le leadership du « Kan kelen tigui », une nouvelle page de leur histoire.

Quatre ans après, le rêve s’est mué en cauchemar. Le mythe qui le faisait passer IBK pour « L’homme de la situation » ou encore « L’homme à poigne », n’a pas résisté à l’épreuve du pouvoir.  En effet, en plus de la situation sécuritaire toujours précaire, l’économie malienne est en lambeau, le tissu social effrité, le front syndical mouvementé, l’administration morose. Jamais l’État n’a été autant discrédité et ridiculisé! Sous nos yeux, faute d’un leadership clairvoyant,  le Mali se délite.  La partition du pays se concrétise, alors que IBK a juré de garantir l’intégrité du territoire national. Cette promesse reste un objectif lointain. Outre le Nord, où la souveraineté de l’État reste contestée par divers groupes armés, le Centre du pays s’est embrasé. Faute  de vision, la mise en œuvre de l’Accord est dans une grave impasse. La situation explosive dans la région de Mopti n’a pas reçu l’attention nécessaire et le traitement adéquat.

De façon générale, pendant les quatre premières années du mandat du président, il y a eu plus de morts au Mali du fait du conflit que pendant les 53 années précédentes, de 1960 à 2013. Au total, au moins 5000 civils, militaires maliens et étrangers ont perdu la vie dans notre pays depuis les débuts du mandat du président.

 

Les détournements continuent, malgré la crise

Les affaires sombres les plus emblématiques restent celles liées à l’achat de l’avion présidentiel, acquis à la suite d’un montage financier opaque de type mafieux mêlant sociétés-écrans et hommes d’affaires douteux. Hors de toute inscription budgétaire,  20 milliards de francs CFA ont été sortis des caisses de l’Etat pour acquérir un Boeing 737 non encore immatriculé au nom du Mali, alors même que le pays dispose d’un avion présidentiel (Boeing 727) en bon état et dont l’assurance contractée auprès de l’assureur londonien, Allianz, avait été renouvelée jusqu’en 2015.  Le FMI (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale étaient sortis de leur réserve pour exprimer leur mécontentement. Le Bureau du Vérificateur général a été commis par le Fmi pour auditer cette affaire, ainsi que la section des comptes de la Cour suprême par le gouvernement malien. Les rapports de ces deux structures de contrôle sont accablants : des surfacturations comprises entre 29 milliards et 38 milliards sont décelées. Pis, aujourd’hui encore, nul ne sait si l’avion appartient au Mali.

Au même moment, était révélée aux Maliens et au monde entier la nature d’un marché de gré à gré de 69 milliards de FCFA attribué, en violation des règles des marchés publics, à un proche de la famille présidentielle, Sidi Mohamed Kagnassy, directeur général de la société Guo-Star Sarl et promu aussitôt conseiller spécial du président. Avec l’avenant, le marché a finalement porté sur 108 milliards de FCFA. Le fait que le marché soit attribué de gré à gré est un piétinement flagrant des principes élémentaires de passation de marché public. Pire, dans le même contrat, les Maliens apprendront que  le ministre des Finances, Mme Fily Bouaré, a couvert ce marché par  une garantie de 100 milliards de francs CFA. Des personnalités, l’on se souvient, avaient profité de ces affaires pour se sucrer en se livrant à des surfacturations dont seules les Républiques bananières ont le secret.

Bien d’autres marchés de ce genre existent, surfacturés et couverts par l’impunité. En avril 2016, le gouvernement a remis au MOC (Mécanisme opérationnel de coordination)  42 véhicules destinés aux patrouilles mixtes. La presse a rapporté que lesdits véhicules ont coûté à l’État 2 milliards 300 millions de FCFA, soit plus de 50 millions l’unité.  Le Parena a, au mois suivant, publiquement critiqué ce marché et sollicité l’intervention des pouvoirs publics pour sauver l’argent public. En vain!

Après l’affaire de l’avion présidentiel et des équipements militaires surfacturés, le Malien lambda était loin de s’imaginer qu’un autre scandale, portant lui aussi sur des milliards de FCFA, éclaterait. Ce énième scandale portait sur une soixantaine de milliards F CFA destinés à l’achat de l’engrais pour les paysans, sous forme de prêts à rembourser dès la fin des récoltes dans les opérations de développement rural.

C’est un minuscule GIE (Groupement d’intérêt économique) qui était chargé de l’attribution, à travers un avis d’appel fort douteux, de ce gros et juteux marché à des fournisseurs, parfois sans foi ni loi. Il a fallu qu’un concurrent mécontent crache dans la soupe, en soumettant au test de conformité l’engrais d’un rival à un laboratoire de la place, pour que le pot aux roses soit découvert et que la vérité dans toute son horreur commence à être étalée sur la place publique. Le président de la République a promis la fermeté dans ce dossier, au cours de la session du Conseil supérieur de l’agriculture qu’il a présidée le 16 mai 2016. L’opinion a longtemps attendu sa réaction. En vain.

L’impunité encourageant de nouvelles atteintes à la morale publique, une nouvelle affaire dite « des 1000 tracteurs » a été révélée à l’opinion malienne par le Parti pour la renaissance nationale (Parena) qui, après investigations, est parvenu à la conclusion que la passation dudit marché n’a pas respecté les règles régissant le code des marchés publics. Selon le Parena, il y a eu  une procédure irrégulière et frauduleuse de gré à gré déguisé, un délit d’initié et des surfacturations qui ont fait perdre à l’État  plusieurs milliards de francs CFA.

Un autre scandale qui a éclaboussé le mandat d’IBK : l’attribution des 1552 logements sociaux de Tabacoro, dans laquelle il a été orchestré une véritable magouille à ciel ouvert. En plus des ministres de la République et des cadres de l’administration, le ministre Dramane Dembélé a distribué des villas « sociales » à la famille du Premier ministre Modibo Kéïta. Ainsi, sous IBK, le Mali est entré dans une nouvelle ère des logements sociaux. Désormais, tous les bénéficiaires doivent avoir un caractère particulier : être militant ou sympathisant d’un parti de la mouvance présidentielle, ou avoir un lien avec un président ou un membre des institutions de la République.

 

Un président absent du pays

Le président et ses soutiens aiment à dire que le Mali était dans un gouffre au moment où ils accédaient  au pouvoir.  Malgré la gravité de la situation dont ils ont hérité, ils n’ont mis en place aucun mécanisme pour prendre à bras-le corps les problèmes et les gérer. La présidence qui aurait dû être le cœur du combat pour sauver le pays n’existe pas. En quatre années de mandat, le Président a très rarement présidé une réunion de cabinet sur une question importante. Même préparer le Conseil des Ministres n’est pas dans ses habitudes. Il est toujours dans les airs. Il a déjà fait 20 fois le tour de la terre. Et quand il est Bamako, le Chef de l’État est inaccessible. Les nombreux conseillers et conseillers spéciaux le rencontrent difficilement. À une ou deux exceptions près, les cellules thématiques ne fonctionnent pas. Les résultats obtenus en disent long sur l’étendue de l’immobilisme.

Comme si cet état de fait ne suffisait pas, les Maliens assistent à une dilapidation des ressources publiques. Les princes du jour, à commencer par le président de le République, baignent dans l’opulence au moment où la grande majorité des citoyens rasent le mur. Le régime IBK a suffisamment démontré son caractère budgétivore. De son accession au pouvoir à nos jours, le budget de la présidence est constamment revu à la hausse. La preuve ? Le 1er budget préparé par l’administration IBK  a affecté à la présidence de la République la somme de 9 milliards 300 millions de francs CFA pour 2014. En 2015, ce budget a été porté à 14 milliards 600 millions, soit une augmentation de 57%. D’à peu près 16 milliards en 2015, le budget de Koulouba est passé à 19,3 milliards en 2016.

Que dire encore de la rénovation du Palais présidentiel et de la résidence privée du président? Pour mémoire, le 27 mai 2015, le conseil des ministres avait attribué un marché, d’un montant de 5 milliards 993 millions 489 mille 955 francs CFA, à l’entreprise « Groupement EIFFAGE » pour rénover le Palais.

N’en parlons pas de sa résidence privée qui, en chantier permanent, a déjà fait couler beaucoup de salive. Ce sont là quelques actes et faits qui sont en contradiction avec les différents slogans de campagne d’IBK qui promettait de faire le « bonheur des Maliens».

Suivant l’exemple de leur « guide », la plupart des ministres privilégient les voyages à l’extérieur. Craignant permanemment d’être débarqué du jour au lendemain, ces ministres profitent au maximum de leur poste.

 

L’instabilité gouvernementale

Improvisation et tâtonnements sont les principales caractéristiques de l’action du président IBK.  Résultat: l’instabilité gouvernementale a atteint son paroxysme. En quatre ans, IBK a nommé quatre premiers ministres. Le 3è a formé en 20 mois quatre gouvernements. Un record !

La plupart des départements ministériels ont eu entre trois et quatre titulaires. Il s’agit des ministères de l’Économie et Finances, de l’Éducation, de la Défense, de l’Administration, de la Justice, et celui de la Communication. Certains ministres sont en train de faire le tour de tous les départements.

Très souvent, les remaniements interviennent pour sacrifier un ou des ministres à la suite d’affaires scabreuses. « La politique des agneaux sacrificiels », qualifie le Parena.

Même Koulouba n’échappe pas à cette instabilité. Le Secrétariat Général de la présidence est à son 4è titulaire.

En outre, l’actuel système de gouvernance est aussi fondé sur la famille, le clan, les relations. Un système qui paralyse le fonctionnement de l’Administration, où la compétence et le mérite sont sacrifiés ou foulés au pied. Pourtant, IBK avait toujours promis de mobiliser les ressources humaines de qualité au tour du Mali. Cette promesse se traduit aujourd’hui par l’accaparement des postes de responsabilité par les membres du clan et leurs alliés. C’est cette méthode de gestion nous a conduits au désastre. Conséquences : Les injustices flagrantes, les détournements des biens publics au vu et au su de tous, l’extension de la pauvreté, le chômage des jeunes, les mauvaises nouvelles venant du Nord et du Centre ont créé un profond mécontentement du peuple malien. D’où les multiples grèves observées par les syndicats.

Face à cette situation, IBK et son gouvernement font comme disent les Américains du “One man show”. Il n’est que de regarder notre télévision nationale, pour se demander sous quels cieux nous nous trouvons.  Comme quoi, les Maliens ne sont pas au bout de leurs souffrances. D’ailleurs, comment espérer au changement quand le président IBK fait de la République la chose de sa famille? Comment espérer au changement quand IBK lui-même ne semble avoir aucune pitié pour les maigres ressources de l’Etat? Comment espérer encore au changement quand des pratiques frauduleuses (marchés de gré à gré) deviennent monnaie courante ?

I B D

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