Faut-il le rappeler ? De graves accusations de détournements de fonds pèsent sur le ministre sortant. M Ibrahim Oumar Touré aurait en effet apposé sa signature sur des documents compromettants et relatifs à des marchés fictifs portant sur des milliards de nos francs. Plusieurs personnes proches du même département ont d’ores et déjà fait objet d’interpellation par la justice.
Si, à première vue, la démission du ministre Touré s’avère un aboutissement de la campagne de lutte contre la corruption dans notre pays, le fait, ou du moins, son auteur mérite tout simplement notre respect. Ce n’est pas tous les jours qu’un responsable à ce niveau démissionne de ses fonctions dans le but de se mettre à la disposition de la justice. L’attitude est noble.
Aurait-il été démis de ses fonctions pour les mêmes motifs ? Le chef de l’Exécutif et le Président de la République ont, en tout état de cause, accepté la lettre de démission ou produit le décret de limogeage. Dans les deux cas, les dés sont désormais jetés. Le président ATT, par principe républicain, est désormais contraint d’adopter une démarche similaire consécutive à tous les autres rapports de contrôle (VEGAL, CASCA, entre autres) épinglant de près ou de loin des responsables et non des moindres.
En décidant d’ignorer ces cas de détournement et de corruption révélés par les auditeurs nationaux, il incite l’opinion publique à s’interroger sur le regard qu’il porte véritablement sur ces rapports des services de contrôle de l’administration d’Etat.
La même attitude suscitera bien d’autres réflexions : aurait-il éventuellement accepté la démission ou le limogeage d’un ministre de la République sur la seule base des rapports d’auditeurs nationaux ? Ou, aurait-il fallu que les partenaires et bailleurs de fonds étrangers s’en mêlent pour atteindre ce résultat ? Pour rappel, la communauté des bailleurs, à savoir, les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) a menacé de suspendre son assistance au Mali si toute la lumière n’était faite à propos de l’affaire dite du fonds mondial.
En obtenant donc la tête du ministre de la santé, ATT renforce les partenaires dans la logique selon laquelle, seule une bonne dose de pression diplomatique assaisonnée avec une pincée d’ultimatum, le tout servi dans les salles de conférences internationales, parviendra à faire plier les autorités maliennes dans le cadre de la lutte contre la corruption. Puisqu’il s’agit d’une recette gagnante, il n’y a pas à parier que nos cordons bleus l’expérimenteront dans d’autres compartiments mais, bien entendu, pour le même objectif.
Dans cette perspective, les marges de manœuvre du gouvernement et du président maliens seraient alors très réduites. Les maîtres cuisiniers n’auront qu’à évoquer le sempiternel argument selon lequel, le pays a signé et ratifié ces accords internationaux stipulant que… Cette stratégie, pour qui s’en souvient, n’a-t-elle pas incité les institutions maliennes à adopter une décision très litigeuse, à savoir, le code des personnes et de la famille au mois de juillet 2009 ?
C’est dire que les lendemains de la démission du Ministre de la santé risquent d’être incertains pour beaucoup d’autres hauts cadres de la République.
B.Diarrassouba
M. Oumar Ibrahim Touré a démissionné de sa fonction ministérielle afin de se mettre à la disposition de la mission d’enquête consécutive au détournement de fonds mondial pour la lutte contre le paludisme et le Sida au Mali. Mais, demis ou démissionnaire ? Dans les deux cas, la situation impose désormais une ligne de conduite conséquente au président de la République Amadou Toumani Touré lequel voit désormais sa marge de manœuvre très réduite dans sa stratégie de lutte contre la corruption.