Rappelons nos lecteurs que l’Union démocratique du peuple malien (UDPM) avait pour emblème le lion débout. Avec le multipartisme, les héritiers de l’UDPM ont changé cet emblème contre le tigre débout. La différence entre les deux animaux n’est pas très grande ; le lion, avec un mètre au garrot, pèse 100 à 200 kg, c’est un animal sauvage des steppes africaines. Chasse à l’affut la nuit, digère le jour.
Le tigre est un animal sauvage d’Asie continentale, la terreur de la jungle broussailleuse. Il pèse 100 à 200 kg. Tous les deux sont des animaux qui attaquent l’homme.
Quant à l’abeille, elle vit dans une ruche où l’essaim constitue une société de plusieurs milliers d’abeilles et chacune d’elle travaille au profit de toutes. Les abeilles donnent du miel et de la cire. Ce sont des insectes utiles.
Il était une fois un tigre et une abeille, qui se battaient pour le pouvoir. Le tigre, roi de la colline, voulait garder jalousement son fauteuil ; la reine abeille pressée de faire du bon miel sur la colline du pouvoir mis son antenne dans l’œil du tigre qui tomba. Et depuis ce jour là, l’abeille monta à Koulouba pour faire son miel.
Depuis la conférence de presse du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), organisée en juin 1995 qui a mobilisé une foule nombreuse de militants, c’était la panique dans les rangs des militants de l’Adema-Pasj. Ce jour là, les docteurs ès sciences politiques ont dit ceci : «à la cadence actuelle des choses», le MPR va droit au pouvoir, et que l’Adema serait obligé au nom de la démocratie, de faire une passation de pouvoir avec le MPR.
Car, si le MPR venait au pouvoir, ce serait le retour de Moussa Traoré et tous les dirigeants du Mouvement démocratique seront arrêtés et jugés. Cela est déjà annoncé avec cette volonté d’audit du Premier ministre de «pleins pouvoirs» de la transition et beau fils du général Moussa Traoré. S’il est vrai que le MPR est aussi représentatif auprès des populations, ça veut dire qu’on ne pourra pas l’étouffer, de même que le général Moussa Traoré qui n’a pas pu étouffer le Mouvement démocratique en 1990.
Même si le scénario présenté comme catastrophique se réalisait, à savoir l’arrivée du MPR au pouvoir en 2014, il est certain que rien ne pourra plus être comme sous GMT. Le peuple malien ne l’acceptera pas. Les responsables du MPR eux-mêmes n’oseront pas s’engager dans une telle aventure et ce pour son propre intérêt.
Les récents diagnostics des analystes politiques sont sans appel en ce qui concerne le Mali : le Mali, une plaque tournante de la drogue, le désert constitue une base arrière des terroristes.
L’année 1991 marque un temps fort, un tournant décisif dans la vie politique du Mali. Tout d’abord que s’était-il passé avant l’insurrection du 26 mars 1991 ? Les assises du congrès de l’UDPM devaient se tenir à Bamako du 29 au 31 mars 1991. L’objectif était le renouvellement des instances du parti, ensuite la mise en place d’un nouveau gouvernement.
La liste de ce nouveau gouvernement n’était plus qu’un secret de polichinelle. Les nouveaux ministres étaient connus. Alpha Oumar Konaré, ancien ministre de la Culture du régime UDPM, membre du Mouvement démocratique et militant de l’ADEMA association, était promu au poste de Premier ministre, le professeur Aly Nouhoum Diallo, ministre de la Santé, Boubacar Sada Sy, ministre du Développement rural, Mamadou Lamine Traoré, ministre de la Culture, Dioncounda Traoré, (fils d’un ancien officier de l’armée française), devait occuper un poste de conseiller à la présidence de la République. Ces propositions entre contestataires du régime UDPM et partisans du multipartisme ne verront pas le jour.
Le Mouvement démocratique, pressé d’accéder au pouvoir, va multiplier les battages médiatiques sur RFI et les marches de protestations à la Place de la Liberté. Les choses vont donc se précipiter pour prendre des allures inquiétantes qui aboutiront au renversement du régime UDPM, le 26 mars 1991.
Pourquoi la démocratie malienne est mal partie ?
Les principaux animateurs du Mouvement démocratique Maliens avaient un pied chez Moussa Traoré, l’autre chez les démocrates. Les associations démocratiques étaient prises en sandwiches entre la pression des restaurateurs et les coups fourrés du parti Adema.
N’arrivant plus à exprimer et coordonner leurs actions pérennes, le Mouvement démocratique et les partis politiques entrent en déconfiture à cause des scissions. Parallèlement, on assiste à la restructuration des partis de la restauration au sein et en dehors de l’Adema. Le Mouvement démocratique, hétérogène aux intérêts divergents, ne pouvait donc pas se fonder sur une stratégie de conquête du pouvoir d’Etat.
La révolution de mars 1991 a été dirigée par l’intelligentsia malienne du Mouvement démocratique, la bourgeoisie civile et militaire. Elle a juste écarté du pouvoir certains membres de l’UDPM (BEC) du gouvernement et de l’Assemblée nationale. L’après mars 1991 n’a pas mis en cause le parti unique. L’UDPM a été la référence identitaire du multipartisme parce que tous les partis politiques d’obédience udépémiste sont l’Adema et le PDP.
Pendant les dix ans d’exercice démocratique, l’Adema avait pratiqué l’exclusion des autres partis politiques à la gestion du pays comme au bon vieux temps du parti unique.
Pourtant, sous la dictature de l’UDPM, le peuple avait arraché quelques droits tels que : la liberté d’association ; la liberté de manifester ; la liberté de presse et d’opinion. Il ne restait que le multipartisme prévu pour 1993 ayant comme passage obligé une transition.
Pressés d’accéder à Koulouba pour les uns et d’occuper les ministères et les institutions de la République pour les autres, nos démocrates sont passés à la vitesse supérieure en multipliant les marches, les meetings voire les casses des édifices publics.
Etrangement, on a assisté à un pillage systématique des biens de l’Etat. Pour preuve, la démocratie malienne en moins d’une décennie a accouché d’une vingtaine de milliardaires. Tenez-vous bien, tous issus du parti de l’abeille. La tâche qui s’impose aujourd’hui avec une impérieuse nécessité est d’unir les forces patriotiques dans un mouvement politique afin de mobiliser les classes populaires, les aider à s’organiser et à engager une lutte implacable pour l’instauration d’un régime politique réellement démocratique.
Pour cela, il faut présenter à l’Assemblée nationale l’audit de la gestion des fonds de l’AGETIPE, de l’ACI et des fonds des 16 milliards du filet social ; d’organiser entre le MPR (Choguel ou Moussa Traoré) et l’ADEMA des débats contradictoires sur la décentralisation, la Nouvelle école fondamentale (NEF), la faillite des sociétés et entreprises d’Etat sous l’UDPM ; de présenter l’audit des fonds de plusieurs milliards de FCFA qui se trouvaient dans les caisses de l’UDPM. Ces fonds devaient revenir à l’Etat malien.
Voilà des interrogations qui ne manqueront pas d’enrichir le débat politique à venir.
Amy SANOGO