Depuis la dernière présidentielle de 2018, les agissements des partis et formations politiques de la majorité et de l’opposition indiquent une crise de plus en plus profonde du jeu partisan et un égarement progressif des acteurs.
-Maliweb.net- Ils sont tous pratiquement en train de perdre le nord et mettent le pays en danger. Tous se livrent volontairement à une analyse biaisée de la situation nationale dans la seule optique de manipuler l’opinion à leur profit. Les initiatives des uns et les réactions des autres s’apparentent à une dramatique théâtralisation de la vie politique nationale où des acteurs de peu de talents se succèdent pour servir de piètres et infantiles prestations à des spectateurs désabusés et sans voix.
Avec ces hommes et ces femmes qui ridiculisent et infantilisent le jeu politique, le chemin du renouveau et du changement réel dont chacun se proclame l’authentique porteur, semble encore long, voire trop long et même désespérant. Il faut seulement souhaiter qu’ils ne pousseront l’irresponsabilité jusqu’au bout, en plongeant le pays dans l’incertitude et le chaos.
Dans la faune politique malienne, le jeu partisan manque cruellement d’éthique et d’honnêteté. Il ne faut pas avoir peur des mots. Les hommes politiques se refusent un minimum d’honnêteté avec eux-mêmes et avec leurs compatriotes. Ce qu’ils reconnaissent hors micro, ils le rejettent quand ils sont face au public. Majorité et opposition se livrent à une bataille où chacun use du dilatoire, des accusations sans fondement et parfois même du mensonge soit pour vanter son action, soit pour peindre en noir celle de l’autre. L’opposition ne reconnaît aucun mérite ou bonne action au pouvoir.
Celui-ci voit dans l’opposition, une bande d’apatrides qui veulent utiliser des raccourcis pour parvenir au pouvoir. L’on envenime inutilement le discours. D’aucuns diront que c’est de bonne guerre. Car, dans ce pays de la savane et de la poussière, la politique est assimilable à un jeu pour personnes peu vertueuses ou de peu de foi. Ainsi, la scène politique malienne a atteint un niveau d’inconséquence et de décrépitude morale qui doit interpeller la conscience nationale.
Hier, c’était un pouvoir fort et une opposition trop faible mais qui s’est progressivement renforcée grâce à la constance des mouvements sociaux. Ces derniers se sont positionnés en véritable contre-pouvoirs et ont mené la lutte pour plus de démocratie, d’espaces de liberté et de justice. L’opposition, elle, justifiait son inconséquence et son manque d’initiative par la puissance répressive et corruptrice du pouvoir en place.
Pourtant, cette puissance n’épargnait pas non plus les leaders des mouvements sociaux. Mais, ils ont entretenu la résistance et ont conquis des espaces de liberté plus grands.
Point n’est besoin de revenir sur les péripéties de la lutte contre le terrorisme qui a abouti à un coup d’Etat le 22 mars 2012. Ce que l’on peut retenir, c’est que les conditions ont été progressivement réunies pour terrasser le régime d’Amadou Toumani Touré, par des leaders politiques maliens.
Malheureusement, la jonction entre les forces politiques et sociales qui a favorisé la chute du pouvoir déchu n’a pas été portée par une offre politique alternative. Face à Amadou Toumani Touré qui régnait sur un pouvoir de partage, le terme « changement » pouvait constituer en lui seul tout le fondement du discours politique pour l’opposition et les mouvements sociaux.
Car, il fallait fait lui faire porter le chapeau de sa fuite avant quand ç la lutte contre les terroristes qui avaient installé leur QG dans le Nord de notre pays. Le combat était donc porté, moins par l’alternative à la politique d’ATT que par l’exigence de son départ par tous les moyens. Tout ce qui pouvait contribuer à cet objectif était porteur de changement et d’espoir de renouveau.
Aujourd’hui, certains rêvent de refaire le coup de force. Ironie du sort, ceux qui ont renversés u régime démocratique par un putsch semble vouloir se relancer par une autre insurrection. En réalité, ce qu’il est donné d’observer aujourd’hui sur la scène politique n’est ni moins ni plus que la traduction concrète de ce combat sans projet politique alternatif. C’est ce qui expliquait les louvoiements de la Transition dont la gouvernance a été largement marquée par cette absence de projet politique alternatif qui devait clairement fixer les grandes orientations en termes de réformes politiques institutionnelles, de remise à plat des institutions et de relance du processus démocratique et du développement économique et social.
L’on s’est contenté d’un strict minimum à travers la pression de la CEDEAO qui a permis de mettre en place des institutions de la Transition pour aller rapidement vers la restauration de l’ordre constitutionnel, à travers l’organisation d’élections présidentielle et législatives. Et l’on a vu tout l’empressement des politiques à aller en campagne une fois les autorités de la transition mis en place. Les élections de 2013 sont donc l’aboutissement logique de ce processus politique sans alternative. Finalement, ce sont les mêmes acteurs qui se sont retrouvés dans la compétition électorale. C’est encore eux qui se retrouvent à la majorité et à l’opposition.
Face aux louvoiements du pouvoir, l’opposition répond des critiques sans aucune proposition. Parfois, la majorité réagit aux dénonciations et critiques de l’opposition par des injures et des accusations très graves. Le message du chef de file de l’opposition de 2013 à ce jour est assez illustratif de ce discours politique de la négation. A chaque sortie du chef de file de l’opposition, il n’a reconnu aucun acquis au cours des 6 ans du pouvoir. C’est à peine si pour le chef de file de l’opposition, toutes les tares de la gouvernance au Mali ne sont pas exclusivement le fait du Président IBK, le RPM et de ses dirigeants. Ce sont eux qui ont dirigé le pays avec Amadou Toumani Touré et sont donc responsables de toutes les dérives de son régime.
Ce sont eux aussi qui perpétuent les pratiques corruptrices et de la prédation en attribuant les marchés publics à leurs amis qui ont financé la campagne. L’économie nationale n’a jamais été aussi mal par leur faute. La Justice est instrumentalisée à des fins politiques. L’insécurité a atteint des seuils effroyables. Le pays est divisé et la réconciliation n’est pas encore au rendez-vous. Oui, tout ça, c’est peut-être vrai. Peut-on honnêtement imputer tout le mal du pays au seul pouvoir ? Quelle alternative l’opposition propose ? Va-t-on mobiliser les Maliens autour seulement de la critique sans alternative ?
Autant d’interrogations qui montrent que l’on s’écarte progressivement des débats politiques constructifs et civilisés. Certes, l’opposition doit critiquer l’action du pouvoir et mettre la pression pour obtenir des changements. Mais encore faut-il que l’on sache ce qu’elle propose comme changement. Pour l’heure, l’on est dans la logique de la valorisation de soi par la dévalorisation de l’autre et même de la calomnie.
L’animation de la vie politique est donc marquée par des échanges parfois épistolaires et des débats insipides, parfois inutilement virulents, provocateurs et violents. L’on a parfois l’impression que certains politiciens cherchent à susciter la colère populaire. D’autres, sachant que la seule condition de leur retour aux affaires est le chaos, sont prêts à tout pour retrouver les avantages et autres facilités perdues presqu’à jamais. Ils tenteront le tout pour le tout. Mais il ne faut pas se voiler la face, les vrais perdants de cette bataille entre anciens copains et compagnons de longue date, ce sont la grande majorité des Maliens, la démocratie et le développement.
L’alternative pourrait être l’émergence d’une nouvelle offre politique portée par un mouvement social sous le leadership d’hommes et de femmes de convictions et assez imaginatifs. Cela aura au moins le mérite d’interpeller la communauté nationale sur l’impérieux renouvellement de la classe et de l’offre politique.
Boubou SIDIBE/Maliweb.net