Ces derniers mois, une grande partie de notre continent, a connu des tensions politiques intenses, certes attendues par certains, mais surprenants pour d’autres. En effet, après les assauts contre les présidents Tunisiens et Egyptiens, le tour était au Guide de la Grande Jamahiriya, Mouammar El Kadhafi. En Libye, il y a eu des remous sociaux. Des revendications en faveur de l’ouverture démocratique dans ce pays, à l’interne, on en est arrivé à la déclaration de la communauté dite internationale, sous la houlette de la France, de la Grande Bretagne et des Etats-Unis, qui sous tendait que le Guide Libyen doit quitter le pouvoir. Le Conseil d’insécurité, que dis-je, de sécurité des Nations Unies, a voté une résolution autorisant cette « communauté internationale » à user de tous les moyens pour débarquer du pouvoir, Mouammar Kadhafi.
Au sein de l’Union Africaine, les Etats membres sont allés en rangs dispersés. On peut dire que « le Guide » n’a pas bénéficié du soutien effectif de ses pairs. Certains ont crié à la trahison. Mais, quoi qu’on dise, les grandes puissances impliquées dans cette guerre, sont allées trop vite en besogne. Au début, il était question de limiter les dégâts. Mais, on assiste à une destruction massive de la Libye. Durant des mois, les avions de l’OTAN, pilonnent, sans cesse, les grandes villes de la Libye. Détruisant tout. Au lieu de protéger les populations civiles, comme le prévoyait la résolution de l’ONU, l’OTAN, dont la prise de position dans ce conflit, pour une partie est flagrante, a fait de nombreuses victimes, tant matérielles qu’humaines.
La position de l’Union Africaine qui préconisait une solution beaucoup plus diplomatique, a été, superbement, ignorée. Quel est le motif réel de cette intervention en Libye, Il n’est, en tout cas, pas dans l’intérêt africain. Après avoir détruit la Libye, ces grandes puissances se disputent les contrats de reconstruction. Une mainmise est déjà faite sur le pétrole libyen.
A la grande rencontre de Paris, dont l’objectif était de déterminer l’après-Kadhafi, le président malien, Amadou Toumani Touré a réitéré la position africaine derrière laquelle le Mali s’est toujours aligné. Il s’agit d’une solution beaucoup plus pacifique que celle qu’emploie la « Grande communauté internationale » guidée par ses seuls intérêts économiques. « Aujourd’hui, comme hier, notre conviction est que seule une solution politique permettra d’enraciner la Libye dans une transformation démocratique ouverte à toutes ses entités », a-t-il déclaré.
La guerre en Libye aura des répercussions graves voire dangereuses pour la sous-région ouest africaine. En proie déjà au terrorisme et autre banditisme dans la bande sahélo-saharienne, les Etats africains notamment ceux qui partagent cette bande, auront fort à faire, puisque la France, dans son seul souci d’en finir rapidement avec Kadhafi, s’est offert le vilain plaisir de distribuer des armes dont personne ne connait aujourd’hui, la destination finale. A coup sûr, elles vont finir entre les mains de terroristes ou de bandits de grand chemin.
Certes, les objectifs ne sont pas les mêmes en ce qui concerne la crise en Libye. Pour les Grandes puissances qui interviennent aux côtés des « rebelles », l’objectif est clair et est le même pour toutes : décrocher des contrats énormes dans ce que l’on appelle la reconstruction de la Libye. Pour cela, il faut détruire plus pour reconstruire plus. Mais pour l’Union Africaine, notamment les pays membres qui avaient gardé des liens étroits avec le « Guide », la solution de la crise doit, avant tout, être pacifique, politique afin d’éviter à la Libye des lourdes pertes dont elle ne se relèvera jamais.
La déclaration du président malien à Paris obéit à ce souci. C’est pourquoi, disait-il, « nous exhortons le Conseil National de Transition à exercer la responsabilité historique qui est désormais la sienne avec la volonté et le souci de la réconciliation et du pluralisme afin de reconstruire le tissu national. C’est dans cet esprit que, conformément aux positions que nous avons déjà défendues au sein de l’Union Africaine, nous appelons à la formation d’un gouvernement de transition inclusif, à l’élaboration d’un cadre constitutionnel et législatif pour la transformation démocratique de la Libye sur la base d’élections justes, transparentes et crédibles. Dans cette perspective, le Mali réaffirme sa disponibilité à s’intégrer dans tout dispositif africain et international d’assistance et d’accompagnement. Le Mali s’y engage, d’autant plus que nous partageons avec la Libye une région extrêmement vulnérable à la collusion entre les menaces diverses et terroristes dont les capacités se trouvent objectivement renforcées par l’intense prolifération d’armes, menaçant ainsi gravement la stabilité de nos Etats ainsi que la paix et la sécurité dans l’ensemble du Sahel. Le Mali est et demeure un ami de la Libye et est prêt à travailler avec l’ensemble de la Communauté Internationale à la stabilisation et à la consolidation de la Libye, conformément aux aspirations de son peuple à la démocratie, à la justice, aux droits de l’Homme et aux relations fraternelles avec tous les autres peuples.
Je ne saurais conclure sans rappeler que la sécurité et la protection des africains qui ont choisi de demeurer en Libye et y travaillent pour subvenir à leurs besoins doit être assurée ».
Pour tout dire, selon le président ATT, l’approche privilégiée par la communauté internationale est anti démocratique et n’est pas de nature à instaurer véritablement la démocratie de façon durable en Libye. Cette position d’ATT n’est nullement surprenante pour le commun des Maliens pour qui connait l’attachement de notre pays aux valeurs de la démocratie. Le Mali est contre les coups de forces, cela n’est pas une position nouvelle et ne sous tend aucun intérêt particulier à préserver. En réagissant ainsi, ATT est incontestablement un homme averti en matière de règlement des conflits. Il en a été artisan dans plusieurs pays auparavant. Ce n’est donc pas aujourd’hui qu’ATT changera de position. La réaction est largement partagée par nombre de ses pairs et partant, par des millions de personnes éprises de paix sociale à travers le monde entier.
Tiémoko Traoré