Le dimanche 31 mai 2015, le 1er tour des élections législatives partielles de la commune V du district de Bamako s’est tenu avec, sur les 245 025 électeurs inscrits, seulement 19 641 électeurs qui ont voté. Soit 8,02%. Quasiment du jamais vu, même en cas d’appel au boycott!
Un coup d’œil dans le rétroviseur de l’histoire permet de se rendre compte que la faiblesse du taux de participation aux élections est une constate négative pour la démocratie malienne. Une étude menée en octobre 2011 dans ce sens par la Fondation Friedrich Ebert Stiftung rappelle qu’à la présidentielle de 1992, le taux de participation était de 23,6% au 1er tour et 20,9 % au second tour. La présidentielle de 1997 ne sera pas mieux lotie : 29 % (il n’y avait pas eu de second tour). De même, l’élection présidentielle de 2002, après des efforts soutenus de sensibilisation, fera un léger mieux : 36,8 % au 1er tour et 30,2 % au second tour. La présidentielle de 2007 (sans second tour) aura, elle, un taux de participation de 36,24 % et les législatives de la même année seront à 33,37 % pour le 1er tour et 32,19% au second.
Ce rappel montre que les élections au Mali n’ont presque jamais atteint la barre de 50%. Ce qui est le signe palpable que la donne politique est très loin des préoccupations du peuple et, pour ne rien arranger à la chose, la crise politique et sécuritaire de 2012 a donné le coup de grâce à cette démocratie à faible implication des populations.
Les causes du désintérêt à l’endroit des urnes
L’étude de la Fondation Friedrich Ebert cite comme raisons principales de cette désaffection des urnes l’analphabétisme et la culture politique traditionnelle, les listes électorales paraissant inexactes ou mal confectionnées, le découpage électoral et du mode de scrutin à améliorer, la sensibilisation insuffisante des électeurs, la formation civique déficitaire.
S’y ajoutent la sempiternelle question des cartes d’électeurs, les fraudes multiformes et l’impunité, la gestion calamiteuse des communes et la corruption, la problématique de la neutralité de l’Administration, les conséquences du faible taux de participation, le manque de légitimité, ledéficit de confiance des partenaires;
Quelques pistes pour remédier au phénomène
Selon plusieurs observateurs, la paupérisation des masses populaires n’est pas étrangère à cet abandon des joutes politiques. C’est ainsi que lors du scrutin du dimanche dernier, les marchés jouxtant certains centres de vote étaient plus animés que ces derniers. Et à l’entrée des centres de vote, de potentielles électrices étaient plutôt concentrées sur leurs petits commerces que sur autre chose.
Par ailleurs, l’image et la moralité des hommes politiques au sein de la société, la question de la transhumance politique et le manque de conviction, la course pour l’intérêt personnel sont aussi des facteurs qui conduisent les électeurs à bouder les élections. Comme pour dire pourquoi irions-nous voter si ceux qui bénéficient de ce vote ne sont que dans une course pour s’enrichir eux-mêmes ?
Dans une récente tribune dans nos colonnes (L’Indépendant N° 3757 du 3 juin 2015) l’ancien Premier ministre Moussa Mara écrivait ceci : “Le Malien moyen stigmatise régulièrement les carences morales, la corruption, l’inefficacité, la malhonnêteté, le peu de souci des souffrances de la population, l’enrichissement rapide et sans cause du fait de responsabilités publiques, l’inaccessibilité…comme des caractéristiques des acteurs politiques de notre pays “.
Le phénomène de l’abandon des urnes est si grave qu’il altère même le principe de la représentativité qui est la véritable sève nourricière de ce que les théoriciens appellent la ” démocratie participative “. Que vaut justement le mandat électif conféré à un élu par seulement moins d’un cinquième des électeurs de la circonscription ? Quelle est la légitimité du président de la République élu avec seulement 20 à 30% des électeurs du pays (18 ans et plus) ?
Refonte du sytème
électoral
Les pouvoirs publics semblent se méprendre sur la gravité de cette situation et rejettent souvent la responsabilité sur les acteurs politiques, qui, eux-aussi, s’empressent de pointer un doit accusateur sur l’administration territoriale. Celle-ci est accusée de ne pas travailler pour rendre crédibles et transparents les processus électoraux, de ne pas sensibiliser davantage les populations.
Selon certains leaders des organisations de la société civile, il faut que se mette en place une nouvelle classe d’acteurs politiques crédibles. Mais il est nécessaire aussi de penser à une refonte même de tout le dispositif électoral allant jusqu’à penser au système des grands électeurs au détriment du suffrage populaire. Cela contribuera à améliorer l’implication de ceux qui sont conscients de leur poids dans le choix des dirigeants.
Bruno D SEGBEDJI