Le Mali semble avoir définitivement basculé dans la République bananière sinon l’Etat voyou gangréné par l’incompétence, la négation et le mépris du droit ainsi que le laxisme qui trônent au plus haut sommet de l’Etat. Encore une fois, le collège électoral des hypothétiques législatives du 28 octobre 2018 vient d’être convoqué dans un spectacle grotesque et honteux de tâtonnements juridiques du gouvernement.
Un gouvernement qui se plante encore une fois sur la date de démarrage de la campagne électorale du 1er tour
Un gouvernement qui vient encore une fois de se planter comme ce fut le cas lors de la présidentielle passée, sur l’application de l’article 70 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 modifiée portant loi électorale aux termes duquel « la campagne électorale est ouverte à partir du vingt et unième (21ème) jour qui précède le jour du scrutin pour l’élection du Président de la République et des Députés ». Le Conseil des ministres du 28 août 2018 vient de fouler au pied la date légale du 21ème jour précédant le jour du scrutin législatif qui déclenche la campagne électorale du 1er tour. En effet, selon le communiqué dudit Conseil des ministres, « le collège électoral est convoqué le dimanche 28 octobre 2018, sur toute l’étendue du territoire national, à l’effet de procéder à l’élection des députés à l’Assemblée nationale. La campagne électorale, à l’occasion du premier tour, est ouverte le samedi 06 octobre 2018 à zéro heure… ». Le gouvernement s’est une fois de plus lourdement planté. Le samedi 06 octobre 2018 correspond au 22ème jour qui précède le jour du scrutin et non le 21ème jour comme stipulé à l’article 70 de la loi électorale n°2016-048 du 17 octobre 2016 modifiée par la loi n° 2018-014 du 23 avril 2018. La date légale d’ouverture de la campagne électorale du 1er tour des législatives du 28 octobre 2018 est bien le dimanche 07 octobre 2018 à zéro heure.
Quid de l’organisation simultanée de la révision annuelle des listes électorales (1er octobre-31 décembre) et du scrutin législatif des 28 octobre et 18 novembre?
Il faut craindre que le gouvernement incapable de la moindre anticipation sur la gestion des affaires de l’Etat, ne soit condamné encore une fois, à fouler au pied les lois de la République. En effet, il faut rappeler que la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 modifiée portant loi électorale prescrit annuellement une révision des listes électorales du 1er octobre au 31 décembre. On ne peut assurer un démarrage digne de cette révision annuelle sans une préparation en amont d’au moins un mois. Or à un mois de cette opération capitale, le gouvernement ainsi que l’ensemble des acteurs impliqués et concernés seront en pleins préparatifs des législatives des 28 octobre et 18 novembre 2018.
Le choix entre un simulacre de révision annuelle ou une violation éhontée de la loi électorale
Faute d’anticipation, le gouvernement ne dispose plus d‘aucune marge de manœuvre aujourd’hui. Autant dire que c’est une révision annuelle bâclée ou un simulacre de révision annuelle qui attend encore cette République meurtrie du Mali. Car, il est clair qu’aucune révision annuelle sérieuse des listes électorales ne peut se faire en même temps que la tenue des élections législatives. Si ce n’est un simulacre de révision annuelle des listes électorales, le gouvernement n’aura d’autre choix alternatif que la violation flagrante de la loi par exemple en décidant irrégulièrement par voie réglementaire de se dédouaner de ses obligations républicaines en n’organisant pas la révision annuelle de cette année 2018. Il commettrait bien évidemment là une forfaiture, puisqu’un acte règlementaire ne peut aucunement modifier une obligation résultant de l’article 41 de la loi électorale. Quand on sait l’état de déconfiture avancée du fichier électoral actuel, il y a lieu de s’interroger sur le sort qu’on réserve déjà de cette manière aux scrutins de 2019, puisqu’il est stipulé à l’article 41 de la loi électorale que « durant toute l’année qui suit la clôture de la liste, les élections sont faites suivant la liste révisée et arrêtée au 31 décembre ». En leur réservant un fichier électoral non actualisé à travers les procédures légales de droit commun, on condamne déjà ainsi par anticipation la crédibilité des scrutins locaux et régionaux de 2019. Car il est vrai, le gouvernement pourrait toujours à la sauvette se rabattre sur l’alinéa 4 de l’article 41 selon lequel le ministre chargé de l’Administration Territoriale peut prescrire la révision exceptionnelle des listes électorales dans des conditions de délais et de procédures qu’il détermine par décision. Mais comme on l’a vu lors de la dernière opération de révision exceptionnelle des listes électorale qui n’a duré que deux (02) à trois(03) jours, il serait illusoire d’y fonder un quelconque espoir de refonte du fichier électorale frelaté actuel. Nous serons loin du bout du compte. On n’est pas sorti des affres de la mascarade électorale de la présidentielle qu’un nouveau hold-up électoral semble déjà pointer le bout du nez.
Dr Brahima FOMBA, Université des Sciences
Juridiques et Politiques de Bamako (USJP)