La série de reports des élections communales, régionales et du district de Bamako a logiquement poussé le gouvernement à aller dans le sens de la mise en place des autorités transitoires, notamment dans les collectivités dont les organes ne sont plus fonctionnels. Des projets de texte y afférents viennent d’être soumis à l’appréciation de la classe politique.
Le lundi 8 février 2016, le ministre de la Décentralisation et de la Reforme de l’Etat a, en présence de son collègue de l’Administration territoriale, Abdoulaye Idrissa Maïga, rencontré les partis politiques, loin des regards de la presse privée. Au cœur des discussions, figuraient deux projets de texte sur lesquels le ministre Mohamed Ag Erlaf voulait recueillir les avis et propositions de ses interlocuteurs du jour, avant que lesdits textes ne passent en Conseil des ministres. Il s’agit du projet de loi portant modification de la loi n°2012-007 du 7 février, modifiée par la loi n°2014-052 du 14 octobre, portant Code des collectivités territoriales et le projet de décret fixant les modalités de mise en place des autorités transitoires dans les collectivités territoriales.
Les autorités transitoires se substituent aux délégations spéciales
Pour justifier cette nouvelle donne, le département en charge de la Décentralisation souligne que l’Assemblée nationale a, le 13 novembre dernier, autorisé la prorogation des mandats des conseils communaux, ceux des cercles, des régions et du district de Bamako jusqu’à la mise en place de nouveaux organes. Mais, si cette situation garantit la continuité des organes des collectivités territoriales, elle demeure toutefois sans effet pour les collectivités dont les organes ne sont plus fonctionnels pour diverses raisons.
Aussi, poursuit ledit document, relativement à la période intérimaire, l’Accord de paix et de réconciliation stipule-t-il qu’«afin d’assurer la continuité de l’Etat, les institutions actuelles poursuivront leurs missions jusqu’à la mise en place des organes prévus dans le présent accord». L’Accord prévoit par ailleurs «la mise en place, le cas échéant et au plus tard trois mois après la signature de l’Accord, des autorités chargées de l’administration des communes, cercles et régions du Nord durant la période intérimaire. Leurs désignation, compétences et les modalités de leur fonctionnement seront fixées de manière consensuelle par les parties».
Or, pour la mise en œuvre des engagements soulignés ci-dessus, fait remarquer le rapport, les délégations spéciales révèlent des limites, notamment au regard de leur taille (variable de 3 à 7 membres), de leurs attributions restrictives et de leur durée (6 mois renouvelables une fois). C’est pourquoi, il est apparu nécessaire aux yeux du gouvernement de modifier la loi n°2012-007 du 7 février 2012, modifiée par la loi n°2014-052 du 14 octobre 2014, portant Code des collectivités territoriales, à l’effet de substituer les autorités transitoires aux délégations spéciales.
En quoi les autorités transitoires présentent-elles plus d’avantages ?
Si l’on croit le rapport, les autorités transitoires s’inscrivent dans la continuité des organes élus en ce que, contrairement aux délégations spéciales, elles sont chargées, sans restriction aucune, des attributions dévolues aux conseils des collectivités territoriales. Les autorités transitoires restent non seulement en place jusqu’à l’installation des nouveaux conseils, mais aussi leur taille sera fonction de celle des conseils des collectivités territoriales. Leurs membres proviendront de l’administration, de la société civile et du secteur privé.
Ce qui va changer dans le Code des collectivités
La modification concerne les articles 11, 12, 13, 14, 86, 87, 88, 89, 152, 153, 154, 155 et 156 du Code des collectivités territoriales. La future loi généralise la mise en place d’autorités transitoires dans les collectivités territoriales, chaque fois que les circonstances du moment l’exigent.
Quant au projet de décret fixant les modalités de mise en place des autorités transitoires dans les collectivités territoriales, il est élaboré en application de l’article 2 du projet de loi. Il précise les critères d’appréciation de l’impossibilité de constituer les organes des collectivités territoriales et de la non fonctionnalité de ceux-ci, ainsi que les procédures y afférentes. Selon le rapport, l’impossibilité de constituer découle de l’expiration du mandat du conseil de la collectivité territoriale sans qu’il ne soit possible d’élire ou d’installer un nouveau conseil dans les délais légaux. Quant à la non fonctionnalité du conseil, elle s’apprécie par rapport aux critères tenant à la fois à l’existence d’une administration offrant des services aux usagers, et la tenue d’au moins deux sessions régulières du conseil de la collectivité dans l’intervalle de douze mois consécutifs.
Priorité aux cinq régions du nord
Le rapport relève par ailleurs que le projet de décret détaille les dispositions spécifiques qui président à la mise en place des autorités transitoires dans les collectivités territoriales des régions de Tombouctou, Gao et Kidal, ainsi que celles de Taoudéni et Ménaka, conformément à l’Accord de paix. Ainsi, les autorités transitoires seront mises en place de façon prioritaire dans ces collectivités, avec des missions élargies, suivant une approche concertée et inclusive. Leurs membres seront désignés, en fonction de la taille des conseils des collectivités territoriales, par le Gouvernement, la Coordination des mouvements de l’Azawad et la Plateforme des mouvements d’autodéfense. Ils seront choisis parmi les autorités traditionnelles, la société civile, les conseillers sortants et les agents des services déconcentrés du ressort de la collectivité territoriale concernée.
Fruits d’une concertation élargie aux groupes armés
Les présents projets de loi et de décret ont déjà fait l’objet d’échanges avec les représentants de la Plateforme et de la Coordination, précise le rapport.
Lors de la rencontre du 8 février, les partis politiques ont fait d’importantes propositions qui devraient enrichir ces différents projets de texte, lesquels devraient être soumis très prochainement à l’approbation du Conseil des ministres et l’Assemblée nationale, notamment en ce qui concerne le projet de loi.
Il importe de rappeler au passage que les mandats des organes des collectivités territoriales, mis en place suite aux élections de 2009, ont connu plusieurs prorogations. Notamment à travers les décrets n°2014-0197/P-RM du 18 mars 2014 pour une durée de six mois à compter du 27 avril 2014 ; n° 2014-0810/P-RM du 23 octobre 2014 pour une durée de six mois à compter du 27 octobre 2014 et la loi n°2015-010/P-RM du 24 avril 2015 pour une durée de six mois à compter du 27 avril 2015. Ces différents reports ont été motivés essentiellement par la dégradation de la situation sécuritaire dans le Nord et l’épineuse question du retour des refugiés.
Bakary SOGODOGO