Réformes politiques et institutionnelles, lutte contre le terrorisme et la corruption…, les membres de l’organe législatif avaient beaucoup de questions à l’adresse du chef de l’exécutif. L’exercice démocratique ayant valeur d’évaluation de l’action gouvernementale a permis d’apporter un éclairage sur bien de sujets brûlants
Le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, était hier face aux membres du Conseil national de transition (CNT) au Centre international de conférences de Bamako (CICB). Plus de cinq heures, marquées par les questions sans concession des membres du CNT et les réponses apportées par le chef du gouvernement, l’essentiel des préoccupations en lien avec la mise en œuvre du Plan d’action du gouvernement (PAG) ont été vidées. Les préoccupations soulevées reflétaient les sentiments et les ressentiments de la grande majorité des Maliens sur la mise en œuvre de ce Plan dont les quatre axes avaient été déclinés, en ce même lieu en aout 2021, par le Premier ministre.
Sans doute, c’est dans les domaines de la défense et la sécurité que le bilan est le plus reluisant pour l’exécutif. Unanimement, tous les intervenants ont reconnu la montée en puissance des Forces armées maliennes (FAMa) et s’en sont réjouis. L’Armée enchaine en effet des succès opérationnels, dont le plus emblématique est l’opération menée récemment à Moura dans le Cercle de Djenné.
Cependant, des poches d’insécurité subsistent. Des membres du CNT ont particulièrement fait remarquer la persistance du problème sécuritaire dans le Centre du pays, où la violence entre les communautés semble difficile à circonscrire.
Aussi, demeurent les sempiternelles questions de l’effectivité du Désarmement de la Démobilisation et de la Réinsertion (DDR) des ex-combattants dans le Nord du pays, du désarmement et de la dissolution des groupes d’auto-défense. Le retour de l’administration dans les zones affectées, qui fait partie intégrante du premier axe du PAG, ne s’effectue pas non plus au rythme souhaité. Et le processus de « relecture intelligente » de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger (APR) n’est toujours pas engagé.
Estimant que toute action politique déconnectée de son contexte peut ne pas avoir une bonne appréciation, le Premier ministre est revenu sur les péripéties qui ont chamboulé les programmations énoncées dans le PAG. Les principaux facteurs indexés sont notamment relatifs à la décision unilatérale de la France de retirer ses troupes et à la crise avec la communauté internationale, menée par la Cedeao. «Cela a nécessité un changement total dans la stratégie de financement de nos activités», selon le chef du gouvernement qui a soutenu que cette situation a donné le sentiment que les autres secteurs ont été délaissés.
24 MOIS- Pour le chef du gouvernement, les lignes bougent. Il a exposé le sens qu’il donne à l’expression « relecture intelligente». Elle sous-entend que «nous fassions tout ce qui est possible pour nous entendre, sauf les actes qui peuvent conduire à la partition du Mali ». Dr Choguel Kokalla Maïga a concédé que les discussions sur le processus buttent sur un manque de volonté de certaines parties prenantes, qui n’arrivent pas à fournir les quotas à elles octroyés dans le cadre du DDR accéléré. Il espère, cependant, que les blocages seront levés à la faveur des rencontres décisionnelles annoncées pour les semaines à venir.
Après le retrait de Barkhane, la Minusma devient un partenaire stratégique. Nombre de membres du CNT ne perçoivent pas l’intérêt de cette mission dont le mandat sera certainement renouvelé en juin prochain. « Bien qu’il ne faut pas s’attendre à un changement notable de son mandat, certains pays contributeurs laissent entendre qu’ils vont réévaluer le niveau de leur participation en raison du retrait de la force Barkhane», a confié le Premier ministre. Au demeurant, le gouvernement s’attèle à faire prévaloir ses priorités stratégiques. Pour Choguel Kokalla Maïga, les Maliens doivent se convaincre que ce ne sont pas les forces étrangères qui vont ramener la paix dans notre pays.
Le dialogue entre notre pays et la Cedeao n’a pas échappé au débat. Sur le sujet, le Premier ministre reste persuadé que cette Transition ne sera la dernière que si le Mali tire les leçons de l’échec des transitions passées. Une façon pour lui de mettre en avant l’impératif de reformer pour asseoir des institutions fortes. Aujourd’hui, l’organisation sous-régionale semble revoir ses copies et, désormais, la question de fond est jusqu’où les reformes peuvent aller ? Sur cette question, il y a des divergences de fond. Mais les discussions continuent. « Le président de la Transition est en contact permanent avec ses homologues de la Cedeao. Aussi, les discussions continuent au niveau des équipes politique et technique», a relevé Dr Choguel Kokalla Maïga qui a rappelé que les 24 mois proposés par le gouvernement sont incompressibles pour implémenter les bases de l’irréversibilité du processus du changement.
Le Premier ministre a informé que l’élaboration d’une nouvelle loi fondamentale est retenue comme l’une des actions prioritaires de la mise en œuvre du cadre stratégique de la refondation de l’Etat et de son plan d’action qui sont en cours d’élaboration. Egalement, des actes ont été pris concernant le Comité indépendant de suivi-évaluation de la mise en œuvre des recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR). En effet, un décret portant création, organisation et fonctionnement de ce Comité a été pris le 20 avril dernier. Cette structure sera composée de 15 membres. Le gouvernement s’attèle également à l’élaboration d’une stratégie de dépolitisation de l’administration. Le processus est bien avancé, a dit le chef du gouvernement.
DANS 8 MOIS- La bonne organisation des élections apparait comme le baromètre de la réussite de la Transition. Or, à ce jour, très peu d’actions sont entreprises. Et les membres du CNT ont estimé que la transmission à l’organe législatif du projet de loi portant loi électorale ne peut nullement être considérée comme synonyme de création de l’Organe unique chargé des élections.
Mais, pour le Premier ministre, c’est déjà un pas dans l’organisation des prochaines échéances électorales. Et, a-t-il ajouté, « si la loi est votée, l’organe sera opérationnel dans les huit prochains mois, avec la constitution des équipes au niveau national, local et extérieur». Puis, dans les huit mois suivant, il sera procédé à l’acquisition du matériel électoral, ainsi qu’à la formation du personnel et des agents électoraux. Dans le même temps, l’organe peut faire l’audit et la consolidation du fichier actualisé. Par la suite, il mettra en œuvre les préparatifs des opérations électorales. Ensuite, les débats avec l’ensemble des acteurs permettront de décider de l’ordre selon lequel les scrutins (référendaire, législatif, présidentiel) interviendront.
En outre, le Premier ministre annoncera que dans les semaines à venir, le gouvernement va dérouler le programme de la Transition sur les 24 mois. «Nous avons perdu trois mois. Aujourd’hui, nous avons décidé de ne plus attendre. à partir de cet instant, nous engageons le processus de mise en œuvre de tout le plan de la Transition pour les deux ans», a déclaré Dr Choguel Kokalla Maïga qui a ajouté que toutes les dispositions légales et réglementaires vont être prises pour avancer.