« Les Oubliés de la République » : Yambo Ouologuem, Le Devoir de reconnaissance

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1969 : la communauté internationale célèbre un homme. Le monde de la littérature vit une des polémiques les plus marquantes de son histoire. Au cœur de cette polémique que certains appellent majestueusement la « reconnaissance du mérite » et que d’autres qualifient honteusement de « scandale littéraire du siècle », il y a un jeune étudiant malien de 28 ans. Plus précisément, un Subsaharien, ou tout simplement, un homme : Yambo Ouologuem, auteur de Le Devoir de violence, sorti quelques mois plus tôt chez Seuil.

 Le chroniqueur du journal "Le Monde", Matthieu Galey qualifie le livre de notre compatriote de "grand roman africain" dans « Le Monde » du 12 octobre 1968. Quant à Alain Bosquet, auteur français de renom, il célèbre l’auteur de Le Devoir de violence en ces termes : "un être d’élite, l’un des rares intellectuels d’envergure internationale que l’Afrique noire ait donnés au monde. A vingt-huit ans, cela tient du prodige ".

La consécration

Chanté par certains milieux littéraires pour avoir osé enfreindre l’une des règles les plus chères établies par les théoriciens de la bienséance (le plagiat), l’auteur qui reçoit dans la foulée le prix Renaudot de littérature aura payé de sa vie son inébranlable irrévérence. Plus de Trente ans plus tard, alors que dans certains milieux littéraires –notamment anglophones- il fait l’objet de plusieurs sujets de mémoire, de conférence et de thèse, le roman de Yambo Ouologuem reste l’un des plus tristement méconnus du public malien.

La descente aux enfers

La carrière du romancier est malheureusement écourtée par les accusations de plagiat qui conduisent son éditeur, les éditions « Seuil », à le retirer de la vente. Yambo Ouologuem affirmera pourtant avoir fait figurer des guillemets dans son manuscrit pour mettre en évidence les citations qu’il a empruntées à divers auteurs européens, mais que ses éditeurs auraient fait des modifications sans l’avertir. Au point de le contraindre à adopter un pseudonyme –celui d’Uttoh Rudolph-, après un second ouvrage, peu connu mais très virulent comme son  titre d’ailleurs, Lettre à la France nègre,  pour se relancer avec  Les Mille et une bibles du sexe, mais peine perdue.

A son retour au Mali, l’auteur tente une carrière d’enseignant au lycée public de Sévaré (futur Hammadoun Dicko) avant de raccrocher et de se retirer du monde hypocrite des lettres. Victime de l’accusation de plagiat et livré par les autorités maliennes aux théoriciens de la négritude avec Senghor en tête, Yambo trouvera sa quiétude dans la résignation.

La colère d’un confrère

Ce qu’Ousmane Sow, journaliste écrivain malien, auteur de Un para à Koulouba appelle « un silence de la colère ».
Cette attitude du gouvernement malien choque Ousmane Sow qui écrivait dans un article intitulé « l’auto flagellation du Mali » publié par les Echos en juin 2004 : « Le Mali a lâché son fils aux mains des vautours, les dirigeants maliens savouraient en silence la descente aux enfers de ce fils iconoclaste qui refusait de lécher les bottes, qui refusait de se rabaisser à demander miséricorde aux puissants du moment. Yambo a été sacrifié. Jusqu’en 1992. Nous avons eu un président qui se disait « homme de culture », il ne s’est jamais occupé de l’incarnation la plus brillante de la culture malienne». Pour Sow, « Yambo Ouologuem aurait dû être un héros national, une idole pour la jeunesse, une icône pour la littérature. Au lieu d’étudier Balzac, Stendhal ou tutti quanti au lycée, c’est Yambo qu’on devrait étudier, c’est Hampaté Bâ qu’on devrait étudier. Massa Makan Diabaté, auteur de la trilogie (Le Lieutenant, le Coiffeur et le Boucher de Kouta) est mort dans l’anonymat total dans son propre pays au moment où l’Université de
la Sorbonne mettait ses livres dans la liste des ouvrages à étudier ».

Eh oui, au nom de quelques raisons, l’auteur n’est pas encore inscrit au programme d’enseignement de français au Mali, mis à part les efforts de quelques universitaires maliens et de Moussa Ouane qui veulent le réhabiliter de « force ».

Bio express

Né le 22 août 1940 à Bandiagara, en pays dogon, au Mali, Yambo Ouologuem fait ses études secondaires à Bamako. Il s’en ira pour la France durant l’Hiver 1960/1961 et entre au lycée Henri IV, puis devient enseignant (de 1964 à 1966 il est professeur au lycée de Charenton en banlieue parisienne). Il abandonne ensuite l’enseignement.

Collectionneur de diplômes

Titulaire d’une licence en philosophie, d’une autre en lettres, diplômé d’études supérieures d’anglais, le natif de Bandiagara est également titulaire d’un doctorat en sociologie. Il se consacre un temps à la rédaction de manuels scolaires, puis travaille 4 ans à l’écriture de son premier roman, le Devoir de violence qui reçoit le prix Renaudot le 19 novembre 1968 et a été reçu par le général De Gaulle qui l’a félicité la même année.

La réhabilitation ?

Le livre sera réédité grâce au combat conjugué de sa fille Awa Ouologuem et de l’Américain, Christopher Wise, sous la préface duquel le livre sera édité chez « Le Serpent à Plumes » en 2003.  Il est traduit, outre le français, en neuf langues que sont « allemand, anglais, danois, japonais, norvégiens, hollandais, suédois, espagnol et italien. ».

Yambo Ouologuem vit aujourd’hui à Sévaré (Mopti), loin du monde, tourné vers sa foi. Mais toujours actif dans la communauté tidjane.  Inutile de rappeler qu’il n’a jusque-là jamais reçu de distinction honorifique de la part de notre pays, en guise de reconnaissance, même si des plantons, des vendeurs de galette et des voleurs de la République en ont eue à gogo…

Amadou Salif Guindo


Extrait d’un entretien de la presse Française avec Yambo Ouologuem (Années 70)
, 16:55 mins

 Source: Blog Yambo Ouologuem Forum
 

 

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