République du Mali : Cinquante ans de violation des droits de l'Homme

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Sous la colonisation, la liberté politique, syndicale et associative était garantie. Il se menait ici et ailleurs une activité politique intense et plurielle. Partout en Afrique occidentale française (Aof) et en Afrique équatoriale française (Aef), des hommes politiques se sont formés,  aguerris et confirmés.

 

 Les Ouezzin Coulibaly, Mamadou Konaté, Fily Dabo Sissoko, Modibo Kéïta ont pu ainsi faire carrière dans la politique et sièger à l’Assemblée nationale française,  dans les groupes parlementaires, en accord avec leur ligne politique. Nos hommes politiques ont même eu droit à être vice-présidents de la République française. A l’époque, il y avait trois grandes forces politiques qui donnaient : les Gaullistes (qui représentèrent la droite), la Section française de l’Internationale ouvrière (Sfio), parti socialiste et le Pc, le parti communiste, qui deviendra le Pcf durant les années 80. Les deux partis étaient les moteurs de la Gauche en France et dans les colonies.

 

Au soudan, l’Us Rda était aligné sur le  Pc ; (parti communiste) de Maurice Thorez ; lui-même et son parti était un bras français du parti communiste de l’Urss (union des républiques socialistes soviétiques). Ce parti a été créé par Karl Marx, Friedrich Engels, Vladimir Illich Lénine et autres. Le Rda était un grand parti central qui avait des grandes branches locales partout en Afrique francophone : Pdg-Rda en Guinée, Pdci-Rda en Côte d’ivoire, Us-Rda au Soudan (Mali plus tard), etc., à noter qu’au Sénégal, les aînés de Léopold Sédar Senghor étaient affiliés au Sfio. Ce détail est très important pour l’explication de l’éclatement de la Fédération du Mali qui comprenait, au début, beaucoup de pays. En effet, bien qu’étant tous de Gauche, communistes et socialistes sont comme des chiens et chats : ils  ne peuvent s’entendre que dans la dénonciation du capitalisme, de la bourgeoisie et de la Droite.

 

Lorsque les bolchéviks, en Russie ont procédé à l’assassinat de trois millions de personnes en une semaine : la révolution exige la destruction de l’ancien pour mettre le nouveau (la société socialiste à sa place).On assassine tout ce que le pays contient comme personnalités importantes, on confisque toutes les libertés, on met en place le parti unique qui centralise tous les pouvoirs. Après cette expérience soviétique, le premier du genre depuis que l’homme est sur terre, toutes les initiatives de mise en place du socialisme ont suivi le même schéma avec ou sans effusion massive de sang, le socialisme en tant que système n’admet pas la pluralité.

 

Aujourd’hui encore, en Chine et au cuba, les seuls deux pays (dans ce cas au monde) un seul parti est au pouvoir sans partage, sans alternance et sans démocratie aucune. A noter que le premier pays cité a adopté le capitalisme (d’Etat) par décision du communisme ; parti absolument unique. Quant au Cuba, Fidel Castro vient de trahir le socialisme (il a choisi un journal américain pour justifier le socialisme). Et  deux jours  plus tard, son  fidèle   frère,  Raoul   a  annoncé  l’autorisation  prochaine  de  toutes  petites  entreprises  privées .  C’est  le  début  de  la fin.

 

    Au  Mali aussi  après l’indépendance   

 

Il  est  important  d’avoir  à  l’esprit  ces  éléments  historiques  et politiques  pour  comprendre  le comment  et  le pourquoi.  La  République   du  Mali  a été bâtie  sur  la  violence,   la privation  des  droits  élémentaires   et    le   viol  des   consciences. En  effet  , Modibo  Keita  avait  opté    pour  le  socialisme  (le " Socialisme  Scientifique  " comme  il  le  prônait  lui-même), l’ Urss, ses  satellites  de  l’Europe  de l’Est,  la  Chine  et  Cuba.

 

Bien  avant  les  indépendances,  la  Gauche  française  (socialiste  et  communiste) a  soutenu  ses  adeptes  dans  toute  l’Afrique occidentale  française  (Aof) et  équatoriale (Aef) afin  de  les  emmener  au  pouvoir  après  les  indépendances. C’est  ainsi  que Modibo  Kéïta  et  l’Us-Rda (qui  avaient  voté  contre  l’indépendance lors  du  référendum de  1958)  ont pu  se  hisser au pouvoir avant et après l’éclatement de la fédération. A l’époque , il  existait  au Mali  beaucoup  de  partis  politiques  et  le  Psp   de   Hamadoun   Dicko  et de Fily  Dabo  Sissoko  partageait  le haut du pavé avec  l’Us-Rda. Le   Psp  était  condamné  à mort  après  le départ  de  la  tutelle  française : il n’était pas aligné sur  l’idéologie socialiste importée  d’Urss.  Il fallait donc écraser le  serpent  Psp  en  coupant sa tête.

 

 Fily Dabo Sissoko, Hamadoun  Dicko  et  Maraba  Kassim Touré  furent  les  symboles de cette décapitation (au sens propre et au figuré). Dès le départ, Modibo commença à ”les chercher”. Histoire d’avoir un motif pour agir. Il viendra, ce prétexte, par la décision de remplacer le Cfa par le franc malien. Cette manœuvre donnait à Modibo Kéita, le chef de l’Etat, président de la République, chef du gouvernement, maire de Bamako, ministre de la défense, secrétaire général de l’Us Rda, etc.… plusieurs atouts pour construire son pouvoir absolutiste.

 

D’abord, il permettait de savoir qui possède quoi afin de mieux confisquer, ensuite l’opération affaiblissait les opérateurs économiques maliens, car chaque franc Cfa était échangé contre un demi-franc malien, ce qui divisait leur fortune par deux d’un seul coup. Le coup de grâce était alors donné par l’interdiction à eux d’importer ou d’exporter quoi que ce soit : seul l’Etat, par la Société malienne d’importation et d’exportation (Somiex), pouvait acheter à l’extérieur et vendre à l’intérieur. Vivant dans un pays enclavé, les commerçants maliens (les étrangers avaient été chassés) n’avaient plus qu’à manger, au vrai sens du terme propre, leurs billets de banque. Donc chaque famille avait droit à une quantité fixée de produits et il fallait aller faire le rang (la queue) depuis l’aube pour avoir deux kilos de sucre (sucre qui mettait une demi-heure à fondre dans la bouillie nationale). Transporter un kilo de mil à Bamako faisait de vous un trafiquant à abattre et emmener n’importe  quoi de l’extérieur était pire.

 

Avec Modibo Kéïta, l’Us Rda est devenue le parti unique. Les forces de l’ordre et de sûreté ont été marginalisées (en attendant d’être remplacées par la milice) et le socialisme est devenu la seule religion. Pour mieux détruire l’islam et les traditions, les chefs de familles étaient obligés de laisser sortir leurs épouses pour aller aux réunions d’endoctrinement du parti, leurs filles aller faire du théâtre et la danse toutes les après-midis jusqu’au crépuscule (temps social et religieux très fort au Mali). Une fois par an, les parents étaient obligés de laisser leur filles aller en ”semaine de la jeunesse” ; elles revenaient très souvent enceintes. Ce qui faisait partie des buts recherchés qui consistaient à casser la famille traditionnelle, saper la religion à la base et emmener la jeunesse à être effrontée. Ainsi, elle va contester l’autorité parentale et religieuse, se rebiffer et rejoindre le parti et la ”liberté”.

 

Des centres d’endoctrinement et d’embrigadement ont été mis en place partout dans le pays. On y conduisait la jeunesse en horde sauvage pour les former en idéologie, à la haine contre l’ancienne société et être des ”formateurs” à leur tour. On les exploitait aussi économiquement, car ils étaient obligés de cultiver de vastes champs pour le parti.

 

 Les " brigades de vigilance " ont été créées et quadrillaient toutes les villes, villages et hameaux du pays après le dîner. Gare au voyageur qui n’arrive pas à bon port après 21 heures. C’est ainsi que chaque soir, il y avait l’enfermement général (sauf pour les caciques du Rda pour mieux surveiller et punir).

De la violence syn bolique à la violence tout court

 

Le régime socialiste a mis le Mali sous coupe réglée et soumis les Maliens  à une panoplie d’arsenaux de violence et de violation des droits humains qui ne sera plus jamais égalée.

 

Nous venons de voir quelques aspects de cette dictatoriale tyrannie liberticide. Prenons à présent un échantillon de la violence physique que Modibo Kéïta a fait subir à sang froid sur des innocents, livrés à la vindicte de l’arbitraire. Il s’agit de l’arrestation, de la parodie de jugement et de la mise à mort inhumaine de Fily Dabo et de ses compagnons d’infortune.

 

Nous  l’avons signalé : Modibo cherchait un prétexte contre le savant (Fily était un grand intellectuel qui a beaucoup écrit) le politique de classe (Hamadoun Dicko) et le grand opérateur économique, le ”symbole donc du capitalisme”, Maraba Kassoum. Le passage au franc malien aura donc servi l’alibi tant désiré. Les trois estimaient qu’en tant que pays enclavé, le Mali n’était pas assez outillé pour frapper sa monnaie, étant donné que cette monnaie ne serait reconnue nulle part et le pays importait presque tout. Il y aurait trop de besoin en devises étrangères et le Mali n’avaient pas les moyens d’en avoir suffisamment pour acheter à l’extérieur de quoi satisfaire les populations. Mal leur en prit.

 

Ils ont été purement et simplement arrêtés sous prétexte d’être des ennemis de la nation et livrés à un ”tribunal populaire” qui a siégé à la Maison des combattants. Un " tribunal populaire " est un tribunal sans juge, sans avocat et sans débats contradictoires. Des caciques du Rda avaient été sélectionnés et on leur avait demandé de juger les ennemis du Mali, des vendus à l’impérialisme et des suppôts du colonialisme. Verdict prononcé : la peine de mort. Les trois innocents (en 1968, Modibo à dû aller en France pour lui demander de garantir le franc malien et d’aider le Mali) avaient été raflés le 20 juillet 1962 et ”jugés” le 1er octobre de la même année. Ils vont subir deux ans de tortures atroces, de privations de nourritures, d’eau et de sommeil et d’humiliation. Ils étaient âgés et chétifs comme des Falachas atteints de Sida, et ne comptaient plus que sur la mort comme voie de délivrance. Le 12 février 1964, ils verront leurs vœux exaucés (pour les détails, voir encadré…)

 

 

Amadou Tall

 

 

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