Décidemment, le débat autour de la construction du Monument du Cinquantenaire n’est pas prêt de se terminer. On risque même de continuer à le mener tout au long des prochaines 50 années. Après les assurances données par Commission nationale d’organisation en ce qui concerne la construction du Monument du Cinquantenaire, les Organisations de la Société Civile (OSC) ont décidé de sortir de leur réserve pour dénoncer cette «construction anarchique dans le lit du fleuve Niger».
C’était à la faveur d’une conférence de presse à la Cantine de l’ENSUP, animée par Abdoulaye Diallo, représentant du Forum Thématique Environnement au niveau du Forum des OSC, avec l’assistance d’Hamidou Diarra, Président du Forum des OSC et de Barou Mamadou Coulibaly, représentant le Secrétariat de concertation des ONG (SECO ONG).
La Commission nationale d’organisation du Cinquantenaire estime que la construction du Monument du Cinquantenaire s’inscrit dans le cadre d’un programme d’aménagement des berges du fleuve Niger, lequel est initié par l’Autorité du Bassin du Niger (ABN). Le Président de la Commission, Oumar Hammadoun Dicko, avait même précisé qu’ils avaient anticipé sur l’ABN et qu’ils avaient même reçu son aval. Faux, rétorque la société civile. Avec la construction de ce monument, «le fleuve Niger est en péril», estiment les organisations de la société civile. Dans leur communiqué, lu par Abdoulaye Diallo, les OSC déclarent que notre pays devrait plutôt s’occuper des déchets solides et liquides qui sont régulièrement déversés dans le fleuve, au lieu de transporter, de déverser et de damer des millions de tonnes de terre latéritique dans le lit majeur du fleuve, afin de construire un monument. C’est tout le sens de leur slogan, «Oui au Cinquantenaire, mais non à la perturbation écologique du fleuve».
Les OSC vont même jusqu’à douter de la crédibilité de l’ABN, eût égard à la façon dont cette autorité est financée. En effet, selon Barou Mamadou Coulibaly, l’ABN est financée par des entreprises et par la Banque Mondiale. «A ce titre, elle ne peut que dire ce que celles-ci veulent». Aux dires de Barou Mamadou Coulibaly, un programme serait en gestation, «qui consiste à faire financer le fleuve par le fleuve». C’est-à-dire à créer des opportunités d’affaires en aménageant les berges du fleuve. Il a révélé que la création d’une Société immobilière, qui s’occuperait de la mise en valeur des berges du Niger à Bamako était à l’ordre du jour.
Les OSC sont convaincues que ce ne sont pourtant pas les collines qui manquent à Bamako pour construire un monument qui pourrait être vu de partout. D’où la nécessité de se poser des questions sur la pertinence et la légitimé de ces actions, «qui sont contraire aux principes de Yaoundé, formulés lors du sommet Africités 3, tenu en décembre 2003 dans cette ville».
Pour rappel, le Mali indépendant a signé et ratifié plus d’une trentaine de conventions, accords et traités internationaux relatifs à l’environnement, parmi lesquels on peut citer la Convention sur la lutte contre la sécheresse et la désertification, la Convention sur les changements climatiques et la Convention sur la biodiversité, entre autres. Cette volonté politique a été traduite par le maintien dans la structure du gouvernement, depuis 2002, d’un ministère spécialement dédié à l’Environnement et à l’Assainissement et à la mise en place d’un cadre juridique et institutionnel approprié.
Alors, comment comprendre cette décision, dans un tel contexte, et au moment où le tout le monde s’accorde à dire que le fleuve Niger, qui est l’artère nourricière de notre peuple, est malade, et gravement malade, des agressions humaines et que de nombreux projets de lutte contre l’ensablement de ce fleuve sont mis en œuvre?.
C’est donc pour toutes ces raisons que les organisations de la société civile ont organisé cette conférence de presse, pour protester contre la construction du Monument du Cinquantenaire sur son site actuel et pour alerter l’opinion publique nationale et internationale.
Youssouf Diallo