Reconstituer l’histoire de la genèse des droits de l’homme qui fut l’adoption, en 1236, de la Charte de Kouroukan Fouga, à la jeune génération, tel se présentait, le jeudi 30 septembre 2010, le décor dudit site historique pour rendre hommage à nos ancêtres du Mandé originel.
La commémoration de la Charte de Kouroukan Fouga, 8 siècles après, a mobilisé, dans son enceinte, se présentant sous la forme d’un plateau latéritique orienté nord-sud, tous les descendants actuels des douze rois du Mandé primitif et leurs alliés ayant codifié, en 1236, la toute première institutionnalisation de la loi humaine. Le rassemblement monstre d’un public composé de toutes les générations, sur cet autre haut lieu de l’histoire du peuple malien, témoigne la volonté du président de la République, qui était accompagné, ce jour-là, par son Premier ministre et quelques membres du gouvernement, de mettre au devant de la scène du Cinquantenaire du Mali. Ce, afin de permettre au plus grand de nos concitoyens de se ressourcer pour un nouveau départ. En dehors des hôtes de Bamako qui s’est quasiment dépeuplé de toutes ses autorités, Kouroukan Fouga a enregistré la présence de plusieurs délégations locale et sous-régionale, dont celle fort remarquée de la Guinée-Conakry. Cette journée très significative pour le peuple malien a répondu à toutes les attentes : prestations inoubliables des maîtres de la parole et de l’ensemble instrumental du Mandé composé de grands griots maliens et guinéens, reconstitution de la rencontre historique, pose de la première du monument à l’image de Charte de Kouroukan Fouga.
Pour la journée du 30 septembre dernier, la prestation livrée par les griots mandékas en revisitant le riche répertoire musical du Mandé originel était d’autant plus fiévreux que la température et l’humidité du lieu, façon sauna.
Ensuite, le spectacle qui retraçait la rencontre légendaire offert au public était à la limite du supportable. Les spectateurs, en premier lieu, le couple présidentiel, ruisselaient de sueurs provoquées par un soleil ardent et émotif. Ceux qui interprétaient les rôles des douze rois, des conseillers et gardes se sont relayés sur le plateau pour servir au public une véritable séance de trépanation à la mandéka primitif. Et l’assistance, arrosée de refrains du mythique hymne mandéka «Le Mandé peut tanguer comme l’eau contenue dans une grande calebasse… Le Mandé peut tanguer comme l’eau contenue dans un canari… Mais le Mandé est cette eau qui ne se versera jamais», s’est fait plaisir. Il n’y avait qu’à suivre l’attitude du protocole de la commission d’organisation du Cinquantenaire, Moulaye Diallo. Le collaborateur du Président de ladite commission, Oumar Hammadoune Dicko, était plongé dans un magma noise en fusion Il ne faisait guère de doute que le premier effort des acteurs interprétant les rôles de nos ancêtres allait envoyer sérieusement du bois dans les conduits auditifs. Le but affiché par les organisateurs de l’événement étant de faire un maximum de transis parmi les spectateurs. Et ils y sont parvenus en reconstituant la rencontre historique, fort bien réussie par les acteurs.
C’est à Kouroukan Fouga que les représentant du Mandé primitif et leurs alliés se sont réunis, en 1236, après l’historique bataille de Kirina, pour adopter la Charte devant régir la vie du grand ensemble mandingue. Nos ancêtres venus des quatre coins du Mandé ont bravé fauves, intempéries et maladies pour rejoindre le site historique (certains après plusieurs mois de voyage) dans le but de rendre justice, élire un roi (Soundjata Kéïta) et codifier la société mandingue. Ils s’y sont retrouvés pour construire l’unité, l’unité des peuples déchirés par des guerres intestines. Ils ont construit la paix, une paix servant à bâtir l’une des plus grandes fédérations de leur époque. L’histoire révèle que c’est à Kouroukan Fouga que nos ancêtres ont codifié leur société autour des valeurs fondamentales telles que la tolérance, l’humilité, le partage, le travail, l’honnêteté, l’hospitalité, la bravoure, l’intégrité et la fierté dans le vrai.
La rencontre impériale
Les lignes qui suivent, relatent, sous la plume de Djibril Tamsir Niane, le déroulement de la rencontre impériale de Kouroukan Fouga.
«Le roi Kamandjan fit nettoyer toute la clairière, une grande estrade fut préparée ; on construisit à la hâte des cases pour recevoir les délégations quand toutes les armées furent réunies, on dut dresser les camps dans la grande plaine située entre le fleuve et la ville. Soundjata avait revêtu ses habits de grand roi musulman. Balla Fasséké, grand maître des cérémonies, plaça les alliés autour du grand siège de Djata. Tout était en place : les Sofas formant un demi-cercle hérissé de lances, se tenaient immobiles ; les délégations des peuples avaient été installées au pied de l’estrade. Un grand silence régnait. Balla Fasséké s’adressa ainsi à la foule : «La paix règne aujourd’hui dans tout le pays, qu’il en soit toujours ainsi…».
Et ce furent les salutations d’usage par Balla Fasséké : «A ceux du Manding, je transmets le salut de Makan Soundjata, salut à ceux de Do, salut à ceux de Tabon, salut à ceux de Wagadou, salut à ceux de Méma, salut à ceux de la tribu de Fakoli, salut aux guerriers bwas et, enfin, salut à ceux de la tribu de Sibi et de Ka-ba».
L’investiture de Soundjata à cette rencontre impériale a été étayée par l’adoption de la Charte de Kouroukan Fouga, édictée sous l’égide du souverain, comme un ensemble de règles d’éthique devant régir la vie publique de l’Empire qui venait de naître. La Charte apparaît ainsi comme l’une des premières constituantes du monde, type de règlement suprême toujours en vigueur dans nos chartes et constitution.
S’approprier de la Charte de Kouroukan Fouga
Au bord de l’asphyxie et de la syncope après la prestation électrique à l’image de la rencontre historique, la foule a repris son souffle avec l’intervention du président de la République, qui a magnifié, à juste titre, la réussite de l’événement. En rendant hommage à l’ancien Premier ministre et Présidents de l’Assemblée nationale, IBK, aux notables et griots du Mandé, aux organisateurs et à toutes les délégations, ATT a soutenu que : «La Charte de Kouroukan Fouga est indubitablement la matrice de l’humanisme qu’avait connu le Mandé de l’Empereur Soundjata Kéïta. La Charte de Kouroukan Fouga codifiait l’organisation du pouvoir (ses limites et ses obligations), l’organisation sociale, la défense des droits humains et des libertés publique et la protection des personnes et des biens».
Animé par le désir de voir le peuple malien ancré dans les valeurs fondamentales que nous ont léguées nos ancêtres, le locataire de Koulouba a invité les jeunes du Mali et d’Afrique à s’approprier cette histoire glorieuse et la perpétuer dans les différentes disciplines des sciences sociales.
Rappelons qu’avant la pose de la première pierre du monument à la gloire de la Charte Kouroukan Fouga, le chef de village, le maire de Kangaba et Seydou Issa Traoré, le Président de l’association des Mandinkas, se sont relayés au micro pour saluer les initiatives entreprises par le Chef de l’Etat, dans le cadre des festivités du Cinquantenaire. Un devoir de mémoire à nos ancêtres s’imposait et il a bien compris : la Charte de Kouroukan Fouga doit être source d’inspiration pour ceux qui seront là pour le Centenaire du Mali.
Freddy Matar SYLLA
Journaliste indépendant