Il y a 50 ans à Ségou (Le Fait Divers) – Le jardinier, le serpent et le bidon oreiller de 4 litres

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 De tradition et surtout en saison sèche, avant que le banditisme et la délinquance n’entre dans nos mœurs, même les citadins dorment à la belle étoile, qui devant sa porte, qui dans sa cour, qui sur le toit de sa maison sans jamais penser à ce qui pouvait arriver de mal. Dans la cour du vieux Samabaly Coulibaly à Bagadadji Ségou, la chaleur de ce premier mois d’Avril de notre indépendance fut torride et insupportable. Comme il adorait se coucher sur sa natte, avec un bidon vide de 4 litres comme oreiller, ses deux épouses ont vite fait, régulièrement, de lui faire son « lit » dès son retour du jardin.

En effet, notre jardinier ne pouvait pas dormir sans un oreiller, de préférence un bidon vide de 4 litres. Sa première femme avait tout fait pour que son mari utilise un oreiller authentique bourré de laine mais le vieux Coulibaly laissait toujours savoir que le bidon lui permettait de bien profiter de son sommeil. Sa seconde épouse, mécontente par occasion, ne s’empêchait pas de dissimuler le fameux bidon oreiller. Lorsque Samabaly ne retrouvait pas le bidon, il le substituait par une pierre après d’interminables grognons. Ce sont sur ces entrefaites, que deux de ses neveux séjournèrent chez lui avant de prendre le chemin de l’exil : Abidjan.

Les visiteurs remarquèrent ce qui était régulièrement la pomme de discorde entre leur oncle et leurs belles tantes. Eux aussi n’arrivèrent pas à changer d’un iota l’habitude d’un vieil homme qui n’arrêtait pas de leur signifier que ses meilleurs sommeils s’effectuaient avec ce bidon vide de 4 litres qui lui servait de coussin. Puis, voilà ! Une nuit, l’oncle et ses neveux causèrent jusqu’à 23 heures. Tous les membres de la famille dormaient déjà dans la cour. Certains commençaient à ronfler. L’oncle et ses neveux décidèrent de les imiter. Chacun se coucha sur sa natte déjà installée. L’oncle, comme à l’accoutumée, mit son bidon vide sous sa tête et débuta son « lourd et meilleur sommeil ».

Très vite, il commença à ronfler comme un vieux moteur. Les neveux, dérangés au départ par le bruit, prirent du temps à dormir. Commença alors à descendre une fraîcheur qui se déteignait sur tout Ségou jusqu’au petit matin. Un serpent errant dans la cour vint, lui, se loger dans le bidon vide de Samabaly Coulibaly sans que ce dernier, profondément dans les bras de Morphée (le dieu du sommeil) ne s’en aperçoive. Cependant, tôt le matin, les deux neveux qui ont l’habitude de se lever vite pour que les femmes ne puissent pas contempler « leurs mauvaises positions » découvrirent le spectacle. Ce fut le moins âgé qui vit donc la tête du reptile dans « le bidon oreiller » de son oncle. Illico presto, il fit signe à son aîné avant de se demander ensemble s’il fallait réveiller l’oncle sans qu’il ne soit mordu par le serpent.

Après moult hésitations, ils décidèrent de ne pas le réveiller. Le plus âgé passa derrière l’oncle et chuta, comme si c’est par inadvertance, le bidon. Samabaly Coulibaly qui ne devait pas se trouver, pour une fois, dans son « profond et meilleur sommeil » se réveilla brusquement et prit la direction de la rue en criant, au vu et au su de tous les membres de la famille. Personne n’eut le courage de rire, car le collectif de la maison pensait que le chef de famille n’échapperait point à la morsure du serpent. Très vite, l’oncle qui était sortit de la maison, revint sur ses pas et constata lui-même que ses neveux avaient tué un serpent.

Du geste de ses neveux, à la surprise générale, le vieux jardinier ne fit point un problème. Il leur dit qu’ils avaient fait le bon choix en donnant un coup de pied au bidon, car, selon lui, il ne faut jamais faire confiance à une bête et promit, à partir de ce jour, de donner l’INDEPENDANCE à son bidon oreiller. Mais Coulibalykè est un veinard. Il changea le bidon par une pierre car disait-t-il, à ses clients qui le rendaient visite à son jardin « lorsqu’un oreiller est mou, les rêves du dormeur sont malsains ».

Biasson Dembélé

 

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