Ville frondeuse et rebelle, Ségou a rarement dérogé aux symboles qui ont fait son histoire politique depuis ses origines et qui se sont déteintes régulièrement sur la vie politique de ses 50 dernières années. A commencer bien sûr par les années d’indépendance du Mali où « Bamako » devait toujours ménager les héritiers de Sido Diarra ani balanzando.
Le 22 Septembre 1960, le Mali proclamait son indépendance. L’USRDA (Union Soudanaise pour le Rassemblement Démocratique Africain) tient les rênes du pouvoir depuis l’éclatement de l’éphémère Fédération du Mali (Soudan et Sénégal). Justement, c’est en mission du parti RDA (explication du retrait du Sénégal de la Fédération du Mali) que le Secrétaire Général de la Sous Section de Ségou, Dramane Coulibaly (à rappeler que les Sections RDA étaient détenues par les pays quand les grandes villes constituaient des Sous Sections) et d’autres membres du bureau politique national se trouvaient en Allemagne. L’ex Député – Maire de Ségou, Conseiller Fédéral aussi, sera donc avec Feus Salif Tall, Attaher Maiga et Alioune Sissoko pour ne citer que ces élus du peuple, les acteurs Ségoviens de l’indépendance du Mali.
Mais, le RDA de Ségou, c’étaient ces nombreux militants qui disaient-on se sacrifiaient pour le parti et le peuple afin de réussir le pari du développement de la jeune nation malienne. Un témoin de cette époque nous rappelle que, tout comme la Maison du Parti (devenue un Cabinet Médical) qui se situe aujourd’hui à Ségou derrière la Banque Sahélo Saharienne pour le Commerce et l’Investissement et qui a été construit à travers un investissement humain, Feus Samakoro Bouaré un enseignant, Barou Diabaté un bijoutier, Thierno Ba et Badjè Keita des médecins, Assetou Dagnon épouse d’un interprète Beydi Traoré, Barou Diakité agent de l’Office du Niger en retraite etc., tous donc du RDA ont inculqué un nouvel esprit de patriotisme au peuple qui venait de se libérer du joug colonial. 8 ans durant, de 1960 à 1968, le régime de l’indépendance s’est adonné à la formation culturelle et idéologique des citoyens, tout comme aux travaux d’investissements humains. Mais à Ségou, il y a eu la parenthèse de l’Affaire Sakoiba, un drame difficile à raconter à Ségou, tant les cœurs de bien de familles sont meurtris (nous l’avions sélectionnée et développée dans les 100 noms qui ont marqué le millénaire à Ségou dans notre 100eme numéro de 100 pages).
On sait que le RDA accuse le père du navigateur interplanétaire Cheick Modibo Diarra (Moussa Diarra) d’avoir crée une rébellion à Ségou en demandant une sécession du pays avec la création de l’UDS (Union Démocratique de Ségou) qui proclamait la République de Ségou à cause, disait-on, de son goût prononcé du pouvoir, mais les responsables RDA de Ségou n’étaient pas eux-aussi sans reproche dans les tueries, les humiliations et les déportations que des Ségoviens ont connues. Le souvenir d’un homme comme Tietèmalo Coulibaly qu’on a attaché à un véhicule pour le traîner sur les artères de la ville jusqu’à la fin de ses jours fut un drame difficile à oublier. Toutes choses qui démontreront qu’à Ségou les frondes et les contestations politiques sont un pan de sa culture politique. Quand, par exemple, la ville épousa la Révolution Active de 1967, Ségou a encore prouvé qu’elle savait être en désaccord avec les chefs. C’est un « je t’aime moi non plus » que se livraient le pouvoir central de Bamako à travers Modibo Keita et certains responsables politiques de Ségou, emmenés par le Député Maire Dramane Coulibaly.
Deux exemples : Modibo Keita n’a jamais digéré que les responsables politiques lui tiennent tête, lors du choix de l’implantation de la COMATEX. Les voix Ségoviennes ont dominé celles du Président de la République conduites par Diarra H, qui selon des témoignages, a bien promis de « rembourser » ce camouflet. Aussi, le Père de la nation malienne n’a jamais compris l’insoumission de Ségou quand à la commercialisation du mil en 1965 effectuée par les producteurs, sur ordre de Ségou alors que le bureau politique national avait demandé le contraire pour sécuriser les paysans. Ségou était bien rentré dans la ligne de mire de « Bamako », que d’autant plus que, seul Samba Lamine Traoré ex DG de l’Office du Niger opta, comme Modibo Keita, pour un socialisme pur et dur (on les appelait les rouges écarlates ou rouges vifs) alors que la majorité de Ségou voulait un socialisme modéré. Il parait qu’il est arrivé même, au cours d’une réunion que le bureau politique national du RDA soit ironisé par les Ségoviens à qui, pour ce concept de socialisme, on proposait d’organiser « des repas communs » dans les bureaux ou les ateliers de travail : « C’est vrai que c’est nous qui fabriquons à Markala, grâce aux Ateliers Militaires Centraux les marmites, mais de là à obliger les gens à manger des repas communs, Ségou dit non ! » avançaient-ils, dans un pince-sans-rire, aux missionnaires.
Le clash était donc inévitable entre Ségou et « Bamako » ; lequel procéda à des représailles quelques temps après. Au cours d’une mission, Seydou Badian Kouyaté l’idéologue du parti et David Coulibaly le responsable national des jeunes débarquent un jour de 1967 à Bamako, suspend le SG du RDA Ségou sans motif valable sur décision de Modibo Keita devant les yeux ahuris d’Abdoulaye Keita, Gouverneur de Ségou. Dramane Coulibaly qui fut remplacé par Alioune Sissoko à la tête de la Mairie de Ségou (à l’époque le SG du parti est d’office l’édile de la ville) perd la même année son poste de Député avec la Révolution Active d’Août 1967. La Délégation de la Chambre des Députés qui sera constituée (20 élus du peuple) ne verra même pas un Ségovien, au niveau de toute la région, y figurer.
Le Gouverneur Abdoulaye Dicko sera d’ailleurs désigné plus tard N°1 du parti à Ségou jusqu’au coup d’Etat de 1968 où il sera le seul mis aux arrêts en compagnie d’un certain Soungalo Coulibaly dont le tort fut de faire le crieur public ce jour du renversement du pouvoir : « Grande Rencontre à la Maison du Parti : jamana denjugu yé jamana féré ! » annonçait-il avec son tambour magique. Le Commandant Bakaye Fofana qui était d’obédience RDA et qui a pu laisser la réunion se tenir sera rappelé à Bamako, puis remplacé par le Capitaine Keita qui exécuta cette ingrate tâche. Le Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN) marquera donc une pause dans la vie politique du pays jusqu’en 1974 quand l’Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM) naîtra avec la venue sur scène à Ségou de nouveaux politiciens qui étaient dans l’ombre du RDA : Mady Sangaré, Rokiatou Sow, Baba Minta, Sory Konandji, Abou Dougouné etc.….
Tous ont repris de belle manière le flambeau politique Ségovien, terni par les querelles de clochers entre les pionniers de l’indépendance du pays, jusqu’à l’ère de la démocratie malienne (Mars 1991) où le multipartisme va lancer dans l’arène politique de jeunes loups comme Maitre Mountaga Tall, Dr Mamadou Fanta Simaga, Karounga Diawara, Zacharia Dembélé, Seydou Dembélé, Nouhoum Diarra, Barou Santara, Saran Sangaré, Habi Doucouré, Nana Guidjilaye, Yamoussa Coulibaly pour ne citer que ceux-ci.
Moutta