Discours de Son Excellence Monsieur Amadou Toumani TOURE, Président de la République, Chef de l’Etat, à l’occasion du Cinquantenaire de l’Indépendance du Mali

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Mes Chers Compatriotes,

Frères Africains,

Hôtes du Mali,

Nous sommes à la veille du 22 septembre, date historique, vécue intensément par notre peuple qui I’a intériorisée par un raccourci enthousiasmant, en l’appelant familièrement le 22.

Cette journée a été commémorée, soit dans Ie faste soit dans la ferveur du recueillement selon les circonstances, mais la manière de la célébrer n’a jamais altéré la profonde signification qui s’attache à l’événement. On se souvient, qu’après le rêve avorté des premiers pas de l’intégration africaine, suite à I’éclatement de la Fédération du Mali, le Président Modibo KEITA a solennellement proclamé l’indépendance du Mali, le 22 septembre 1960, en ces termes, je cite :

La République du Mali est née. Le Mali continue. Toutes les Maliennes et tous les Maliens doivent se considérer comme mobilisés pour la construction de la République du Mali, patrie de tous ceux qui sont fermement attachés à la réalisation de l’Indépendance et de l’Unité africaine, toutes les Maliennes et tous les Maliens doivent accepter tous les sacrifices pour que notre pays puisse sortir grandi, rayonnant, de l’épreuve qu’il traverse pour que les Africains libres, réellement libres, puissent, sans possibilité d’ingérence, s’unir pour que s’affirme une grande nation africaine qui marquera de son sceau la politique internationale, pour que la paix, espoir des peuples en voie de développement, s’établisse entre tous les pays du Monde… . Fin de citation.

Une semaine plus tard, l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nation-Unies, en sa 15ème session, admettait la République du Mali, comme membre de l’organisation mondiale.

II y a cinquante ans, que ce double événement historique s’est produit et cela nous offre l’heureuse occasion, de jeter un regard sur le cheminement du peuple du Mali, sur ses constructions successives à différentes époques, sur les défis auxquels il faut faire face.

Chers compatriotes,

La période coloniale a enserré dans ses mailles, des peuples qui avaient bâti de brillantes civilisations, fondées sur une organisation politique et sociale, forte de son équilibre et des valeurs qui la sous-tendaient et dont certaines parmi les plus importantes ont résisté à l’usure du temps et ont continué à nous inspirer :

Le sens de l’honneur, de la dignité, de la tolérance et de la solidarité constitue des valeurs sur lesquelles repose notre société et c’est là, un héritage plusieurs fois séculaire.

Quand nous évoquons les empires et les royaumes, qui se sont succédé sur notre terre natale, ce n’est pas pour nous refugier dans une auto satisfaction stérile, sans liens avec les réalités du présent, mais pour nous convaincre que si la République du Mali a cinquante années d’existence, le Mali est vieux de plusieurs siècles, il a abrité des Etats organisés et dont Ie dynamisme surtout économique, à travers les échanges commerciaux transsahariens, ont été de puissants facteurs de prospérité, des Etats qui ont su créer des réseaux de relations et de brassage humain, à l’origine d’un humanisme fécond.

Nos traditions d’hospitalité, de mesure, d’humilité et de partage nous viennent de loin.

Nées au cœur de l’or, des richesses de diverses natures, les valeurs n’ont pas ployé sous le poids des considérations matérialistes. L’individu n’était pas riche, c’est la famille, c’est le groupe qui l’était.

Espace d’échanges multiples, le Mali du 14ème siècle, parce qu’il avait su élargir ses relations économiques, diplomatiques et religieuses, avec Ie monde arabo-musulman et européen, avait accédé à la réputation internationale et son rayonnement culturel avait atteint d’autres parties du monde.

Hélas ! les crises de croissance endogènes, les ambitions aventureuses des hommes venus d’autres horizons, explorateurs, missionnaires, marchands, l’attrait des ressources naturelles, la recherche des zones d’influence et des positions stratégiques confortées, par les découvertes scientifiques, ont fait des empires et royaumes l’objet de convoitise et la cible des visées expansionnistes.

Mes chers compatriotes,

En ce jour solennel, nos pensées vont à ceux qui, avec courage et détermination, se sont opposés, de toutes leurs forces, à la pénétration coloniale, à la domination étrangère.

Les résistants, puisqu’il s’agit d’eux, ayant accepté parfois le sacrifice ultime au nom de la liberté, au nom de l’honneur et de la dignité, méritent notre reconnaissance éternelle, notre respect et notre admiration.

La suite, nous la connaissons : le déséquilibre des rapports de force, la suprématie des armes et des technologies de conquête, les rêves démesurés de géopolitique, ont fait de la colonisation, une réalité douloureusement vécue par notre peuple et dévoilée aux jeunes générations, grâce au travail méticuleux des sources orales et à l’intelligence des historiens du Mali, de l’Afrique et du reste du monde.

Je rends un vibrant hommage à ces mémoires immortelles que le temps ne peut délaver.

Je ne m’étendrai pas sur la période coloniale pour rester en phase avec des millions de Maliens et Maliennes qui ne l’ont pas connue et qui interrogent le temps présent, pour qu’il leur offre des raisons de vivre et d’espérer.

Toutefois, à la suite des résistants qui restent pour nous une source inépuisable d’inspiration, je me tourne vers des hommes et des femmes, qui se sont identifiés au destin de notre peuple et qui ont dédié leur combat à l’émancipation de notre pays, au prix de multiples sacrifices, y compris le sacrifice ultime.

Grâce à leur courage et à leur abnégation, le 22 Septembre 1960 a pris date dans notre histoire et s’est incrusté dans la conscience collective des Maliens et Maliennes, comme une renaissance.

A ces hommes et femmes exceptionnels, j’exprime toute la reconnaissance du peuple du Mali et m’incline devant la mémoire de ceux qui ne sont plus de ce monde.

Ils ont ouvert la marche de la construction nationale. Depuis lors, que de chemin parcouru, que d’expériences accumulées, que de projets initiés et réalisés, que de sacrifices consentis, que d’épreuves douloureuses ou tragiques endurées, que de divergences exacerbées, contenues ou résorbées.

Mes chers compatriotes,

En 50 ans, les Institutions politico-Administratives qui se sont succédé, en fonction des choix politiques et économiques retenus, ont engagé le peuple du Mali sur de nombreux chantiers de construction nationale.

Les résultats obtenus, en raison des objectifs définis, des contraintes du moment, des stratégies mises en œuvre ont varié d’une époque à l’autre.

Chaque séquence s’est appuyée sur les acquis de la précédente. Mais, nous soulignons avec force, que l’acteur principal dans tous les cas a été le peuple du Mali qui n’a pas manqué, chaque fois que les circonstances l’exigeaient, d’imposer ses choix.

Les résultats enregistrés dans les différents secteurs d’activités jusqu’à ce jour sont significatifs. lls sont à l’actif du peuple du Mali tout entier qui a toutes les raisons d’en être fier.

Chers compatriotes,

Le développement socio-culturel, le développement rural, industriel et énergétique, Ie développement des infrastructures, des moyens d’information et de communication, de l’urbanisme et de l’habitat, de l’artisanat et du tourisme et des relations extérieures, ont connu des avancées hautement significatives au regard de la situation à la veille de notre accession à l’independance. Quelques chiffres à titre d’illustration :

Le 22 septembre 1960, le Mali disposait de 350 km de route bitumée contre 5700 km en 2010 ; la Fonction publique comptait moins de 20 cadres de catégorie A contre 12.500 aujourd’hui.

Au plan agricole, les superficies aménagées pour l’irrigation s’élevaient à 50.000 hectares contre 345.240 aujourd’hui.

L’approvisionnement en eau, assuré par 3 stations de pompage, touchait seulement 2% de la population ; le taux de couverture en 2010 est de 73,34 % pour l’accès à l’eau potable.

Quant au réseau électrique, il était alimenté par deux mini centrales (à Darsalam et Félou) alors que le Mali de 2010 totalise 19 centrales autonomes et 6 centrales de réseaux interconnectés.

Sur la même période, la population de notre pays est passée de 04 millions à 14,5 millions d’habitants.

A tous les artisans de la construction nationale des 50 dernières années, à ceux qui, à différentes époques, ont donné le meilleur d’eux-mêmes, en vue de la promotion individuelle et collective des Maliens, j’exprime les vives félicitations et la reconnaissance de la nation.

Par ailleurs, je ne puis m’empêcher de rappeler que le 20 janvier 1961, la République du Mali décidait de l’évacuation des troupes étrangères stationnées sur son territoire.

La célébration du cinquantenaire de l’independance de notre pays m’offre l’occasion, de rendre un hommage mérité à nos forces armées et de sécurité qui ont marqué dignement leur présence sur tous les grands chantiers de la construction nationale et du maintien de la Paix en Afrique et dans le Monde. Je n’oublie pas, les organisations socio-professionnelles, les organisations syndicales qui ont pris une part active dans la libération de notre peuple de la domination coloniale, comme dans toutes les étapes décisives de l’évolution historique du Mali indépendant. Je leur exprime ici la reconnaissance de la Nation tout entière.

Mes chers compatriotes,

S’agissant de nos compatriotes résidant à l’extérieur, ils ont perpétué une tradition de solidarité, en restant attentif à tous les frémissements de la mère patrie. Leur apport à la construction nationale est inestimable. Je les en félicite et les encourage à persévérer dans cette voie.

De nombreux partenaires au développement ont accompagné le peuple du Mali depuis les premières heures de son indépendance.

Notre peuple est jaloux de sa dignité, de sa liberté, mais il a apprécié et continue d’apprécier l’action de tous ceux qui, dans Ie cadre de la coopération, œuvrent pour l’amélioration des conditions de vie de nos populations.

L’accession à l’independance fut le temps de la rupture avec les fondements de la colonisation. Mais le peuple du Mali a toujours exprimé sa volonté de coopérer avec tous les peuples qui respectent sa souveraineté et partagent ses idéaux. Cette ligne est toujours d’actualité.

Chers compatriotes,

M’adressant aux Hôtes du Mali et aux Frères Africains vivant au Mali, je les remercie d’avoir choisi de vivre parmi nous soit le temps d’une mission, soit de façon durable ou définitive.

Ils ont partagé avec nous, les instants de joie, mais aussi les dures épreuves de la vie, je voudrais les en remercier et leur exprimer notre reconnaissance.

En célébrant le cinquantenaire de l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, nous avons à cœur de tirer les enseignements de ce parcours, de nous préparer à faire face aux défis qui jalonnent la voie du développement.

Nos succès indéniables, succès patiemment accumulés au cours du demi-siècle écoulé, succès qui résultent de I’action de toutes les filles et de tous les fils du Mali, ne doivent pas nous faire oublier qu’il existe encore, sur le chemin du développement, des défis à relever et des victoires nouvelles à remporter.

Au nombre de ces défis, je voudrais évoquer les réformes en cours ou à venir, notamment :

– Le découpage administratif du territoire avec la création de nouvelles régions, de nouveaux cercles, dans le souci d’une meilleure gouvernance du pays,
– La relecture de la loi portant statut particulier du District de Bamako, pour permettre d’élire un Maire pour notre capitale,
– La nouvelle carte judiciaire visant à améliorer les services rendus aux justiciables et le projet de code des personnes et de la famille appelé à baliser notre marche continue vers une société enracinée dans ses valeurs de civilisation et ouverte sur le monde.

Chers compatriotes,

S’agissant de la démocratie, de son approfondissement, j’ai confié à une équipe d’Experts nationaux, une étude visant à définir des reformes susceptibles, de conforter notre processus démocratique.

Les conclusions qui en sont issues, seront prochainement soumises à l’appréciation de notre peuple, par voie référendaire, après leur adoption par l’Assemblée Nationale.

L’une des exigences de la démocratie, c’est aussi la promotion des pratiques de bonne gouvernance ; la rigueur dans la gestion des ressources publiques constitue, aujourd’hui, une des conditions indispensables, pour Ie développement économique, social et culturel, auquel notre peuple légitimement aspire. Chacun de nous devra se convaincre de l’extrême importance d’œuvrer dans ce sens.

Mes chers Compatriotes,

Comment ne pas revenir encore une fois, sur les préoccupations communes à nous tous et qui ont trait à la situation de l’école.

On se souvient, qu’au lendemain de notre indépendance l’une des priorités fortement exprimée était de former, de bien former des cadres, dont l’économie nationale avait besoin, aptes à prendre en main le développement du pays, dans tous les secteurs.

Cette préoccupation est demeurée une constante pour notre pays, elle est aujourd’hui d’une brûlante actualité, particulièrement dans le contexte des mutations, que le monde a connues et qui placent la qualité des ressources humaines au cœur du développement.

Me fondant sur cette réalité, je réitère mon appel à tous les acteurs impliqués dans la marche de l’école, enseignants, parents d’élèves, autorités scolaires et universitaires, élèves et étudiants pour que chacun comprenne, que dans le monde concurrentiel où nous vivons, nous n’avons d’autre choix que de tendre vers l’excellence, en assurant la formation des hommes et des femmes qui se distingueront par leur compétence.

Par ailleurs, le développement de l’emploi d’une manière générale, celui des jeunes en particulier figurent au nombre des priorités. A ce titre, nous devons mobiliser toutes nos énergies pour Ie futur.

Mes chers compatriotes,

Nous sommes fiers, d’être les héritiers des grands empires et des royaumes, qui se sont développés sur notre sol. Ces entités répétons-le, ont vécu sur des valeurs positives, que nous devons aujourd’hui chercher à intégrer, dans nos comportements de tous les jours.

Dans cet ordre d’idée, le respect du bien public, le sens de l’Etat, plus que jamais, apparaissent comme des vertus à fortifier pour que puissent murir à leur contact, les jeunes générations porteuses du devenir de notre peuple.

Mes chers compatriotes,

Armée de ces valeurs, notre jeunesse saura poursuivre et amplifier les vastes chantiers qui conduisent au développement de notre pays. Dans cette œuvre, elle pourra s’appuyer sur nos réalisations dans le cadre du Projet pour le Développement Economique et Social, en matière de santé, d’éducation, d’infrastructures économiques et de développement agricole.

Mais, l’atout majeur pour le développement du Mali des 50 prochaines années, sera incontestablement l’agro pastoral et l’exploitation dans sa diversité de notre potentiel minier.

En plus de l’or, l’exploitation des réserves de fer, de manganèse et les bonnes perspectives, dans la recherche de l’uranium vont donner un nouveau souffle à notre économie.

Le pétrole jouera un rôle de premier plan dans cette reconfiguration de notre économie, au cours du demi-siècle à venir. Les premiers forages, à la préparation desquels travaillent les équipes techniques, seront bientôt réalisés.

Mes chers compatriotes,

Pour construire ce futur, riche de promesse, nous devons rester nous-mêmes. A cet égard, il me plaît de rappeler que le Peuple du Mali n’a jamais arraché une seule page de son histoire ; il a gardé intacte la mémoire de son parcours.

Des Maliennes et des Maliens ont certes enduré des souffrances, porté des deuils, que les circonstances leur ont imposés, mais notre peuple n’a jamais accepté de tourner le dos à l’avenir.

L’appel du destin commun, la vision partagée du futur, au-delà des vicissitudes du passé, l’ont incliné non à s’enfermer dans le ressentiment, mais à agir pour que toutes les filles et tous les fils se rapprochent, pour que les fractures se referment et génèrent des attitudes positives riches de fraternité et de spiritualité.

Puisse la célébration du cinquantenaire de notre accession à la souveraineté ouvrir de nouvelles avenues, dans cette direction et enraciner encore plus profondément dans les cœurs et dans les esprits le pardon et la réconciliation.

Mes chers compatriotes,

Il me plaît de vous rappeler, que déjà en 1992, en transmettant la charge, que j’ai assumée pendant la transition, j’avais déclaré à propos de l’évolution politique de notre Pays, je cite :

Il faut que la sagesse inspire à notre pays la clémence, et que son peuple se réconcilie définitivement avec lui-même. Mais le pays ne peut pas oublier ceux qui sont morts en combattant pour la liberté et nous ne cesserons jamais de rendre hommage à leur mémoire… Ceci exige légitimement non point qu’ils soient vengés, car l’avenir ne se construit pas sur la vengeance, mais que le droit soit dit. C’est à ce prix que le passé cessera de constituer pour chacun de nous un insupportable fardeau. (fin de citation).

Dans le respect strict de l’indépendance de la justice, des décisions définitives de condamnation sont intervenues depuis. Elles ont été suivies de mesures politiques d’apaisement.

Aujourd’hui, je voudrais demander à notre Peuple et à l’ensemble de la classe politique et de la société civile, de se joindre à moi pour réfléchir à la manière la plus adéquate, pour avancer sur le chemin de la réconciliation nationale.

Cette démarche n’implique aucune approbation des faits ayant motivé des condamnations. J’ai été un des acteurs des évènements de mars 1991. Je mesure tout le poids de l’histoire et des responsabilités ! Mais, je connais la grandeur d’âme légendaire de notre Peuple.

Mes Chers Compatriotes,

Frères Africains,

Hôtes du Mali,

L’Histoire du Mali Indépendant, est intimement liée à l’intégration et à Unité africaine, consacrées par notre Constitution depuis 1960. Notre quête a été constante : de la Fédération du Mali à l’Union Guinée-Ghana-Mali, du combat pour l’Unité africaine aux Etats-Unis d’Afrique, nous avons toujours été présents, voire à l’avant-garde.

Plus que jamais, nous poursuivrons notre combat pour une Afrique politiquement et économiquement forte.

Ensemble, formons pour le Mali, notre Mali, des vœux de prospérité et de stabilité, pour son plein épanouissement.

Comme les artisans valeureux de sa liberté et de sa dignité retrouvée, il y a cinquante ans, nous aussi, aujourd’hui, nous proclamons notre espérance et notre foi inébranlable en son avenir radieux.

Vive le Mali dans une Afrique Unie et en Paix !

Je vous remercie de votre aimable attention !
 

(Koulouba, le 21 septembre 2010)

Cellule de Communication, Présidence de la République
 

 

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