Récemment un tract dénonçait la présence de l’ancien président Moussa Traoré au défilé militaire du 22 septembre devant se dérouler sur l’avenue du Mali. En effet, si sont invitées, à ce défilé du Cinquantenaire, toutes les grandes figures de notre pays, il faudra s’attendre à ce que Moussa Traoré, qui a dirigé le Mali durant 23 ans, y soit en bonne place. S’il s’avère, toutefois, qu’il a été invité à cette cérémonie de commémoration du Cinquantenaire de notre pays.
Au moment où une frange importante de l’opinion nationale se demande si Moussa Traoré sera aux côtés d’ATT lors du défilé militaire du 22 septembre, les proches de l’ancien président, quant à eux, s’activent dans le but d’accéder, eux-mêmes, au pouvoir en 2012. C‘est dire que l’invitation – si elle est réelle – de Moussa Traoré à sortir de sa résidence dorée, le temps de serrer la main des chefs d’Etat et des invités de marque du Mali, le 22 septembre 2010, sera une occasion rêvée de redorer son blason, qui sera, quand même, toujours taché du sang des martyrs.
La présence du président déchu, ce jour-là, en tenue d’apparat, aux côtés d’un ATT, son tombeur, d’un Alpha Oumar Konaré et d’un Mouammar Kadhafi signifiera, sans nul doute, qu’il est désormais le bienvenu dans la cour des propres et sur l’arène des grands événements nationaux. C’est dire qu’après une telle sortie médiatique, l’image de l’ancien président va désormais s’imposer sur la scène politique nationale. Si l’invitation de Moussa Traoré a plutôt une valeur symbolique, il n’en demeure pas moins que sa présence va servir, indirectement, à ses proches que sont son beau-fils, le navigateur interplanétaire Cheick Modibo Diarra et son propre fils, Cheick Boucadry Traoré qui viennent de se lancer dans la politique.
Sur le plan médiatique, la présence de Moussa Traoré à la tribune officielle, assis fièrement en première ligne, sera perçue comme un signal fort du processus de réconciliation enclenché depuis des années sous la houlette des plus hautes autorités de l’ère démocratique.
Surtout que l’opinion nationale est aujourd’hui encline à vouloir panser les plaies du passé, sans pour autant chercher à déchirer les pages de notre histoire glorieuse qui a, certes, connu comme toute histoire d’ailleurs, ses moments de soubresauts voire de tumulte.
Comment, ce jour-là, les présidents ATT, Alpha Oumar Konaré et Moussa Traoré vont-ils se regarder? De quoi vont-ils parler ? Le démocrate Alpha Oumar Konaré sera-t-il à l’aise quand il se retrouvera face à l’ancien dictateur Moussa Traoré ? Ce jour-là, seul Mouammar Kadhafi, le leader libyen, se sentira à l’aise au milieu de ses hôtes qui ont été, tous les trois et cela à un moment ou à un autre, des visiteurs de sa tente.
C’est vrai que cela n’a pas été fait avec la même fréquence. Au niveau de l’assiduité, Alpha Oumar Konaré avait, durant ses dix ans à la tête du pays, effectué près d’une cinquantaine de voyages dans le pays du Guide libyen.
Quant à ATT, il n’est pas exclu qu’il batte ce record en fin de mandat. Si ce n’est déjà fait et cela pour le plus grand bien du Mali. Comme l’on doit s’y attendre, Moussa Traoré sera, incontestablement, l’invité vedette et, certainement, la très grande surprise de ce défilé militaire attendu, certes, avec impatience, mais surtout avec beaucoup de curiosité.
Mamadou FOFANA
…15 organisations démocratiques disent non à la présence de Moussa Traoré
Dans une déclaration dont une copie a été déposée à notre rédaction, la Coordination malienne des organisations démocratiques (COMODE), composée de 15 associations, " bien qu’imprégnée de la culture séculaire de tolérance, de pardon, dit non, dans les circonstances actuelles, à cette entreprise de réhabilitation déguisée du président de la 2ème République du Mali". La COMODE exige du pouvoir " de renoncer à cette invitation pour le respect des morts " et " s’engage à s’y opposer par toutes les voies de droit ".
Composée de 15 associations, dont les noms n’ont pas été cités, la COMODE reconnait que " cet évènement majeur, moment de bilan, de méditation, de réflexion et de projection pour les 50 ans à venir, est aussi propice à la générosité, au pardon, à la réconciliation, sans rétablir la vérité, sans reconnaissance des fautes qui commandent le pardon et la réconciliation. Sans solde de comptes en somme ".
C’est dans cette atmosphère de festivité que les plus hautes autorités s’apprêtent à admettre le Général Moussa Traoré à la tribune officielle. La COMODE, " bien qu’imprégnée d’une culture séculaire de tolérance, de pardon, dit non, dans les circonstances actuelles, à cette entreprise de réhabilitation déguisée du Président de la 2ème République du Mali pendant 23 ans de dictature et d’oppression ". Aussi peut-on relever que : "Le général Moussa Traoré a déjà largement bénéficié de la générosité, de l’esprit de tolérance, de clémence, de magnanimité du peuple malien et de ses organisations patriotiques et démocratiques. Ces organisations sont fières de n’avoir pas fait subir au général les brimades, les vexations, les humiliations, les tortures et les assassinats ont été victimes les combattants de la liberté et de l’indépendance du Mali, de son fait. Elles sont fières d’avoir dit : plus jamais ça au Mali ! "
La COMODE souligne que le général dictateur, "condamné deux fois à mort lors des procès crimes de sang et crimes économiques, a bénéficié d’une commutation de ces peines en détention à perpétuité. De réduction en réduction du temps de détention, il est aujourd’hui un homme libre, jouissant de la liberté d’opinion, d’expression. Il jouirait même d’avantages et de prérogatives prévus par le statut des anciens présidents. Mais il y a des limites qu’il ne faut pas franchir par décence, par respect de la mémoire de tous les martyrs, morts dans les bagnes de Taoudenit et de Kidal, morts ou handicapés à vie après leur libération des mêmes bagnes mouroirs et des prisons de Niono, Yélimané, Dioïla, Kolondiéba, Ménaka, Agel-Hok, Boureissa et d’Ansongo. Il ne faut pas franchir ces limites par respect de la mémoire des familles de ses collègues du Comité militaire arrêtés et déchus de leur grade sans jugement, des martyrs des journées folles de janvier et mars 1991".
En tout cas, pour le Coordination malienne des organisations démocratiques, " la présence annoncée de Moussa Traoré constitue une insulte à la mémoire de tous ceux qui se sont sacrifiés pour l’avènement du Mali libre et démocratique. Elle signerait une seconde mort de tous les martyrs de la démocratie ".
Youssouf CAMARA