Ce que la République compte de personnalités se sont retrouvées au début du mois de Septembre – retenu mois du Cinquantenaire – à Logo- Sabouciré, à 25 km de la ville de Kayes. Cette petite porte éternelle bâtie sur les confins de notre histoire recevait du monde. Pour faire mémoire et parce que la réflexion devait précéder la fête du 22 Septembre prochain. Nous avons voulu débuter ici la commémoration du Cinquantenaire de l’Indépendance du Mali, orientés vers une meilleure compréhension de notre passé et sans doute peut- être sera t- elle axée aussi sur une critique exhaustive du parcours réalisé … Ne dit- on pas que qui méconnaît son histoire ne peut construire avec succès ? Le Cinquantenaire est un slogan comme tel «Nous sommes ensemble». Prenons donc tous place, puis ouvrons bien vite une petite parenthèse.
On peut se tromper, mais on aura remarqué l’absence des historiens dans nos instances consultatives. Eux qui passent pour être des scrutateurs de causes, toujours en travail sur de grands problèmes et en quête des origines. Il existe bien au Mali une Association des historiens dont le siège est à Dibida. Elle est partie prenante de l’Association des historiens africains née dans le contexte du panafricanisme et qui compte des membres partout en Afrique, du nord au Sud. Alors question: pourquoi les historiens n’ont pas été invités pour ce grand rendez-vous d’introspection nationale? Ils auraient pu l’être en termes de sous- commission pour influer sur les choix stratégiques à venir. Non? Ne faut- il pas dépasser certaines de nos préventions entre individus pour aller sur une base consensuelle? La fête attendue ne peut, ne doit pas exclure la réflexion sérieuse, n’est- ce pas? Des 22 Septembre, il y en aura encore mais ce qui compte n’est- ce pas le 23 Septembre, c’est-à-dire le jour d’après pour nos compatriotes? Revenons avec notre propos du jour sur le cas Logo Sabouciré. Pourquoi cette ville est- elle devenue l’un des lieux les plus fameux de notre histoire nationale? Une ville devenue comme attribut du sujet dans le temps Mali. Une ville enfin, qui nous a fait retenir 3 cadences sur le nom, le chiffre et le symbole.
-Au lieu – dit Logo – Sabouciré … Des enceintes de ce petit royaume du 19è siècle vont retentir longtemps la voix d’un peuple libre. L’histoire se faisant, tous les grands peuples sont restés résolus devant les crises et les dissensions qui leur ont été préjudiciables. Il y avait là un roi, Niamody SISSOKO qui n’enviait rien aux Français. Sabouciré était alors une cité importante à cause de l’arachide et le commerce se développant profitait plus aux Anglais. Enfin c’était une cité jalousée sans doute par Médine où les blancs avaient posé leur Djatiguiya. Dans son camp, le roi est environné de guerriers, de sa famille afin d’être plus ferme dans le choc avec les envahisseurs. Un camp qui ressemble à un marché de laboureurs, des négociants et des éleveurs, des femmes et des enfants aussi sans doute. La rage les habitait et il faut se figurer la scène de la bataille qui renvoie à l’éclat d’un jour nouveau, d’un péril autre … Le combat engagé, retentirent les premiers coups de canon, une arme funeste qui manque rarement de frapper son but dit- on alors. Artillerie lourde avec une colonne partie de Saint-Louis. La surprise est de taille et certains seront saisis de frayeur et on abandonnera sur le champ des membres patriotes. Des détonations qui n’ont rien de commun avec le tonnerre et les coups de foudre. Moins vastes, mais avec un bruit assourdissant, pétrifiant. Le roi est blessé et meurt ensuite des suites de ses blessures. Il n’est pas capturé. Bilan: 58 personnes ont été identifiées et parmi les blessés 48 noirs; 7 blancs ont été tués et 7 noirs. Parmi eux un capitaine. Les auxiliaires utilisés non pas été comptabilisés … A la guerre, la réalité des chiffres fait que "la première victime, c’est la vérité". On a honoré ici comme l’on dit les métiers de boucher et de bourreau … Il en sera ainsi tout le long des villes occupées par le colon et à ce titre on ne peut pas parler de villes martyres, c’est tout le territoire qui l’a été. Toutes les cités prises et qui ont résisté, l’ont été rue par rue, goutte de sang à l’appui. Des batailles vont porter un nom sur ce territoire et c’est l’arrêt des destinées ces jours- là. Ce pays connaîtra des rois et longtemps après on parlera de la solitude qu’ils ont laissé après eux …
– La mémoire du chiffre 22 et du 9ème mois de l’année … Peut- on parler d’entrée de la résistance en l878? Combien de temps s’est écoulé après la tragédie de Logo- Sabouciré pour que d’autres Maliens viennent en ce jour faire des réflexions sur les mêmes ruines? N’est- ce pas dû à toute l’attention à la longue mémoire que la vertu laisse après elle? Il se peut que le Commandant en chef de nos forces armées, le Président TOURE ait ici la solennité de ses propos. Un formidable acteur politique, l’ancien président Alpha Oumar KONARE nous manquera ici … tant il aurait été à son affaire. Sabouciré est important parce que ce Tata devenait le point de départ de la résistance de tout ce qui ne constituait pas encore le Soudan français.
La France venait d’être écrasée par Bismarck et avec de fortes amendes à payer. A l’époque la chansonnette des Khassonké disait «si tu veux exécuter la « dansa », il faut prendre un fusil français et si tu veux faire la guerre, il faut prendre un fusil anglais ». Un homme va se signaler à Dakar et son œil va marquer Logo Sabouciré. C’est le colonel Brière de l’Isle qui a des idées arrêtées: il veut récupérer la colonie du Sénégal après la défaite de 1870 contre l’Allemagne et contre carrer les Anglais dans leurs visées. Il s’ouvrira à l’un de ses subordonnés en ces termes : « Si Paris veut rester au Sénégal, il faut pratiquer la politique énoncée par Catherine de Russie: diviser pour régner ». Cette équivoque permanente, la France en fera son viatique. C’est dans cette optique et malgré l’opposition des commerçants de Saint- Louis que les militaires de la coloniale vont sauter le pas. N’importe quel prétexte était bon pour faire la guerre en détournant l’esprit par lequel la Métropole entendait s’implanter. L’ordre express d’attaquer n’est peut être pas venu de Paris mais Brière de l’Isle va jouer de la latitude d’action dont il disposait. Sabouciré sera attaquée le 22 Septembre 1878. 3 ans après, près de Kita à Djoubankan commence une autre bataille en 1881. Deux ans après en 1885 à Morgoula (actuel arrondissement de Sirakora) l’ordre d’évacuation donné par les Français est accepté. Autres batailles: en 1883 à Daban après l’occupation du fort de Bamako et notons que déjà en 1880 la mission Gallieni avait été attaquée sur les rails à Dio. En 1881, Desbordes organise une expédition punitive au Bélédougou. Il bat en retraite mais reviendra en 1882 pour trouver des bambaras plus déterminés que jamais à se battre, alors il se ravise. C’est ici qu’entrent en compte les témoignages des officiers subalternes sur le courage des combattants indigènes. Après tout ce qui a été entrepris pour finir à occuper le terrain, ces troupes coloniales seraient accusées aujourd’hui de crimes de guerre, crimes contre l’humanité … Exemple: du feu dans les murailles des villes avec tout ce qui passait… En 1893 à Takoubao après l’occupation de Tombouctou, tous les blancs furent décimés et seul le capitaine Nigotte fut épargné. Fihroum était le chef des résistants et il dut changer les règles de l’art de la guerre pour vaincre (par une attaque nocturne). L’épopée Samory TOURE fut un autre challenge pour l’envahisseur. Nous sommes en 1888 et depuis chaque hivernage, on retirait l’essentiel des colonnes et on dégarnissait. Le commandant Combes crut bien faire de s’attaquer à Samory TOURE’ Revers mémorable si bien qu’après cette bataille, Paris envisageait d’évacuer le Soudan n’eut été la pression du lobby militaire. De négociations on fini par prendre le camp de l’Almamy à Guélemou. De tout ça, on retiendra la devise «Plutôt la mort que la honte» qui va s’épuiser dans la construction d’une résistance de tous les jours. Le siècle prochain s’ouvrira alors avec Merleau Ponty (1899- 1908) comme Gouverneur civil du Soudan. Il s’installera d’abord à Kayes.
-Pour tous les peuples, il y a une utilité morale d’un ordre supérieur …
En donnant du canon et des coups de pioche ça et là, l’envahisseur préparait à son corps défendant les ruines nécessaires à la renaissance. Logo Sabouciré est un nom parmi d’autres dans l’histoire de ce pays et qui porte la mémoire d’un peuple du Mali au-delà de sa propre existence. Le symbole est là car le fait de ne pas pratiquer la génuflexion devant l’envahisseur est une partie de notre gloire nationale … La liberté étant la seule perspective morale. Avec la gloire de la seule responsabilité. L’histoire c’est aussi la compréhension de la durée. L’accent est alors mis sur la permanence et sur les liens qui unissent le présent au passé. Le cœur des dirigeants Soudanais a gonflé au sortir de la saison fédérative à Dakar. Ils se sont certainement dits alors que le mythe était nécessaire à un homme car sans cela il n’y a pas d’énergie interne. Modibo KEITA et ses camarades (dont bon nombre étaient des instituteurs) vont se renseigner sur les dates symboles ou dates repères de ce pays. Des informations leur seront distillées pour le bon choix et certainement que le vieux Mamby SIDIBE pouvait faire autorité et il fut consulté aussi.
Le Mali indépendant voulait commencer fort et le mot indépendance pour eux était d’abord un désir et ils n’entendaient pas que la dépendance soit de leur destinée. Un Mali devait naître et nos dirigeants voulaient faire croître sur les pierres de nos morts, l’arbre de la grandeur du Mali retrouvé. La gloire avait coûté trop cher à nos résistants pour qu’on ne leur rende pas une ultime reconnaissance. La nuit coloniale qui nous voila allait assurer par des cruautés son nouveau droit, sa grandeur et sa prospérité. On ne pourra quand même pas mettre dans la même balance les ruines de la colonisation le même prix que les actes ou bénéfices de l’indépendance et de la paix. Les actions et les sentiments des nôtres ne sont vrais que parce qu’ils sont conséquents. Le refus de la tutelle fut naturel aux nôtres car il les mettait d’accord avec eux- mêmes. Sabouciré fut peut- être un petit fait (ce qui a été dit l’a été à Sikasso en 1998 lors d’une commémoration de la prise du Tata) mais il sera érigé en symbole d’une indépendance conquise il y a 50 ans. C’est l’exemple d’un particulier transformé en représentant d’une époque. L’histoire nous demande aussi de la réflexion. Sabouciré fut un terme, une borne où va s’ériger une stèle et une plaque commémorative. Mais l’histoire de la résistance au Soudan n’est pas inscrite dans les seules ruines de Logo- Sabouciré. D’autres villes vont s’élargir avec le collier de la domination. La stèle à Sabouciré à ce titre doit saisir les ensembles. Elle permettra de voir ou de revivre les passions d’une époque. Taillée dans une matière sans défaut, elle sera lue comme une espérance qui volera sur de sublimes traces.
SALIF KONE