Cinquantenaire du Mali : ce qu’ils pensent : Hella Diallo, Professeur à la retraite : Beaucoup de tapage et de nombreux défis

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Je vis à actuellement à Bamako, après avoir occupé plusieurs postes dans presque  toutes les régions du Mali comme Inspecteur de l’enseignement fondamental et Directeur régional de l’éducation.

Mes impressions sont vraiment mitigées, parce qu’un pays qui a 50 ans d’indépendance devrait avoir une meilleure grille. Nous, nous sommes les vieux militants de l’indépendance. C’est à ce titre, d’ailleurs, que j’ai voté et  fait voter en septembre 1958 Non au référendum proposé par De Gaulle. Si tout le monde avait voté Non, ça serait comme en Guinée, nous allions accéder à l’indépendance aussitôt. Ce n’était que partie remise, puisque, deux ans après, nous avons proclamé notre souveraineté nationale. Donc ça  réveille chez moi de profonds souvenirs. Mais, 50 ans d’indépendance, je pense que ce n’est rien dans la vie d’un pays. Si nous pensons à ce qui s’est passé au Soudan, dans l’Empire du Mali et l’Empire Songhoï, cela nous amène des centaines et des centaines d’années en arrière. Donc, 50 ans, ce n’est pratiquement rien. S’il y a des situations où l’on n’a pas réussi, il est clair qu’on peut encore se corriger et aller de l’avant

Je pense qu’il n’y a pas de signification particulière à accorder à la célébration du Cinquantenaire. On est pourtant en train de faire beaucoup de tapage. Cela signifie que le pays a atteint, peut être, une certaine  maturité, en politique surtout, puisqu’en économie on n’a pas encore atteint l’objectif. Nous n’avons pas d’usines et il n’y a pas d’emplois pour les jeunes.

Si nous regardons les télévisions africaines, nous constatons que le Mali se situe parmi les pays où la démocratie a fait de grands progrès. C’est dans ce domaine-là que le Cinquantenaire a une grande signification. Et nous espérons que rien ne viendra troubler ces acquis en démocratie. Dans ce domaine aussi je souhaite que ce qui ne va pas  actuellement puisse être corrigé, surtout pendant les élections. Parce que les élections au Mali laissent à désirer, comme dans tous les pays africains d’ailleurs, car ce sont des élections basées sur la fraude. Cela donne des résultats que tout le monde est obligé d’accepter, parce qu’on veut jouer le jeu de la démocratie.

Pour les 50 prochaines années, il y a d’abord la démocratie à approfondir, la corruption à combattre, et, surtout, qu’on regarde un peu vers les campagnes. 50 ans après l’indépendance du Mali, les gens qui travaillent avec la houe sont encore les plus nombreux. C’est pour quoi, lorsque l’on parle de l’autosuffisance alimentaire, moi ça me fait rire, parce que ce n’est pas de cette façon qu’on peut atteindre cet objectif. C’est impossible donc dans les prochaines  années, pas à long terme mais à très court terme. Il faudrait que nos dirigeants essayent d’amener les paysans à adopter la culture attelée.

La culture attelée, en République du Mali, s’est surtout développé dans la zone de l’Office du Niger parce que c’est une technique très ancienne dans cette zone. Les gens qui vivent autour ont tous adopté la culture attelée, que ce soit dans le cercle de Ségou,  de Macina, de Niono. Si tout le reste du pays pouvait suivre le même chemin! Nous voulons atteindre l’autosuffisance alimentaire mais nos terres ne sont pas suffisamment profondes pour que l’agriculture se base sur les tracteurs. Les tracteurs sont à utiliser dans les terres profondes et les terres profondes c’est dans les vallées. C’est ce qu’on doit faire, c’est développer la culture attelée pour aller à l’autosuffisance alimentaire.

L’alphabétisation fonctionnelle aurait dû atteindre un niveau plus important  au Mali, ce qui aurait permis aux paysans de se former et d’adopter des méthodes culturales modernes. Et cela aurait été accompagné, évidemment, par des techniciens formés à l’école malienne.

Ecole malienne qui se trouve aujourd’hui dans une situation déplorable. Les efforts doivent se porter immédiatement sur la résolution des problèmes de l’éducation. Parce que l’éducation est allée à vau-l’eau depuis 1991 et qu’il revient aux dirigeants de se ressaisir et de ramener l’école dans la bonne voie. Il y a l’université qui doit être développée. Nous sommes en voie de le faire, puisque nous avons ouvert une nouvelle université à Ségou. Mais, le problème de nos universités, c’est qu’elles manquent de cadres. Les professeurs sont en nombre insuffisant et leur formation laisse à désirer. Même ceux qu’on envoie en Europe pour les études restent là-bas une fois diplômés, parce qu’ils gagnent beaucoup d’argent.

Nous devons plus développer l’éducation et la recherche, pour l’économie, car elle a besoin de cela, et aussi pour le bien-être de notre pays.

Moussa Diakité, Député élu à Bougouni:

Un grand pas vers le développement

Jai vraiment de la chance de vivre le Cinquantenaire, parce qu’au moment de l’indépendance j’avais 11 ans.  J’en ai presque 62 aujourd’hui, donc  c’est avec éclat que je dois  fêter le Cinquantenaire du Mali.

Mes impressions sont de deux ordres. D’abord la première consiste tout simplement à féliciter les dirigeants de la démocratie, parce que j’ai vécu les trois régimes qui ont gouverné ce pays, la Première République, la Deuxième, la Transition et la Troisième République. Au vue de ces trois régimes, nous savons que le Mali a fait un grand pas, surtout dans le cadre du développement, avec le Président Alpha Oumar Konaré, qui balisé le terrain, puisqu’il est le premier Président de la démocratie et, ensuite, le Président Amadou Toumani Touré, le bâtisseur, qui  a montré aux Maliens que le Mali pouvait changer et qui a changé le Mali, dans le bon sens bien sûr.

Nous, les Maliens, nous réjouissons beaucoup des 50 ans de notre pays. Pour celui qui a vu Bamako en 1960 et aujourd’hui, en 2010, nous savons tous qu’il y a eu un changement qualitatif. Je pense que le plus important est que les Maliens doivent conformer leur changement de comportement au changement pour le développement.

Le Cinquantenaire du Mali doit être la fierté de tout un chacun, toujours dans le cadre du développement du pays. Notre pays avait vraiment besoin de ça. Compte tenu de sa position géographique continentale, le Mali a fait un très grand pas. Ce qui est  important aujourd’hui,  c’est le changement de mentalités, la prise de conscience par nos enfants de faire face à leur devenir. Cesser les sorties intempestives au niveau de l’école malienne. Avec la mondialisation, ils feront face à un certain niveau, qu’ils ne pourront jamais concurrencer s’ils ne font pas face à leur avenir. Et leur avenir c’est d’aller à l’école, d’étudier, de chercher les meilleurs diplômes, pour gérer l’Afrique dans les 50 ans à venir.

Je pense qu’on doit toujours améliorer la situation actuelle. De 1992 à nos jours, le Mali a connu un grand changement. La nouvelle génération qui viendra au pouvoir doit toujours améliorer cela, à savoir notre développement, agricole surtout, parce qu’il faut l’autosuffisance alimentaire dans un pays pour relancer l’économie. Sans l’autosuffisance alimentaire, je pense qu’il ne peut  avoir un cadre de développement  fiable. A ce titre, je souhaiterais que tous que les dirigeants qui viendront  accordent d’abord leur priorité à l’agriculture. Ce n’est qu’ensuite qu’ils vont atteindre la solidité du développement.

Ibrahim Kandian Diallo, Médecin

Dresser le bilan de ce qui s’est passé

Nous nous ne sommes pas de cette génération. 50 ans d’indépendance, ce n’est pas 50 mois, ni 50 jours. Il va donc falloir qu’on s’arrête et qu’on fasse un petit  bilan de se qui s’est passé par rapport à notre pays. Où est-ce qu’on en est et où est-ce qu’on veut aller? 50 ans, c’est un demi-siècle. Nous devrions être maintenant en situation d’aller vers  notre développement, qui est tant attendu par le peuple malien.

Personnellement, je pense que fêter le Cinquantenaire en fanfare est une bonne chose, parce que  50 ans de vie, pour un pays, c’est quelque chose d’important. Mais en ayant toujours à l’esprit nos priorités, pour qu’on puisse permettre une vie décente à nos populations. Quand je parle de vie décente, c’est en termes de santé et de bien-être de la population. Je sais que beaucoup de Maliens n’ont pas accès aux services de base au niveau  de la  santé. Si l’on pouvait penser à comment faire accéder le maximum de  population à des services de santé de qualité, je pense qu’on aurait déjà  fait un grand pas vers le développement.

Il va falloir que chacun de nous, pas seulement les dirigeants, mais chaque Malien,  arrive à se situer dans un processus de développement, en ce sens que nous devons déjà penser à une bonne planification pour des services de base, des logements pour tous et que la population arrive à manger à sa faim. Il faut que nous nous disions tous que nous sommes les fils de ce pays et que personne ne viendra le développer  à notre place.  

Propos recueillis par Kandia Coulibaly

 

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