Cinquantenaire à Kouroukan- Fouga : La Charte a t- elle échappé à son destin ?

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Kouroukan- Fouga (commençons par l’écrire ainsi) c’est 1236 de notre ère. Un de ces lieux de mémoire à indice très élevé au Mali, a telle enseigne que certains de nos intellectuels en ont fait une allégorie qu’on voudrait transformer à la suite en bien- être social. Que serait Kouroukan- Fouga sans les historiens ? Nous posons la question.


Un nom au fronton de la mémoire collective ? Ce que nous savons, nous le dirons à la suite de M. Nagouma Moussa KEITA de l’Association N’KO (MCD) Mouvement culturel pour le développement qui y voit ‘’l’aire qui a abrité les assises desquelles naquit le nouveau Manden, connu sous le nom de l’Empire du Mali’’. Disons qu’en résumé, trois (3) points justifiaient de cette rencontre, à savoir- le procès de Soumaoro Kanté, ex-Empereur du Sosso défait et de son régime autoritaire- l’unification envisagée de toutes les provinces et alliés du Manden au nombre de douze (12)- enfin l’élaboration de codes de conduite (appelés encore Manden Sigikan) ou constitution, charte ou encore loi fondamentale du Manden. Tout le destin de la charte est ici dans ces quelques lignes. Trilogie d’une communauté conçue comme l’une des meilleures qui sera donnée à l’homme noir. Une charte disons- nous qui vient d’un temps qu’on pourrait résumer ainsi : Raison, Tolérance, Humanité. Un temps pour finir où tout tendait au vrai et au grand.

Si Kouroukan- Fouga était ordinairement de son siècle comme l’on dit, alors pourquoi les hommes d’alors ont- ils pris pour l’honneur du Mandé, un intérêt énorme ? En se réunissant ici, les vainqueurs de Soumaoro Kanté eurent d’abord à se choisir un seul roi parmi les pairs présents allons-nous dire. C’est Kamadjan Kamara qui donnera le ton en rendant sa lance (‘’Tanba’’) et à suite tous les autres chefs militaires remirent leurs lances de commandement à Soundjata KEITA, en guise d’acceptation de son pouvoir. Ce dernier va vivre une vraie épopée ou l’on immortalisera et répétera à plaisir ses exploits. Soundjata KEITA deviendra un archétype et les mandekas vont s’identifier en lui. Il aura un grand rôle politique et surtout une mort mystique ( ?) qui va racheter ses fautes bien humaines dues à la présomption. Le surnaturel prendra avec le monarque le tour du merveilleux. De son arc invincible, il y aura bien des reliques. Soundjata KEITA sera même un roi stylisé au sein de notre histoire car il symbolise avant tout une cause valant parfois par ses vertus et sa représentativité une Nation entière (le Mandé). C’est ‘’ en regardant vers le pays du Mandé’’ que les vainqueurs du roi jusqu’alors invincible du Sosso vont songer à aller à Kouroukan- Fouga. Jamais auparavant ils ne s’étaient retrouvés ainsi assis en arc- de- cercle disons- nous. Ce qu’on allait dire ici passera pour l’abrégé de l’Empire du Mandé, car il en représentait les connaissances, les opinions et l’esprit. D’abord Soundjata KEITA se retrouve à la tête d’une sorte de fédération avec le titre de ‘’Makhan’’ (empereur).  Puis l’assemblée en cours va statuer sur l’élaboration d’un code de référence (jouant le rôle de constitution). Ces lois proviendront de trois (3) sources : les coutumes et traditions du Manden, celles des soninkés déjà islamisés (les Maraka) et celle du Sosso que Soumaoro avait déjà ‘’promulgués’’ (les 10 points du pacte commun). Il y a  débat sur le nombre des articles de la charte de Kouroukan- Fouga. Cela va de 40 articles selon certains à un chiffre de 120 selon d’autres. Il semblerait d’autre part que certains articles aient été débattus à Kouroukan- Fouga et d’autres pendant les assemblées annuelles qui se tenaient à Niani (la capitale). Le roi Soundjata KEITA qui présidait jusqu’à sa mort fut un peu de tout ce qui suit : politicien, artisan, chimiste à ses heures (n’était- il pas un redoutable Dozon ?) architecte, soldat mais aussi avocat d’une cause noble. Ceux qui débattirent de la charte de Kouroukan- Fouga voulurent accomplir la parfaite religion, la parfaite police (entendez politique ou forme de gouvernement) le parfait et accompli usage de toutes choses… Des articles qui vont du droit à la propriété, des dons et legs, créances et prêts, de la condition des esclaves (7 articles nous a t- on dit) la sécurité et droit à la vie, les statuts sociaux (7 articles) la prévention et la gestion des conflits (17 articles) l’héritage et sa répartition, le travail et la réprobation du chômage (8 articles) l’organisation sociale, les Tontiguis et les deux catégories de Tontan, l’adaptabilité de la tradition et des coutumes, le Sanankungna et l’éducation de la personne humaine… Quels articles et quel temps devons- nous dire ! On était en présence d’un monde ressuscité et en pleine transition. Dans une haute autorité qui affermit, discipline et oriente.     

La Charte (du moins si elle était écrite…) se résumerait en cette formule : «Le livre où nous apprenons à nous connaitre, nous aimer et à comprendre »           

Aujourd’hui le président de la République et sa suite font l’honneur d’une visite à Kangaba. Cette visite ne doit pas être mise sur le compte d’un caprice du président de la République qui vient se faire plaisir pour ce Cinquantenaire. Elle doit traduire un engagement citoyen qui cherche toujours ses lettres de créances. Derrière la Maison (ou la stèle) qui sera construite on retiendra que la seule leçon à dire de la Charte de Kouroukan- Fouga est celle de son existence. Si elle devait connaitre un déploiement, ce sera celui de l’esprit sur le destin. C’est alors et alors seulement que nos cœurs naufragés dans notre acculturation actuelle pourront rembarquer un jour, pour cette clairière ardente et souple de Kouroukan- Fouga. Qu’ATT vienne à donner son onction à la construction de cette bâtisse à Kouroukan- Fouga, qui sera donc le premier à exprimer sa poétique des ruines ? Nous avons ici un repère qui date (la CHARTE) et on se demande si l’on peut évaluer sa pertinence  par rapport à notre société actuelle ? Les sociologues et autres historiens de foi sont invités à la table… Commençons par redire  que ce que nous appelons semaine ‘’Anglaise’’ devait se dire semaine Manden… car instituée au Manden par la Charte de Kouroukan- Fouga. Ensuite ce qu’on va accorder comme portée politique à la Charte va t- on le retirer d’une autre main sur le terrain de la portée économique ? La modération que l’on a affectée en son temps à cette Charte n’a rien étouffé des mots de vanité qui vont venir d’ailleurs par la suite. On nous a dit que la Charte est la première constitution du monde noir à nulle autre pareille ( ?). Cette Charte qui s’est vue ‘’précipitée dans la gloire’’, sa haute dévotion a t- elle gagné tous les cœurs du royaume ? Une constitution propre prouve a être un exemple pour le monde… Si nos ancêtres ne se sont pas sentis si grands devant les autres hommes, du moins n’ont- ils eu à déplorer que la faiblesse de leurs moyens matériels. La seule vérité à laquelle ils se sont rendus, c’est qu’ils ne bâtissaient pas sur la haine… Toute communauté peut être perçue comme un nouveau locus de l’action sociale. Il y a qu’aujourd’hui la Charte pourrait arriver à faire une honte à nos veines et futiles entreprises. C’est comme si l’Etat avait cessé de viabiliser l’action sociale. Pour s’en remettre au diktat de l’extérieur…  Kouroukan- Fouga a pu à travers sa naïveté pure imaginer une autre conception de la philosophie et du désir. Combien nos concepteurs actuels des droits de l’homme trouveraient- ils la République actuelle éloignée de cette perfection de Kouroukan- Fouga ? On ne peut adapter et améliorer que ce qui est assimilable.

SALIF KONE.

 

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