« Il n’y a pas et il n’y aura pas de bras de fer entre la magistrature et les agents de la Santé » : c’est ainsi que s’exprimait M. Souleymane Coulibaly, dans une interview accordée à notre confrère 26 Mars du 13 août 2007. Les faits lui ont donné raison : les médecins ont suspendu leur mot d’ordre de grève illimitée et leurs confrères ont été libérés.rn
Deux vénérables corporations
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Les deux corporations, celles de médecins et celle des magistrats, les plus vieilles qui soient, ont régné sur la société depuis des siècles et elles sont issues des facultés les plus prestigieuses de l’Université, venant après celle de théologie. Quand elles en viennent à se quereller, c’est la guerre entre le pouvoir de vie et de mort scientifique et le pouvoir de vie et de mort temporel. Toutes eux, enfin, ont été dans l’entourage des rois. En effet ce sont ces derniers qui avaient de mystérieux savants, souvent étrangers, au service de leur santé (le peuple n’en aura qu’exceptionnellement), tandis que les magistrats ont toujours exercé en leur nom.
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Les magistrats
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« Que les armes le cèdent à la toge ! » dit une sentence romaine. C’est dire que le garde, l’agent de police, le gendarme, le soldat sont tous des auxiliaires de la Justice. Et comme on le lit sur les exploits d’huissier, celle-ci peut requérir l’armée elle-même pour procéder à l’exécution de sa volonté. Mais cette volonté doit avoir des limites. Quand l’épée de la Justice, au lieu de protéger le faible, veut lui couper la tête, alors, ce dernier, prêt à tout perdre sauf l’honneur (comme aurait dit un grand roi de France), se soulève contre la tyrannie et coupe la tête du Roi, comme on l’a également vu plusieurs fois dans l’histoire, au nom de qui se fait cette fausse justice. On a vu dans les villages de notre pays des paysans recourir au poison pour éliminer des juges le jour même où ils ont rendu une sentence injuste à leurs yeux. C’est pour cette même raison que serait née la mafia, de son nom initial « Notre cause » en Sicile, ainsi que les arts martiaux chez les paysans chinois forcés de se défendre contre les abus des Nobles avec des bâtons, alors qu’ils n’avaient pas droit au port de l’épée. Notons enfin que François Rabelais, grand écrivain français du VXIe siècle honnissait les juges pour ce qu’ils touchaient des épices (nos actuels dessous de table).
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Les médecins
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Quant aux médecins, ils ont été, à leur manière, des tyrans impitoyables, exploitant l’ignorance des patients, raison pour laquelle ils furent la cible du grand Molière, qui, au XVIIe siècle, les a ridiculisés dans ses comédies. Plus près de nous, c’est eux qui, naguère, procédaient à des césariennes pour toucher les deux cent mille francs que coûtait l’opération, alors qu’il n’y avait aucun besoin cela. Ce sont eux qui gonflent les prescriptions, après avoir, dit-on, passé un accord avec le pharmacien du coin, et qui vendent ces médicaments à d’autres malades. N’est-il pas arrivé plusieurs fois qu’un patient meure, faute de soins, parce que le personnel de garde (médecin ou infirmière) se la coulait douce non loin de là avec le petit copain ou la petite copine ? Parfois, les ravages sont dus à l’ignorance, quand un médecin ne sait pas distinguer une foulure d’une luxation, même si M. Coulibaly, le président du syndicat de la magistrature, suscité, reconnaît : « Je sais que notre pays regorge d’éminents médecins et d’agents de la Santé qui ont toujours donné et continuent de donner le meilleur d’eux-mêmes pour le bien-être de nous tous »
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Un casse-tête
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Que cette affaire soit un casse-tête, cela apparaît dans deux déclarations contradictoires qu’on peut lire dans la même interview du Dr Coulibaly. A la décharge du juge d’instruction qui a envoyé les deux médecins en prison, il dit : « Je pense que personne n’est mieux placé qu’un magistrat pour savoir ce qu’il faut faire en de pareilles circonstances ». Et pour soutenir la position des médecins: « Quant aux médecins, je ne peux leur dicter la conduite à tenir vis-à-vis de leurs clients ». Qui dit mieux ?
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Ibrahima KOÏTA
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