Le colonel Assimi Souleymane Dembélé, fut comme son grade l’indique, un brillant officier du génie militaire décédé en 1993. Son œuvre, « Transferts définitifs », éditée en 2003, constitue un sévère réquisitoire dirigé contre le régime militaire du CMLN (1968-1978) et celui de l’UDPM (1974-1991), son versant militaro-civil.
L’histoire des 14 officiers tombeurs du régime de l’US-RDA (1960-1968) en novembre 1968, n’est pas encore suffisamment connue dans la mesure où il y a toute une cacophonie entre les différentes versions des principaux évènements qui accompagnèrent ces deux régimes de violence.
Le colonel Assimi Dembélé, de par sa position à l’époque, fut un témoin privilégié de cette saga singulière et en nota presque au jour le jour les différentes péripéties de sa troublante évolution.
D’entrée de récit, l’auteur, dans le style alambiqué des officiers de l’armée de terre, nous restitue en détail l’arrestation à Kayo sur la route de Koulikoro le 19 novembre 1960 du Président Modibo Keita et déshabille les faux héros qui s’attribuèrent par la suite cette gloire. Le Président Modibo Kéita arrêté sans violence à sa demande, fut conduit devant le lieutenant Moussa Traoré le même jour et aurait refusé toute discussion avec les putschistes, et avec mépris, leur aurait dit de diriger le pays s’ils savaient mieux faire que lui.
On y apprend que prisonnier à Kidal, sa condition de prisonnier était évidemment misérable et que sa couche était constituée d’une sale natte avec des araignées et des lézards comme seuls compagnons. Son nom de prisonnier était « l’oiseau bleu » sans doute par peur de sa popularité, d’où aussi le régime d’isolement total auquel ses geôliers le soumirent.
L’auteur dévoile aussi que les tombeurs de Modibo Kéita étaient tous des sous-officiers subalternes issus de l’armée coloniale, mais que le Président Modibo Kéita par patriotisme et nationalisme avait élevés en 1960, au grade d’officiers en dépit de la mise en garde du général Abdoulaye Soumaré, alors chef d’Etat-major de l’armée qui lui aurait dit, nous paraphrasons : « Attention mon Président, un militaire sans formation politique est soit mercenaire en puissance, soit un putschiste en préparation ». L’histoire lui donna raison sur le parcours politique du Mali.
Mais un révolutionnaire avait écrit que la révolution finit toujours par manger tous ses fils. Ce fut vrai pour la révolution française de 1789 où tous les acteurs et théoriciens de la révolution, de Marat à Robespierre en passant par Danton et Saint-Just, moururent sur l’échafaud du docteur Guillotin lui-même victime de son invention, et de façon abusive pour le CMLN de 1968 à 1978.
Le colonel Assimi Dembélé s’intéresse peu à la période de barbarie du CMLN (1968-1978) où dictature musclée, affairisme et mariages forcés avec les plus belles femmes de Bamako furent le lot quotidien du peuple pour s’appesantir sur les évènements de février 1978 qui mirent fin au règne des faucons du régime.
On est ahuri d’apprendre que le ministre de la Défense et de la Sécurité intérieure était propriétaire du plus grand parc automobile de Bamako qui rendait la vie dure aux syndicats des transporteurs menacés par le chômage à chaque instant, de même qu’un grand verger dans son village natal baptisé Ranch Sahel dans lequel pour quelques miches de pain, il faisait travailler comme des esclaves ses ouvriers agricoles. Mais le burlesque fut l’arrestation un à un comme des lapins de chacun de ces demi-dieux sur simple appel téléphonique du chef de l’Etat, chef de la junte en dépit de leur méfiance vis-à-vis de celui-ci depuis quelques mois. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le général avait fait ce coup à ses compagnons d’aventure politique, non pour l’intérêt du peuple malien mais plutôt pour sauver son régime menacé par les sauvageries de ses compagnons d’armes !
Arrêtés de la plus sotte des manières, ils furent embarqués sur un camion militaire en direction de Taoudénit ouvert entretemps en remplacement du fort de Kidal et sournoisement baptisé Centre de Rééducation de Taoudénit. Leurs geôliers sans doute pour se moquer d’eux, leur donnèrent des surnoms bizarres comme Zanzourou pour Tiècoro Bagayoko, Bamba pour Kisima Doukara mais on y apprend aussi qu’avant eux mais cette fois-ci à Kidal, le capitaine Yoro Diakité avait reçu le surnom de Yayoroba et le capitaine Dibi Silas Diarra celui de Banzani.
Tous moururent dans des conditions effroyables dans les sables du désert malien comme s’ils étaient des apatrides.
Facoh Donki Diarra
(écrivain)