«Nous avons ressenti cet événement comme un coup de massue sur la tête. Vraiment, nous devrions rester en dehors de tout ça…». Ce témoignage spontané d’un citoyen lambda du Burkina Faso résume à suffisance l’état d’esprit au pays des hommes intègres au lendemain de l’attaque terroriste sanglante de Ouagadougou, qui s’est soldée par la mort de trente personnes et une trentaine de blessés.
L’attaque a vu des terroristes mitrailler les terrasses de deux restaurants-bars (Taxi Brousse et Capuccino) de la capitale burkinabé, avant de se retrancher avec les otages à l’hôtel Splendid, au centre de la ville, qu’ils ont partiellement incendié. Cette attaque du 16 janvier, dont le mode opératoire rappelle étrangement celle perpétrée contre le Radisson Blu de Bamako – le mouvement qui a revendiqué l’attentat n’est-il pas le même? – signe la fin de l’exception burkinabé face au terrorisme.
Il est vrai que, du temps de Blaise Compaoré, il y avait une sorte d’accord tacite de non agression entre le Burkina Faso et les groupes criminels qui écument le grand Sahara. Le «grand médiateur» n’étant plus là, le gentlemen’s agreement est, ipso facto, rompu, penseraient naïvement certains analystes.
En réalité, l’équation Blaise Compaoré n’est qu’un épiphénomène, au regard des autres paramètres du dossier sécuritaire du Sahel. L’on n’a pas besoin d’être un expert en géopolitique pour savoir que, une fois déstabilisé le Mali, pays occupant une position stratégique au cœur de l’Afrique de l’Ouest, vieille nation héritière de civilisations millénaires, pour les autres Etats, ce ne sera qu’une question de temps.
Penser être à l’abri des soubresauts qui agitent la région, c’est opter pour la politique de l’autruche, en se réfugiant dans une illusion sécuritaire. Pour les nouvelles autorités du Burkina Faso, celles du Mali et de toute la région du Sahel, il urge de tirer les leçons des tragiques événements de Ouagadougou, en jouant enfin la carte de la solidarité. Véritablement.
Car, devant les graves menaces sécuritaires qui planent sur le Sahel, aucun pays ne pourra se sauver seul. Il s’agit de se sauver ensemble, ou de périr ensemble. Dans cette guerre asymétrique, que les pays la région affronteront de plus en plus, l’échange de renseignements est capital, tout comme la mutualisation des moyens militaires. Le réalisme nous commande aussi de bien former les éléments de nos armées et de les doter de moyens adéquats, y compris les vecteurs aériens, incontournables dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
Il s’agit aussi de donner corps au G5 Sahel. Il s’agit, enfin, de coopérer de façon effective, et non de faire semblant de coopérer. Nul ne peut assurer notre sécurité mieux que nous-mêmes. Nul ne peut assurer mieux la sécurité de la région Sahel que les citoyens des pays formant ce vaste espace. Même s’il faut préciser, au passage, que la menace est mondiale et que les dangers qui nous guettent ont été, le plus souvent, fabriqués ailleurs.
La France ne pourra pas assurer notre sécurité ad vitam aeternam. D’autant qu’une telle action n’est pas dénuée de toute arrière-pensée. De Gaulle ne répétait-il pas à qui voulait l’entendre que les Etats n’ont pas d’amis, mais des intérêts?
Quant à la MINUSMA, ce «machin des Nations Unies», elle est considérée par une certaine frange de l’opinion comme une société écran de la France. Il est grand temps de tourner le dos aux égoïsmes nationaux pour faire face, avec réalisme, aux nouveaux défis du 21ème siècle.
Yaya Sidibé