Sommet de la CEDEAO a Abidjan: La transition sous surveillance

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Le président par intérim du Mali Dioncounda Traoré (C) avec les deux émissaires de la Cédéao Djibril Bassolé (D) et Adama Bictogo (G), le 7 avril 2012. REUTERS/

Prolongation du mandat des autorités de la transition à 12 mois (au lieu de 40 jours) et envoi d’une force  militaire à Bamako : ce sont là les principales décisions prises à Abidjan, ce jeudi 26 avril 2012 par les chefs d’Etat de la CEDEAO. En clair l’organisation sous régionale a tranché la question relative à la présidence de la transition. Une question qui divise partisans et adversaires de la junte. Il semble que cette décision de la CEDEAO, tout comme d’une force militaire à Bamako, ne sont pas appréciés par la junte qui affiche sa détermination à être présente dans ce jeu politique. Ainsi le samedi dernier, une délégation de la CEDEAO est arrivée à Bamako s’entretenir avec la junte et d’autres acteurs politiques. Objectif des émissaires de la CEDEAO : baliser le contour de la transition après le sommet d’Abidjan et la mise en place du gouvernement de transition. En attendant, nous vous livrons l’intégralité du communiqué issu du sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO.

 

« 1. À l’invitation de S.E.M Alassane OUATTARA, Président dela Républiquede Côte d’Ivoire et Président en exercice dela CEDEAO, les Chefs d’Etat et de Gouvernement dela Communauté Economiquedes États l’Afrique de l’Ouest, ont tenu une Session extraordinaire le 26 Avril 2012 à Abidjan, République de Côte d’Ivoire.

2. Cette session a été convoquée à l’effet d’examiner la situation politique, sécuritaire et humanitaire au  Mali et en Guinée Bissau.

3. Etaient présents plusieurs Chefs d’Etat et de Gouvernement dela CEDEAO

4. Les représentants des Etats et des organisations internationales

5. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont pris note des rapports du Président de la Commissionde la CEDEAOsur l’évolution récente de la situation politique et sécuritaire au Mali et en Guinée Bissau ainsi que du Président du Comité des Chefs d’Etats Major sur l’état des préparatifs de la Forceen Attente de la CEDEAO. Ilsont également pris note des comptes rendu de  S.E.M Blaise Compaoré, Président du Faso,

Médiateur de la CEDEAO  au Mali et de S.E.M Alpha Condé, Président  dela République de Guinée, Médiateur dela CEDEAO en Guinée Bissau.

6.La Conférencea rappelé la déclaration du 6 avril 2012 du Président en exercice dela CEDEAOsur la signature de l’Accord cadre  par les parties prenantes de la crise constitutionnelle au Mali ainsi que les déclarations du 12 et 19 avril 2012 du Président dela Commissionportant respectivement sur le coup d’état en Guinée Bissau et la mise en place d’un « soit disant » Conseil National de Transition par le Commandement Militaire.

7.  Après avoir longuement délibéré sur la situation au Mali et en Guinée Bissau,la Conférencea pris les décisions suivantes:

 

Sur la restauration de l’ordre constitutionnel au Mali :

8.  La Conférenceprend note de «l’engagement solennel» pris le 1er Avril 2012 par le Comité National de Redressement pourla Démocratie etla Restauration de l’Etat (CNRDRE), de restaurer rapidement la légalité constitutionnelle au Mali.

9.  Le Sommet se félicite de la signature, le 6 avril 2012, de « l’Accord Cadre de la mise en œuvre de l’engagement solennel » par les parties prenantes de la crise constitutionnelle sous l’égide du Médiateur, S.E.M Blaise Compaoré, Président du Faso et le félicite chaleureusement pour cette avancée significative.

10. La Conférenceprend acte de  la mise en place des organes de transition conformément à l’Accord cadre, en particulier de l’installation du Président par Intérim, de la nomination du Premier Ministre et du gouvernement. Elle se félicite de l’esprit de sacrifice et de dépassement dont ont fait preuve les populations maliennes et leurs dirigeants, dans l’intérêt de l’unité et de l’intégrité dela Nation.

11.  Les Chefs d’Etat et de Gouvernement décident de porter la  transition au Mali sur une période de 12 mois, au cours desquels les élections présidentielles doivent être organisées pour choisir un nouveau Président. Le Sommet décide également d’étendre le mandat des organes de transition, notamment le Président par  Intérim, le Premier Ministre et le Gouvernement sur cette période de 12 mois pour assurer,  dans la limite des pouvoirs qui leurs sont conférés parla Constitution, la continuité de la gouvernance du pays.

12.  La Conférenceexhorte toutes les parties prenantes concernées à s’engager résolument dans la mise en œuvre de la feuille de route jusqu’à la tenue des élections présidentielles et la restauration de l’unité et de l’intégrité territoriale du Mali. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement demandent que les autorités de transition garantissent non seulement le droit de retour au Mali de l’ex Président, M. Amadou Toumani Touré et de toutes autres personnalités forcées de quitter le pays mais aussi leur sécurité une fois au pays.

13.  Le Sommet exhorte les autorités de transition de prendre toutes les mesures pour déployer, durant la période de transition, les services centraux de l’administration  dans tout le pays en particulier dans le Nord.

14.  Le Sommet salue la libération des personnalités détenues par les Militaires le 17 avril 2012  et demande au CNRDRE d’honorer scrupuleusement son  engagement pris dans le cadre de l’Accord en respectant l’ordre constitutionnel et en se soumettant aux autorités civiles de la transition. A  cet égardla Conférencedemande aux membres du CNRDRE de retourner  dans les casernes et de se consacrer à leur mission régalienne de défense du territoire.

15. La Conférencemet en garde le CNRDRE que ses membres qui commettraient désormais toutes actions arbitraires et unilatérales seront passibles de sanctions individuelles ciblées.

16.  Le Sommet exprime sa gratitude aux six (6) Chefs d’Etat désignés parla CEDEAOpour le suivi du dossier Malien,  aux pays du Champ (Algérie, Mauritanie), à l’Union Africaine, aux Nations Unies, et aux Partenaires au Développement, pour leur coopération dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel au Mali.

 

SUR LA REBELLION AU NORD DU MALI:

17.  En dépit de la prétendue déclaration unilatérale de cessez-le-feu par le MNLA le 5 avril 2012, le Sommet constate, avec préoccupation, la poursuite des atrocités au nord du Mali perpétrées par les rebelles, les groupes terroristes et les autres réseaux de criminalité transnationale organisés  transformant ainsi le territoire occupé en une grande zone de banditisme et d’insécurité aigue avec des conséquences humanitaires graves.

18.  Les Chefs d’Etat et de Gouvernement dénoncent l’occupation continue dans des régions de Kidal,  de Gao et de Tombouctou par les rebelles. Ils réaffirment leur attachement à l’unité et l’intégrité territoriale du Mali et réitèrent leur détermination à assister le gouvernement du Mali dans la restauration de sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire, conformément aux dispositions pertinentes des protocoles dela CEDEAO.

19. La Conférenceréaffirme la  proposition de médiation dela CEDEAOen vue d’un règlement négocié de la crise au nord du Mali. A cet égard,la Conférencerenouvelle  sa confiance au Médiateur, S.E.M Blaise Compaoré  et l’encourage à persévérer  dans ses efforts de médiation en concertation avec les  pays du champ (l’Algérie etla Mauritanie) jusqu’à la restauration de l’unité et de l’intégrité territoriale du Mali.

20.  La Conférencesalue et  entérine le souhait exprimé par  S.E.M  Goodluck Ebele Jonathan, Président de la République Fédérale du Nigeria de se joindre aux efforts du Médiateur S.E.M Blaise Compaorédans la résolution pacifique de la crise au Mali.

21.  Les Chefs d’Etat et de Gouvernement décident de prendre toutes les mesures nécessaires visant à assister le Mali dans le rétablissement de son unité et de son intégrité territoriale. A cet égard,  les Chefs d’Etat et de Gouvernement instruisent la Commissionde commencer, avec effet immédiat, le déploiement dela Forceen Attente dela CEDEAOconformément au mandat approuvé.

22. La Conférenceréaffirme son engagement à aider le Mali et les pays membres limitrophes à faire face aux conséquences humanitaires de la rébellion. En conséquence, elle instruitla Commissionde prendre toutes les mesures nécessaires pour mobiliser les ressources, assister les populations affectées, protéger les corridors, ainsi que les acteurs et les biens humanitaires en consultation et en collaboration avec les pays du champ et les partenaires.La Conférenceinstruitla Commissionde mettre à disposition une dotation dont le montant sera déterminé au titre de fonds de roulement initial conformément au rapport du Comité des Chefs d’Etat-major.

23.  Le Sommet exprime sa gratitude aux partenaires au développement qui ont promis d’accompagner les efforts humanitaires et de médiation dela CEDEAOà travers leur soutien technique, financier et logistique. Elle lance un appel à toutes les agences humanitaires et àla Communautéinternationale d’intensifier leur assistance à cet égard.

24. La Conférencelance un appel à tous les pays, notamment ceux du champ non membres dela CEDEAO, et à tous les partenaires désireux d’accompagnerla CEDEAOdans ses  efforts de restauration de l’ordre constitutionnel et l’intégrité territoriale du Mali. A cet égard, le Sommet instruitla Commissionde prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un mécanisme de concertation et de coordination avec ses partenaires pour la mobilisation des appuis à ces efforts.

 

SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SECURITAIRE EN GUINEE BISSAU :

25.  Le Conférence réaffirme le principe fondamental de « tolérance zéro » pour la prise ou le maintien du pouvoir par des moyens non constitutionnels ainsi que  le rôle apolitique des militaires dans une démocratie tels que consacrés par  le Protocole Additionnel surla Démocratieetla Bonne Gouvernance.

26.  Le Sommet condamne fermement le  coup d’état du 12 avril 2012 perpétré par le Commandement militaire  et ses associés et dénonce l’interruption du processus de l’élection présidentielle ainsi que la détention du premier Ministre et du Président par Intérim par la junte.

27.  Les Chefs d’Etat et de Gouvernement réitèrent la dénonciation de l’accord du 17 avril 2012 établissant un soit disant Conseil National de Transition et réaffirment quela CEDEAOne reconnaîtra aucune transition anti-constitutionnelle.

28.  Les Chefs d’Etat et de Gouvernement demandent la libération immédiate et sans condition du Premier Ministre  M. Carlos Gomes Junior, du Président par Intérim M. Raimundo Pereira ainsi que de toutes personnes illégalement détenues parla Junte, et leur remise à la disposition dela CEDEAO, l’Union  Africaine ou de l’ONU. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement demandent également la restauration immédiate de l’ordre constitutionnel.

29. La Conférenceexhorte toutes les parties prenantes à s’en remettre à la médiation dela CEDEAOvisant à s’accorder sur les modalités d’une transition consensuelle vers la tenue d’élections dans un délai de douze (12) mois en tenant compte de  l’engagement écrit pris par le commandement militaire le 16 avril  2012 d’accepter le retour à l’ordre constitutionnel selon les modalités à définir avec l’assistance dela CEDEAO.

30.  Les Chefs d’Etat et de Gouvernement instruisentla Commissionde déployer, avec effet immédiat, un contingent dela Forceen Attente dela CEDEAO(FAC) en Guinée Bissau pour entre autres, faciliter le retrait dela Missiond’Assistance Technique  et Militaire de l’Angola en Guinée Bissau (MISSANG), d’assister à la sécurisation du processus de transition et d’anticiper sur la mise en œuvre effective de la feuille de route du programme de  réforme du secteur de défense et de sécurité.

Dans cette perspective,la Conférencea approuvé le mandat dela FACen Guinée Bissau.

31.  Les Chefs d’Etat et de  Gouvernement mettent en garde le Commandement militaire que s’il n’accepte pas toutes les demandes dela Conférence  dans les prochains 72 heures,la CEDEAOimposera, avec effet immédiat, des sanctions ciblées sur les membres du Commandement Militaires et leurs associés ainsi que des sanctions diplomatique, économique et financière surla Guinée Bissausans exclure des poursuites dela Cour PénaleInternationale (CPI).La Conférencedécide, en addition de  ces sanctions, de prendre toutes autres mesures nécessaires pour l’atteinte de ces objectifs.

32. La Conférencedécide de la mise en place d’un groupe régional de contact placé sous la responsabilité du Nigeria et aussi constitué du Bénin, du Cap-Vert, dela Gambie, dela Guinée, du Sénégal et du Togo, dont la mission sera de  coordonner le suivi de la mise en œuvre des décisions du Sommet surla Guinée Bissau.

33. La Conférenceréaffirme son engagement pour une collaboration étroite entrela CEDEAO, l’Union Africaine, les Nations Unies et les autres partenaires dans les  efforts collectifs de maintien de la paix et de la sécurité en Afrique de l’Ouest. Elle en appelle à un renforcement de cette coopération basée sur le principe cardinal de subsidiarité.

34.  Le Sommet exhortela Commissiondela CEDEAOà diligenter la mise en œuvre du Plan Opérationnel  de Lutte contrela Droguedela CEDEAO, en particulier en Guinée Bissau par la recherche de financement au niveau interne et auprès des partenaires.

35.  Les Chefs d’Etats et de Gouvernement félicitent S.E.M Alassane Ouattara, Président dela République de Côte d’Ivoire Président en Exercice pour son leadership dans la région et pour ses efforts infatigables dans la consolidation de l’Etat de droit, de la paix et de la sécurité en Afrique de l’Ouest.

36.  La Conférenceaccueille chaleureusement en son sein  S.E.M Macky Sall, Président nouvellement élu dela République du Sénégal et l’assure de son engagement à travailler étroitement avec lui dans l’intérêt de l’intégration régionale, la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest.

37.  Les Chefs d’Etat et de Gouvernement félicitent  S.E.M. Dioncounda Traoré, Président par Intérim dela République du Mali, pour sa nomination et l’assurent de leur soutien dans l’accomplissement de sa mission.

38. La Conférencereste saisie des situations au Mali et en Guinée Bissau et prendra toutes autres mesures additionnelles nécessaires pour y faire face. »

 

Publié par Oumar Diamoye  30avr2012

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