À la faveur d’une conférence de presse tenue non dans la fournaise du Centre où elles opèrent, mais dans la paisible et insouciante Cité des Trois caïmans, les milices peulh désignées par euphémisme « groupes d’autodéfense peulhs » ont annoncé, ce samedi la naissance d’une Coordination.
Présentée à l’opinion par deux chefs de milice reconnus, Sékou Bolly et Hamèye Founé (à ne pas confondre avec l’ancien ministre récemment nommé à la Cour suprême), cette coordination des groupes d’autodéfense peulhs, d’une part annonce des contacts et des actions communes avec la milice dogon Da Nan Ambassagou (officiellement dissoute), dans le cadre de la pacification de la région, et d’autre part, appelle les autres milices à les rejoindre afin de fédérer leurs actions et évoluer désormais en rang serré vers l’apaisement.
On aurait applaudi si la naissance de cette énième coordination des groupes d’autodéfense ne procédait pas comme celles qui l’ont précédée (MFUA… CMA, GATIA, DA NAN AMBASSAGOU, d’une dangereuse glissade vers l’ethnicisation rampante de la prise en charge sécuritaire dans notre pays. Les peulh ne sont pas les premiers. Il y a eu avant-hier les touareg, les arabes, les sonrai : hier la CMA, le GATIA, DA NAN AMBASSAGOU ; aujourd’hui la COMAPEC-Mali
(Coordination des mouvements armés peulh du Centre du Mali). À qui le tour demain ?
Comment dire autrement si chaque communauté et chaque groupe ethnique du Mali se donne la liberté et les moyens de monter une milice pour défendre sa parcelle du pays… dans le silence et le déni des autorités ?
La sécurisation des populations du Centre du Mali et la volonté d’aller à l’apaisement entre les communautés, notamment Peulh et Dogon, est un idéal noble et un souci partagé par l’ensemble des Maliens et la Communauté internationale. Toutefois, ils ne sauraient exonérer la faillite de l’Etat et sa complicité passive par renoncement à assumer ses prérogatives régaliennes concernant la défense de la patrie et la sécurisation des populations. Sur ce terrain, il est indiscutable que le monopole de la force armée n’appartient qu’à l’État. C’est dans ce cadre que les Maliens se souviendront qu’en octobre 2013, le président IBK de qui les Maliens attendaient fermeté et intransigeance face à la pagaille, a instruit en tant que Chef suprême des armées, l’assaut pour déloger la junte et « procéder sans délai à la liquidation des comptes et l’établissement du procès-verbal de dissolution du Comité Militaire Pour la Reforme des Forces de Sécurité et de Défense ». C’était le temps de « Kati ne fera plus peur à Bamako ».
Ne voulant tolérer l’indiscipline et l’anarchie à Kati, la junte fut mâtée et le président IBK a adressé un avertissement sans frais « à ceux qui, à Kidal, continuent le chantage, la violence et la violation de l’accord du 18 juin 2013 à Ouagadougou ».
Mais hélas depuis, au Nord, « la communauté internationale nous oblige à négocier sur notre sol avec des gens qui ont pris des armes contre l’État. Je rappelle que nous sommes un pays indépendant. L’État malien est contraint de négocier avec un groupe armé qui s’en vante, dans quelle comedia dell’arte sommes-nous ? » … un accord dit pour la paix est scellé.
Conséquence, le Centre s’embrase. L’administration se retire. Les milices imposent leur terreur, puis, ce sont les massacres aux allures de pogroms et de génocides.
Le processus de Désarmement, Démobilisation et de Réinsertion (DDR) des milices Peulhs et Dogons annoncé pour la fin de ce mois de janvier dans le cadre du programme de sécurisation intégré des régions du Centre du Mali a du mal à prendre son envol…
« Si les uns ne sortent de leur déni, les autres de leurs logiques identitaires ou communautaristes, et que chaque Malien prenne conscience de la gravité de la situation et œuvre à conforter la République et les institutions, notre cher pays, le Maliba pourrait devenir “la risée du monde ou… aller à la dérive”.
Nous devons faire bloc pour sauver notre pays. Pour reprendre le président IBK, “laissons de côté la kalachnikov et venons à ce dialogue (sans armes).
… L’offre de paix (doit aller) de pair avec une volonté farouche de défendre le Mali, l’honneur du Mali, les soldats du Mali, les populations du Mali, toutes ethnies confondues. Les corps déchiquetés, les maisons effondrées, les mêmes horreurs qui peuplèrent le passé récent doivent cesser”.
Peut-on réussir avec cette prolifération de groupes armés, reconnus et chouchoutés ? La réponse au constat de la réalité du terrain fait peur.
Par Sidi DAO