Rétrospection Solidarité, bye bye 

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Aujourd’hui, s’éteignent les lampions de la énième édition du Mois de la solidarité et de lutte contre l’exclusion. Une trouvaille purement malienne, née d’une initiative internationale de consacrer le 1er octobre aux personnes âgées. Les autorités de l’époque, on était en plein dans l’Adémacratie, pour se donner bonne conscience et paraître aux yeux du monde comme généreuses et se souciant du bien-être d’une certaine catégorie de personnes, ont institué ce mois. A quoi sert-il, en réalité ? A rien, sinon à entretenir l’illusion.

Si les premières éditions se sont déroulées sous le bruit assourdissant des fanfares, des projecteurs aveuglants et des larmes de crocodiles, la recette ne prend plus depuis quelques années. La plaisanterie semble avoir assez duré et n’amuse plus personne. Les «exclus», les démunis et les faibles n’ont plus envie qu’on fasse semblant de considérer leurs problèmes que pendant trente et un jours ; ils en ont marre d’essuyer les larmes de crocodiles de tous ces pontes qui viennent se réjouir du spectacle de leur triste existence. Et, surtout, ils détestent de plus en plus qu’on aille prendre de l’argent en leur nom, au nom de la solidarité agissante internationale, pour leur verser quelques subsides, en organisant tout un spectacle avec sons et lumières, et projection en mondovision.
Oui, les pauvres, les veuves, les malades du Sida, les handicapés veulent voir préservée leur dignité, respectée leur douleur. Ils aspirent à avoir les mêmes chances que tout le monde. Et n’ont pas besoin de cette litanie de farces et de comédies. Le Malien a certes besoin d’un toit, mais qu’on le lui offre pendant qu’il n’a pas déjà un pied dans la tombe. Il a besoin de travail, mais qu’on le lui donne pendant qu’il est en possession de toutes ses capacités physiques. Il n’a pas besoin d’être soigné alors qu’on aurait pu le prémunir contre la maladie. Il a besoin d’aide et non de charité.

Aider ? On ne connaît pas trop cela par ici, et surtout depuis que les riches et les puissants de sous les tropiques se sont mis en tête de conquérir et d’exercer le pouvoir politique, économique, financier, social et même culturel et religieux par tous les moyens possibles. Y compris en commençant à affamer le peuple et à le maintenir dans un état de dépendance totale.

Aider, c’est créer et/ou permettre les conditions de travail pour les citoyens de son pays. Aider, c’est faciliter l’accès aux moyens et outils de production, faciliter l’accès à un toit protecteur, faciliter l’accès aux moyens d’assouvir sa faim et sa soif, faciliter l’accès aux moyens de se vêtir correctement, faciliter l’accès à la propriété privée, faciliter l’accès à l’éducation et à la formation, permettre l’adéquation de la formation et des besoins, faciliter aux soins de santé et aux médicaments. Aider, c’est se donner les moyens de réduire sans cesse l’ampleur de la fracture sociale et économique. Aider, c’est donner aux autres les moyens de ne pas dépendre d’autrui. Mais cela, les dirigeants ne le veulent pas. Ils ont besoin d’un peuple dépendant et en perpétuelle nécessité, un peuple toujours prêt à tendre la main pour donner sa voix lors d’élections viciées à l’avance, mais auxquelles une certaine participation est obligatoire pour justifier l’aide extérieure. Ils ont un besoin prêt à se renier et à s’avilir pour quelques pots de riz, quelques paquets de sucre, quelques boîtes de lait, quelques grammes de thé, quelques t-shirts, ballons et autres pacotilles.

Mais, ces dirigeants ne semblent pas avoir tiré les leçons de certaines mésaventures survenues à d’autres dirigeants, et parfois ailleurs. En 1991, si ce peuple a suivi ses intellectuels tout autant affamés que lui, mais assoiffés de pouvoir et de gloriole, envieux et désireux, pressés de se faire une place au soleil en faisant répandre le sang de «martyrs», sous le prétexte qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs, c’est parce que ce peuple aspirait au plus profond de lui-même à un changement qualitatif, tout en se trompant sur la vraie nature et les réelles motivations de ses meneurs. D’ailleurs, il n’a pas mis longtemps à déchanter, car deux ans à peine après mars 91, les coups de gueule se sont multipliés.
Cheick TANDINA

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