A cause des associations et clubs de soutien à sa candidature, ATT était, il y a peu, à couteaux tirés avec les responsables politiques. Sous le prétexte que le chef de l’Etat, apolitique et non partisan, contribuait à la banalisation des partis politiques. Il est vrai qu’à l’époque le Mouvement citoyen, un pot-pourri qui recevait n’importe quel «déchet» politique suspendu, renvoyé ou mécontent de sa famille politique, avait pris une certaine ampleur et affichait sa trop grande promiscuité avec le locataire de Koulouba.
Des députés et élus locaux partisans ont renié leur famille politique pour devenir des apatrides citoyens. On a longtemps prêté au général ATT d’avoir interdit l’érection de son électorat en parti politique. Toujours est-il que le Mouvement citoyen a finalement accouché essentiellement de trois partis politiques : d’abord le PCR, ensuite la FCD et, enfin, le PDES. Cela a-t-il mis fin à la banalisation des « arts et métiers » politiques ? Non !
Paradoxalement, elle a continué. Cette fois sous la responsabilité et l’activisme des partis politiques eux-mêmes : ils ont pris le relais des indépendants et se sont lancés dans la création tous azimuts de clubs et associations de soutien à… Le cas le plus emblématique est, à ce jour, celui de l’Adema PASJ, parti réputé le plus fort au Mali. Un vice-président de la Ruche, Zoumana Mory Coulibaly, financerait des associations et clubs de soutien à Modibo Sidibé, candidat indépendant et opposé à celui investi du PASJ. Un autre vice-président, Soumeylou Boubèye Maïga, également ministre en activité, a ressuscité son ASMA qui a failli le faire gagner à la présidentielle de 2007. Auparavant, pour l’investiture de l’Adema, les principaux candidats avaient chacun son fan’s club. Emblématique, mais pas singulier, en ce qui concerne les «Abeilles ».
Zoumana Mory Coulibaly et Soumeylou Boubèye Maïga, en 2002 déjà, ramaient à contre-courant de leur candidat officiel, Soumaïla Cissé, et avaient pris faits et cause pour l’indépendant ATT. En 2007, le second a récidivé, à juste titre cette fois, en se présentant lui-même à la présidentielle contre la direction du parti qui estimait que de la « Ruche »aucune abeille digne de ce nom ne pouvait battre le Général. Il fallait donc continuer le flirt avec l’indépendant, en faisant fi de la banalisation des partis politiques que cela induit. Car, il y avait bel et bien banalisation, et même mépris pour ces politicards qui ne dédaignent pas venir à la soupe consensuelle. Et ils étaient tous là, singulièrement les partis politiques autoproclamés mastodontes de la scène politique nationale. Même les «petits » qui, pourtant se croyaient opposants, comme l e parti SADI, ont goûté à la soupe populaire.
La banalisation des partis politiques et le mépris affiché pour la classe politique a continué avec le dernier remaniement ministériel, en avril 2011, quand les potentiels prétentieux à la succession du Général ont été tous virés du gouvernement, chassés proprement pour qu’ils aillent chercher des fonds de campagne ailleurs que dans les caisses de l’Etat ; quand aussi, les pseudo-opposants ont été conviés à grignoter le peu de repas qui reste sur la table gouvernementale. Ils ont accepté, toute honte bue. Et aujourd’hui, grâce à ATT, il y a au moins deux ministres qui ont définitivement remisé leurs vieilles fringues rapportées de l’empire soviétique.
Mais si la cacophonie s’est quelque peu calmée dans la Ruche, et si Modibo Sidibé est crédité aujourd’hui du plus grand nombre de clubs et associations, il n’en a pas l’apanage car le dernier-né des autoproclamés mastodontes, le PDES, a pris le relais, avec, chez les animateurs de clubs et associations de soutien à…, un inquiétant besoin d’affirmation de l’autre et un penchant dangereux pour la bêtise. L’Association jeunesse citoyenne et responsable (AJCR) et l’Union des mouvements et associations du Mali sont fondés pour le bonheur de, respectivement, Hamed Sow et Jeamille Bittar. Les deux mouvements politiques ont déjà lancé leurs activités, se marchent sur les pattes, se disputent le trop maigre électorat potentiel du PDES, et ont consacré la division dans leurs textes fondateurs. Selon lesquels, ces mouvements sont créés pour combattre le candidat officiel du parti et s’opposer à lui. Banalisation du parti politique quand les décisions issues de la direction politique de celui-ci ne peuvent même pas servir de torchon puisqu’elles sont foulées au pied et piétinées par une foule de «militants» aux ordres d’un seul individu, prétentieux et envieux.
Banalisation du parti politique quand les choix sont faits sur des raisons subjectives, individuelles et personnelles, et non sur la base de la concertation et du débat démocratique. Banalisation du parti politique quand on ouvre ses portes à n’importe quel aventurier sous prétexte que celui-ci a de l’argent et d’autres moyens.
Banalisation de la chose politique quand…, alors on sera contraint de voir les incompétents et cancres de la République accéder au sommet. Par ordre démérité.
Cheick TANDINA