Trois Députés seraient sur le coup d’une demande de levée de leur immunité parlementaire. L’un, Yaya Sangaré, pour présomption de «violence de voie de fait, coups et blessures volontaires, injures envers un policier dans l’exercice de ses fonctions, trouble à l’ordre public»; l’autre, Mamadou Awa Gassama Diaby, pour présumée «tentative d’assassinat avec préméditation et entrave à l’ordre public» ; et le troisième, Deyti Ag Sidimo, qui serait soupçonné pour son implication présumée dans un trafic international de drogue. Visiblement, leurs collègues députés rechigneraient à les livrer à la justice, et seraient en train de tergiverser à propos d’une immunité.
Mais à bien considérer les faits, la justice n’a pas besoin de l’accord des Députés pour ordonner l’ouverture d’une information judiciaire et conclure, éventuellement, à une mise en examen. En la matière, que dit en effet la loi?
Les éclairages nécessaires sont donnés par l’ouvrage intitulé «L’Assemblée nationale du Mali sous la troisième République» des docteurs Zeïni Moulaye et Amadou Kéïta (octobre 2008). Selon ces éminentes personnalités, les immunités parlementaires sont régies par l’article 62 de la Constitution de février 1992, et portent, entre autres, sur l’irresponsabilité et l’inviolabilité des Députés.
L’irresponsabilité est le fait pour un Député d’être à l’abri d’éventuelles poursuites civiles et pénales pour les opinions ou votes émis dans l’exercice de son mandat, aussi bien au cours de la procédure qu’à l’occasion d’enquêtes ou de missions. Cette protection a pour conséquence de protéger le Député qui peut ainsi s’exprimer en toute liberté.
Si l’irresponsabilité concerne les actes du Député dans l’exercice de ses fonctions, l’inviolabilité, elle, le protège pour les actes étrangers à l’exercice de son mandat. Au cours d’une session parlementaire, si un Député est soupçonné d’un crime ou délit, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée Nationale de lever son immunité parlementaire. Le Parlement se prononce alors en séance plénière par une résolution. Toutefois, il serait intéressant de souligner que si l’inviolabilité couvre le Député contre des poursuites pénales pour crime ou délit, elle ne le protège que pendant les sessions parlementaires. Hors sessions, n’importe quel Procureur un tant soit peu courageux, peut le poursuivre et le traduire devant les Tribunaux avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée Nationale.
A signaler également, et cela a toute son importance, que le Député peut être arrêté en cas de flagrant délit. En l’occurrence, pour deux des Députés mis en cause, la justice peut invoquer le cas d’acte de flagrant délit. Autrement dit, n’eut-été l’extraordinaire discipline dont ont fait preuve les policiers de la circulation routière, agents de police judiciaire, et ce Lieutenant-colonel de l’armée, Officier de Police Judiciaire, l’acte qu’on reproche au Député de Yanfolila aurait pu lui valoir de dormir, cette nuit, derrière les barreaux.
Ce qu’il faut comprendre, dans tous les cas, c’est que ces trois Députés ne sont pas couverts par l’immunité parlementaire puisqu’aucune session parlementaire n’était en cours au moment de leur mise en cause.
Encore trop de tergiversations
Pourquoi, dans ce cas, continue-t-on de tergiverser ça et là ? Le président de la République promet à la moindre occasion de lutter contre l’incivisme et l’indiscipline. Et il ne doit pas être bien difficile d’«extrader» ces Députés de sous leur parasol immunisant de pouvoir législatif pour les confier au soleil ardent du pouvoir judiciaire. C’est ça surtout la séparation des pouvoirs, qui doit avoir cours.
Au lieu de cette procédure pas compliquée pour un sou, une certaine «presse» partisane et complaisante joue à jeter de l’huile sur le feu. Même pas en essayant de justifier et d’humaniser l’acte reproché à un certain Député agresseur, mais en tombant lamentablement dans l’intoxication et la désinformation. Sur fonds de menaces de radiation d’un policier, d’intimidation de son corps, de chantages à l’endroit de ses responsables.
Mais, ce qui est patent, c’est que le Syndicat de la police qui était cependant prêt à mettre de l’eau dans son vin, histoire de valider un simple fait divers, exigerait désormais non pas de simples et plates excuses (ce qui serait trop facile), mais des sanctions exemplaires et dissuasives, au bout d’une procédure régulière. Et ceci, pour que certains députés sachent qu’ils ne sont pas au dessus des lois. Même s’ils les votent.
Cheick TANDINA