Rétrospection : Il faut «sanger» la Constitution

0

La Constitution doit «sanger» (sic). C’est en ces termes que le président de la République a réaffirmé sa ferme volonté de procéder à «ses» réformes institutionnelles et politiques. Il l’a soutenu sur les antennes de RFI, le week-end dernier, en marge de la «Conférence de soutien à la Libye nouvelle» du président français Sarkozy.

Ainsi, malgré le tollé général de la classe politique hors Parlement, des organisations de la société civile et des syndicats, Amadou et Mariama entendent laisser leur empreinte indélébile dans l’histoire nationale. Les contestataires se sont réunis pour former un Mouvement qui, honnêtement et logiquement, aurait dû s’appeler «Touche pas à sa constitution», sa, étant mis pour Amadou Toumani Touré qui a promulgué l’actuelle Constitution en février 1992.

Le tollé, assez tardif, d’ailleurs, n’embarrasse pas outre mesure le chef de l’Etat. Il ne veut entendre et ne compte que sur la grande majorité «silencieuse» qui se présentera au cours d’un Référendum prévu l’année prochaine, probablement en même temps que l’élection présidentielle.

Les braillards et la majorité silencieuse
Ce tollé contre la révision de «sa» constitution, en plus de venir en retard, est quelque peu surprenant et laisse méditatifs plus d’un. Du moins, si l’on en croit les propos de certains membres du CARI, dont on n’a aucune raison de douter, qui ont eu à s’exprimer sur la question. Tous ont affirmé et continuent de réaffirmer que l’ensemble de la classe politique, des organisations de la société civile et des syndicats a été consulté régulièrement, pendant tout le processus, sur l’opportunité, la pertinence, la nécessité, l’adéquation et le cadre institutionnel de ces réformes. Tous autant qu’ils sont. En outre, le processus réformateur a commencé depuis belle lurette. Et pendant toutes ces années (2008, 2009, 2010), personne n’a entendu le moindre murmure en provenance des états-majors politiques, des sociétés civiles ou de la Bourse du travail. Attendaient-ils la phase active? Non, puisque celle-ci a commencé avec l’installation de la Commission de réflexion.

De toutes les manières, ATT a décidé de faire le sourd face à tous ces braillards et de se consacrer à autre chose. En l’occurrence, il était à Paris, et sera peut-être le 20 septembre à New York, pour se pencher sur la santé financière et l’avenir de la Libye nouvelle. Au moment de la prise de Tripoli débarrassée de son dictateur, le Gouvernement malien était en vacances et ne se préoccupait sans doute pas du sort des Maliens de Libye, dont plusieurs ont été enrôlés de force dans les rangs kadhafistes. Le fameux Gouvernement de mission n’a donc pas eu le temps matériel nécessaire de faire le bilan de la guerre entre troupes loyalistes, appuyées par des mercenaires, et les rebelles. Le Gouvernement malien, par conséquent, ne sait pas donc combien de Maliens son «ami et frère» Kadhafi a envoyés à la boucherie. C’est de Niamey qu’est venu un début de réponse. Un Touareg nigérien de retour du théâtre des opérations en Libye a confié à une consœur de RFI que plusieurs Maliens et Nigériens meurent au quotidien en Libye. Selon lui, au moins une quarantaine de Maliens et de Nigériens sont tués par jour. Calcul : la guerre libyenne dure depuis plus de six mois. Et, même si le «roi des rois» (également ex-futur président des Etats-Unis d’Afrique) est déchu de son trône, la guerre est loin d’être finie.

Exit Bahanga
Il y a un autre Touareg, également revenu de Libye avec armes, bagages et argent, qui, lui, n’aura plus l’occasion de s’exprimer sur les opérations en Libye et sur ses projets pour le nord du Mali. Ibrahim Ag Bahanga, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’est plus. Le saigneur de guerre est mort, vive le PSPSDN ! Ce programme a été conçu par ATT et ses amis occidentaux pour amorcer le développement du Nord-Mali et donner du travail à sa jeunesse désœuvrée afin de lutter efficacement contre le banditisme et le terrorisme. Autrement dit, contre Bahanga le bandit et Droukdel le terroriste.

La mise en œuvre effective du PSPSDN qui demande des milliards de FCFA, coïncide étrangement avec la mort du chef rebelle revenu de Tripoli. D’où cette interrogation qui brûle toutes les lèvres : accident ou attentat? La première thèse, après obtention de plusieurs indices et recueil de plusieurs témoignages sur le terrain, est la plus plausible : Bahanga aurait effectivement sauté sur une mine anti-personnel placé récemment sur un parcours qu’il n’utiliserait pas souvent. Toutefois, la deuxième thèse, l’attentat, n’est pas définitivement écartée par les enquêteurs. Mais, si elle s’avérait, il s’agirait ni plus ni moins d’un assassinat. Il est vrai qu’un Bahanga hors service est le souhait de bon nombre de Maliens, mais un Bahanga capturé et jugé à la régulière dans un procès équitable et conforme au respect des droits humains est nettement plus souhaitable dans un Etat qui se dit de droit.
Cheick TANDINA

Commentaires via Facebook :