Qu’est-ce qui fait courir nos généraux ? Ou plus exactement, qu’est-ce qui fait, depuis quelques temps, tant parler des officiers supérieurs des forces armées et de sécurité ? On aura beau gloser, se gargariser, conjecturer, pour l’heure, les véritables desseins du seigneur ATT sont impénétrables. Je vous ferai l’économie des invectives et des coups bas que s’assènent l’ancien Directeur de la police et deux officiers militaires pour m’investir sur un terrain qui s’annonce véritablement glissant, en posant une question basique : pourquoi l’ex-Premier Ministre fait-il autant, depuis sa sortie du Gouvernement, la Une de la presse ?
De cette question découlent d’autres interrogations : que veut son ancien maître ? À quoi joue-t-il ? Pourquoi sort-on maintenant toutes ces casseroles que traînerait Modibo Sidibé ?
A première vue, plus d’un observateur serait tenté de dire que l’ancien chef de Gouvernement fait les frais de ses prétentions, non encore officielles, de briguer la Magistrature. Pourtant, il en a les moyens, les capacités et l’expertise nécessaires, même s’il lui manque encore l’aura et le charisme adéquats. Modibo Sidibé est certes un homme de l’ombre, depuis 1991. Il n’en demeure pas moins que depuis cette date, il a occupé les plus hautes fonctions de
l’Etat, a manœuvré dans les rouages du pouvoir, sans discontinuer jusqu’à sa récente démission de la Primature. Il est également un homme de main, un ouvrier qui a travaillé inlassablement pour les autres, notamment pour les deux chefs d’Etat qui se sont succédés depuis le coup de force de 1991. Assurément, Modibo Sidibé est un homme d’Etat, qui a servi ses maîtres successifs et attend de ceux-ci la reconnaissance qu’il faut.
L’on ne comprend pas alors que le dernier en date, celui qui lui doit le plus et à qui doit le plus, ATT, s’évertue à lui glisser sous les bottillons des peaux de bananes. A moins que tout cela ne soit qu’un cinéma tape-à-l’œil, un écran de fumée dont le véritable objectif est d’amuser et de distraire les observateurs et les acteurs de la scène politique. En effet, et si tous ces limogeages de Directeurs des finances et du matériel, ces productions de rapports de vérification de la CASCA et du BVG, ces ouvertures d’informations judiciaires, ces histoires de véhicules saisis, bref, et si tout ceci n’était que du cirque ?
On pourrait le penser, effectivement au regard de certaines considérations. Partons d’abord du postulat que Modibo Sidibé, haut commis de l’Etat, Ministre, Secrétaire général de la présidence ou Premier Ministre est avant tout un homme de main, c’est-à-dire un exécutant qui ne pouvait rien décider ou faire de lui-même sans en avoir reçu l’autorisation, sans des ordres ou des instructions fermes et incontournables. Au point d’être effacé et détaché du citoyen ordinaire. D’où la nécessité de rendre populaire et crédible le plus tôt possible le candidat Modibo Sidibé. Une popularité qui lui était déniée, une crédibilité qui a largement été entamée par les nombreuses affaires étalées au grand jour ou étouffées dans l’œuf.
Ces affaires ne manqueraient pas d’être traitées autrement une fois que l’alternance politique se réaliserait véritablement. Il est en effet invraisemblable que l’opposition, formelle ou informelle, accepte de laisser certains dossiers sous le boisseau, comme ATT a eu à couvrir les arrières de son prédécesseur, comme celui-ci, Alpha Oumar Konaré, a fermé les yeux sur certaines irrégularités de gestion. Pour donner une tranquillité à ATT, rien de plus simple et aisé que d’élire à sa suite un homme acquis à sa cause. Et malgré toutes les lacunes du RACE et des possibilités de tripatouillages des résultats des urnes, Modibo Sidibé, tel quel, est loin de faire l’affaire.
Modibo par ci, Modibo par là, c’est tout ce que le pouvoir a trouvé pour lui assurer une certaine popularité. Même si celle-ci lui est plutôt défavorable car le mettant au centre d’affaires peu reluisantes, il faut faire avec. Il faut d’ailleurs faire nécessairement avec, car c’est cela même qui contribuera à asseoir la crédibilité.
En effet, estime-t-on, la publicité faite autour de ces affaires, grâce à des fuites savamment orchestrées, et la célérité avec laquelle la justice a été saisie ne procèdent que d’un autre objectif : «blanchir» le plus rapidement possible l’ancien Premier Ministre pour le rendre enfin présentable et fréquentable. C’est très certainement pour en juger de visu et discuter également d’autres choses avec lui que le président de la République a invité son ex-PM à se joindre au cocktail du dimanche 12 juin dernier (comme nous l’annoncions Prétoire N°41 du 09 juin 2011). En effet, il ne serait pas étonnant, dans les mois, semaines et jours à venir, de voir Modibo Sidibé acquitté de toutes les charges qui pèsent sur lui. Ce n’est qu’à ce prix qu’il pourra enfin jouir de la popularité et de la crédibilité qui lui font si défaut. Et grâce auxquelles on fera tout pour l’installer à Koulouba. Mais, c’est là la véritable gageure, parce que la classe politique s’organise déjà pour conjurer le sort.
Cheick TANDINA