Rétrospection : Amadou et ses généraux à l’œuvre

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Après une première réunion de diagnostic et d’évaluation, le 29 juillet à Bamako, le Comité de défense nationale (CDN) veut passer à la vitesse supérieure. Mardi 6 décembre, le CDN s’est à nouveau réuni, cette fois au grand complet, sous la présidence du chef de l’Etat, et a décidé de renforcer le dispositif sécuritaire dans le nord. Y seront associés, désormais, les acteurs du secteur touristique, les notables, les leaders communautaires, les élus, les opérateurs économiques. On peut, dès lors, croire que les autorités enclenchent, enfin !, la vitesse supérieure. Mais à entendre un communiqué d’AQMI diffusé trois jours plus tard par une agence de communication mauritanienne, le Mali avait déjà franchi le Rubicon. Dans ce communiqué qui revendique la détention de deux « espions » français enlevés à Hombori et de trois Européens à Tombouctou, AQMI entend faire payer au Mali sa subordination aux autorités françaises dans la lutte contre les moudjahidines et l’arrestation de plusieurs terroristes, et à la France son mauvais traitement envers les musulmans du Sahel.

Ce communiqué d’Al Qaïda au  Maghreb islamique a au moins le mérite d’apporter un cinglant démenti à plusieurs donneurs de leçons, dont principalement l’Algérie, la France, les USA, la Mauritanie, selon lesquels les autorités maliennes ne font rien, ou presque, pour s’opposer efficacement aux combattants d’AQMI qui ont, il est vrai, investi le nord malien où ils sont installés en seigneurs. Ce communiqué, qui par ailleurs, décline toute responsabilité dans l’enlèvement d’humanitaires européens sur le sol algérien, a également le mérite d’éclairer les uns et les autres sur le vrai visage de notre voisine l’Algérie, qui défend si bien son territoire qu’il n’est pas donné à n’importe quel terroriste de quitter le Mali pour aller enlever des Européens au nez et à la barbe des forces armées et de sécurité algériennes. Ce qui induit que l’Algérie peut bien, si elle le juge nécessaire, interdire son territoire aux terroristes. Dans ce cas, comment font donc leurs protégés, ex-combattants de la rébellion armée malienne, pour enlever des touristes ou des humanitaires au Niger ou en Mauritanie, traverser le territoire algérien, et venir les vendre aux terroristes d’AQMI cantonnés dans le Sahara malien ? Comment les ex-combattants touaregs enrôlés dans les brigades du colonel Kadhafi ont-ils fait pour traverser le territoire algérien avec de l’armement lourd, des tonnes de munitions et d’explosifs, des dizaines de véhicules tout-terrain, et divers autres matériels ? La réponse à ces deux questions est fort simple: les Touaregs, ex-rebelles armés ou ex-combattants de Libye, bénéficient de solides alliances et complicités chez le voisin. On s’était longtemps posé des questions sur le mode et les voies de ravitaillement de terroristes retranchés de tout, tout en sachant également qu’ils ne se nourrissent et ne s’équipent que de produits en provenance de l’Algérie.

Par ailleurs, ce sont les autorités algériennes qui ont été parmi les premiers à attirer l’attention des Maliens sur de nouveaux risques de rébellion. Il est vrai qu’en règle générale, notre voisin du nord est toujours informé avant tous sur les préparatifs de rébellion ou d’insurrection puisque le tout se prépare d’abord sur son territoire, lequel sert également de base arrière et de tremplin. Il est vrai également que des centaines d’ex-combattants sont rentrés de Libye avec armes et bagages. Mais il est vrai aussi que même s’il y a un risque réel d’embrasement de la zone, vu l’état de délabrement et de dénuement dans lequel ces ex-combattants se sont enfuis ou sont rentrés volontairement, leur nombre et leurs capacités ont été délibérément exagérés. Par qui ? Visiblement par quelques chefs de communautés touaregs et arabes, par quelques médiateurs qui sont soucieux de se sucrer en passant. Il y a longtemps qu’ils n’ont pas bénéficié des ristournes déboursées par les Européens en rançon.

Un de ces médiateurs professionnels aurait déménagé dans le maquis avec femmes et enfants pour fuir le courroux des Américains qui auraient décidé de le traquer pour terrorisme et narcotrafic. D’autres s’activent sur le terrain et à Bamako pour que leurs menaces d’aller en rébellion soient prises en compte et qu’ils soient casés aux frais de l’Etat. Mais en tout état de cause, ils ne seront réellement dangereux que lorsqu’ils seront vraiment pris en main par leurs officiers traitants. Ce qui ne manquera pas maintenant que les autorités maliennes savent qu’AQMI les craint plus que les Algériens, qu’elles sont véritablement les maillons forts de la chaine non encore tendue de la chasse au terroriste. Alors, ces ex-combattants deviendront réellement une menace. Ce qui ne saurait tarder au vu des derniers développements dans les affaires de prise d’otage et du rôle réel du Mali dans la lutte antiterroriste.

Cheick Tandina

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