Amadou se serait-il lassé des parlottes interminables du Syndicat très fermé des chefs d’Etat africains ? En tout cas, on pourrait le penser, vu que jeudi dernier, c’est la compagnie des femmes qu’il a choisie. Et quelles femmes ! Toutes des Premières dames africaines. Ce jour, en effet, alors que Mariam faisait office de simple spectatrice, Amadou a présidé la cérémonie d’ouverture de la rencontre des épouses des chefs d’Etat d’Afrique de l’ouest et du centre. Et contrairement à ses habitudes, il a été très avare en paroles et en plaisanteries. Sans doute parce qu’il était encore bouleversé et préoccupé par la mort mystérieuse (en tout cas pour le citoyen ordinaire) d’une bonne demi-douzaine d’élèves officiers de l’EMIA, ou parce qu’il n’est pas habitué à se retrouver devant un si grand parterre de bonnes femmes, ou tout simplement parce qu’il ne savait pas quoi dire, en matière de blagues, sur les sujets à traiter. Sujets qui relèvent plutôt du domaine de sa tendre moitié, Lobbo Traoré, femme sage nationale.
Elle et ses homologues avaient à cœur d’évaluer le parcours de la lutte contre la mortalité et la morbidité maternelle (et infantile) et néonatale à l’horizon 2010, c’est-à-dire dix années après le lancement de l’initiative, ici même à Bamako, prise par l’ex-Première dame, Adam Bâ Konaré. Aux dires d’Amadou et des conférencières, il y a eu des avancées, notamment en ce qui concerne la gratuité des ARV (anti rétro viraux) contre le Sida, des médicaments pour certains malades du paludisme, de la césarienne, etc.
Après le départ, les Premières dames ont continué à palabrer devant les dames, les grandes dames, et quelques jeunes filles. Toutes principalement s’emploient, dans des ONG, projets nationaux, agences spécialisées à faire du lobbying en faveur de leurs «sœurs» du village, «fragiles et marginalisées» au nom desquelles elles soutirent d’importants fonds à quelques bailleurs de fonds désireux de se payer une bonne conscience à peu de frais. Ces égéries et vamps sont en réalité les principales bénéficiaires de la générosité des Blancs. Mais qu’importe, les Premières dames ont leur Fondation qu’elles espèrent elles-aussi alimenter grâce à l’activisme et à l’imagination de leurs spectatrices et inspiratrices, dont des Députées, une ex-candidate à l’élection présidentielle, des femmes Ministres, des Mairesses. En ces temps modernes, on appelle cela le partenariat donnant-donnant.
Mais sur le continent, il y a une femme qui a compris qu’être épouse de chef d’Etat, c’est jouer en réalité les seconds rôles. C’est pourquoi elle a choisi d’être la seule et unique vraie Première dame d’Afrique dans sa totalité. Elle juge inutile et futile de participer au club des épouses de chef d’Etat, pas seulement parce qu’elle n’en est pas une, mais surtout parce qu’elle est La Présidente. Ellen Johnson-Sirleaf est en effet la seule et unique femme chef d’Etat du continent, et son mari est le seul et unique Premier monsieur du continent. Mais, vous comprenez aisément que ce n’est pas son mari qui viendra, comme celui de Lobbo, se perdre dans une assemblée de bonnes femmes. Et vous comprenez également qu’elle-même n’a pas le temps à perdre sur un tel théâtre burlesque. Elle a trop de choses à faire dans son pays ravagé par de longues années de guerres civiles, où la faim et la misère font leur lot quotidien de victimes, un Etat et une Nation à reconstruire. Dans la paix pour le développement. Et pendant que ces bonnes blablataient à Bamako, un comité de sages se réunissait à Oslo (Norvège), à des dizaines de milliers de kilomètres du Mali et du Liberia pour décerner à Ellen Johnson-Sirleaf le prestigieux prix Nobel de la paix. Un prix qu’elle partage avec deux autres vraies dames. Ces trois ne sont-elles pas en réalités les seules vraies Premières dames d’Afrique ? Certains le croient et souhaitent que cette appellation de Première dame ne soit appliquée qu’aux seules femmes qui contribuent vraiment au progrès et à l’essor du continent et, partant, de l’humanité entière. Qu’aux seules femmes qui luttent efficacement pour l’émancipation, la promotion et la protection de la femme, qu’elle soit urbaine ou rurale.
Mais, si l’on se mettait à écouter et, surtout, à suivre les recommandations de ces oiseaux de mauvais augure, la profession: Première dame n’aura plus tout son sens. Après tout, c’est es qualité qu’elle bénéficie de fonds pour perpétuer la mode des Fondations grâce auxquelles quelques parents démunis envoient leurs enfants à l’école ou les inscrivent dans des cours de rattrapage, quelques pauvres gagnent des repas pendant le ramadan.
Vive donc la profession: Première dame.
Cheick TANDINA