Au bout de quatre "guerres puniques" contre la cité forteresse d’Afrique du nord, le Senat envoya Scipion l’Africain qui vainquit Hannibal à Zama. Au cours d’une bataille épique digne de la prise de Troie par les Achéens, les légionnaires romains saccagèrent, pillèrent et incendièrent la ville de Carthage. Ils tuèrent jusqu’aux coqs des Carthaginois, réduisirent leurs femmes à l’esclavage. Puis, non contents de leur victoire, les Romains imposèrent à leurs ennemis les dures conditions de l’humiliation du vaincu. Ainsi, non seulement les Carthaginois ne devaient plus élever des éléphants (fer de lance de leur armée) mais en plus, ils ne devaient ni lever des troupes, ni livrer une guerre sans l’aval de Rome. Ironie de l’histoire, à quelques siècles de distance, c’est le même sort que l’armée romaine avait subi après sa cuisante défaite face aux Samnites. Pour mieux humilier les soldats romains, ceux-ci les obligèrent à passer sous les Fourches Caudines, un col étroit de la vallée du Samnium.
A l’URD, parti qu’on dit de la poignée de mains et à une autre échelle, veut-on infliger à Oumar Ibrahim Touré, le 2ème vice-président, le même sort qu’à Hannibal ? Peu s’en faut car les nouvelles mesures prises à son encontre et contenues dans une "feuille de route" signée par Younoussi Touré constituent, à n’en pas douter, une camisole de force taillée à sa seule mesure. Qu’on en juge plutôt. Les conditions imposées à Oumar Ibrahim Touré, un militant de la première heure et un baron du parti, relèvent de la pure humiliation. Il lui est notamment instruit de déclarer, et cela dès maintenant, qu’il reconnait le leadership de Soumaïla Cissé comme potentiel candidat de l’URD à la présidentielle de 2012 ; il lui est en plus demandé de démanteler tous les clubs de soutien qui portent son nom sur toute l’étendue du territoire national ; qu’il cesse aussi de parrainer, voire de paraître lui-même dans les manifestations sportives et culturelles qui ne sont pas organisées sous l’égide du parti. La liste des interdits n’est pas exhaustive. Et tout cela pour faire place nette au propriétaire de l’URD, Soumaïla Cissé, qui se comporte comme un parrain de la mafia de Sicile et dont on dit qu’il est atteint de la démangeaison terrible de devenir un jour le président de la République du Mali.
On est seulement sidéré à l’idée de voir que des méthodes staliniennes sont encore en vigueur dans un parti prenant ses racines dans la révolution démocratique de mars 1991. "De la dictature au sein du parti" les caciques de l’URD nous en donnent un bon exemple. Et voilà Oumar Ibrahim Touré devenu un paria au sein de sa propre famille politique. C’est pire que d’être déclaré persona non grata. Pour tout dire et à défaut de le bannir comme en régime communiste, on veut tout simplement l’exclure du parti. Apparemment, il ne suffit pas que l’homme ait fait son mea culpa lors du septième anniversaire du parti à Mopti et fait presque acte d’allégeance à Soumaïla Cissé. Il ne suffit pas non plus qu’il a écopé d’une suspension de trois mois pour "travail fractionnel". A présent, on veut le traîner dans la boue comme un malpropre. L’adage est bien connu, qui veut tuer son chien l’accuse de rage. La politique étant la continuation de la guerre par d’autres moyens, Soumi veut abattre cet empêcheur de se présenter à la présidentielle en rond. Pourtant, comme velléité, Oumar Ibrahim Touré n’avait d’yeux que pour la présidence du parti. Il avait alors oublié que le parrain avait tout verrouillé et flanqué un cerbère aux portes de l’enfer. Aussi perdra t-il la guerre des Touré. Avec Younoussi, la maison est bien gardée en attendant le retour prochain du boss. Younoussi, c’est la voix de son maître, un garde-chiourme. Dans ces conditions, quelle alternative reste t-il à Oumar Ibrahim ?
Enfiler cette camisole de force en passant sous les Fourches Caudines ou sortir par la grande porte en jetant aux orties la tunique de Nessos ?
Mamadou Lamine DOUMBIA