Ayant piqué une crise de folie Héraclès tua sa première femme Mégara et les enfants qu’elle lui avait donnés. Identifié par les latins comme Hercule, l’oracle de Delphes lui infligea un châtiment sévère en le condamnant à exécuter douze travaux. Ce sont : étrangler le lion de Némée ; tuer l’hydre de Lerne ; capturer le sanglier d’Erymanthe ; capturer la biche de Cérynie aux pieds d’airain ; abattre les oiseaux du lac Stymphale ; dompter un taureau furieux qui désolait la Crète ; s’emparer des juments du roi de Thrace , Diomède ; prendre sa ceinture à Hyppolyte, reine des Amazones ; nettoyer les écuries d’Augias en y détournant un fleuve ; capturer les bœufs de Géryon ; s’emparer des pommes d’or du jardin des Hespérides ; descendre en enfers pour capturer Cerbère.
Parmi ces douze travaux, ATT a choisi de nettoyer les écuries d’Augias en détournant le cours du fleuve Djoliba. Nettoyage à grande eau pour ne donner aucun répit aux prédateurs. Mais à un an seulement de son départ les gens se demandant qu’est-ce qui fait courir le président ? Il court vite alors que rien ne sert de courir, il faut partir à point. Il veut rattraper le temps perdu pendant que le temps perdu ne se rattrape pas. Il est surpris par le temps, pour lui dix ans c’est dix jours. Et il chamboule tout, met tout sens dessus dessous, confond vitesse et précipitation. ATT le réformateur, le populiste, le révolutionnaire ou l’anarchiste? En tout cas, au train où vont les choses, cela donne le tournis même aux observateurs les plus avisés. Alors ils disent : ne fallait-il pas commencer plus tôt au lieu de mettre le monde à l’envers ? Les plus lucides répondent que mieux vaut tard que jamais. En effet, l’adage dit qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. ATT vient d’imprégner une nouvelle phase au kokadjadjè tant réclamé par les barbudos de mars 1991 en passant à la vitesse supérieure. L’un des épisodes de cette croisade est illustré par les joutes oratoires qui ont opposé jeudi dernier à Bagadadji le brillant député Parena Konimba Sidibé au tout aussi brillant ministre de la Communication, Sidiki N’Fa Konaté.
L’ancien DG de l’ORTM, qui vient à peine de poser ses bagages dans les hautes sphères de l’Etat, est déjà au four et au moulin. La fonction de ministre, de surcroît porte-parole du gouvernement, n’est pas une sinécure. C’est lui qui ramasse les pots cassés, défend l’indéfendable, se fait l’avocat du diable. Avant lui, à part Bakary Konimba Traoré, aucun autre ministre n’a rempli correctement cette fonction. Son baptême du feu, Sidiki l’a fait à la primature avec les marcheurs de l’AMO. Ça lui a donné des sueurs froides. Sur le problème des DAF, on aurait pu croire que Konimba Sidibé allait interpeller le ministre des Finances de qui ceux-ci relèvent mais il a préféré prendre à partie le porte-parole du gouvernement dont le devoir est de rendre compte des délibérations du Conseil des ministres.
C’est une mauvaise querelle parce que le député du Parena est le seul Malien à défendre le dossier des DAF certainement parce qu’il y compte des amis. Ces gens-là étaient devenus les sangsues du peuple. Ils étaient plus puissants que leur propre ministre. Ils prêtaient l’argent du peuple aux opérateurs économiques pour en retirer des dividendes. Ils ont construit des châteaux à coups de centaines de millions de nos francs. Ils possèdent des vergers à n’en plus finir. Comment le député Konimba Sidibé peut-il expliquer autrement la dissipation de 2 milliards de FCFA au Fonds mondial du ministère de la Santé. Tout y passe : faux frais de missions, surfacturations, marchés non exécutés, ouverture de comptes par-ci, par-là.
Et quand Sidiki Konaté parle de l’abrogation du décret de leur nomination ou de leur limogeage, il fait encore preuve de retenue. Il ne s’agit même pas d’un néo-maccarthysme dont Sidiki serait le bras séculier mais de la chasse aux crapules. Au nom du principe de la mobilité des agents de l’Etat doit-on permettre qu’un seul homme s’incruste à son poste pendant dix ou vingt ans, surtout là où il y a le nerf de la guerre ? C’est dangereux pour un pays qui veut pratiquer la bonne gouvernance pour faire des performances. En outre, la routine est la meilleure ennemie de l’homme, elle le transforme en un monstre hideux difficile à combattre.
Aussi, comme l’a dit le porte-parole du gouvernement, le renouveau de l’action publique passe nécessairement par le nettoyage des écuries d’Augias. A un an de son départ, ATT a décidé de donner un grand coup de balai dans la termitière et cela dans tous les domaines. Il s’agit de donner un second souffle au gouvernement de mission mis en place pour préparer la relève, relancer la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Sont concernés tous ceux qui sont assis devant la caverne d’Ali Baba et non les seuls DAF comme veut nous le faire croire Konimba. A commencer par le Premier ministre Modibo Sidibé et son gouvernement qui ont été renvoyés presque comme des malpropres. En passant par la douane, les impôts, les marchés publics etc. Le président est en train de mener une opération de salut public. Lui qui disait qu’il ne veut pas humilier les chefs de famille, a fini par prendre les prédateurs par les cornes.
Mamadou Lamine DOUMBIA MLD