Un adage dit qu’on ne fait pas le bonheur de quelqu’un contre son gré. Un autre adage dit qu’on ne rase pas la tête de quelqu’un sans son consentement. Pourtant, c’est le sort qui arrive aujourd’hui au Premier ministre malien Modibo Sidibé. Malgré que celui-ci soit muet comme une carpe et sage comme une image, certains ne lui souhaitent que plaies et bosses tandis que d’autres veulent le faire entrer en paradis. Et cela malgré lui. Entre flagorneurs et détracteurs, la surenchère monte et cela à coups d’arguments massus.
Pour les adeptes du surréalisme et de la politique fiction Modibo Sidibé est le dauphin d’ATT. En le mettant à la primature mais surtout en refusant de faire un remaniement ministériel pour le gommer, le président lui offre un tremplin idéal pour prendre les rênes du pouvoir en 2012. Prenant des vessies pour des lanternes, certains jurent même par tous les saints que c’est le jocker caché du PDES et que le bouillonnant Ahmed Diané Séméga s’effacera au moment opportun pour lui faire place nette. Où est donc passé Ahmed Sow le père du PDES, le programme économique et social du président ?
De charlatanisme en divination, la dernière trouvaille des sorciers du village consiste à dire que Modibo Sidibé sera le candidat de l’Adema à la présidentielle prochaine. A défaut d’arguments, ils avancent mille arguties pour transformer leur rêve en réalité. Comme par exemple lorsqu’ils disent que le Premier ministre est membre du parti de l’abeille pour aussitôt se démentir en affirmant qu’il prendra bientôt sa carte de militant de ce parti en commune III. Quel bel exemple d’opportunisme politique quand un militant de la 25ème heure veut venir bousculer la hiérarchie, trinquer avec ceux qui ont trimé. La ruche est déjà bourrée d’ogres affamés, assoiffés de pouvoir et à l’appétit pantagruélique qu’ils ne laisseront place à aucun intrus pour leur ravir leurs brebis. Les spéculations sont telles que la ruche serait même divisée entre pros et anti-Modibo. Quelle aubaine pour un profane politique qui se délecte depuis sa chair de ce spectacle pitoyable.
Mais la messe n’aura été que de courte durée. Aux spéculateurs Dioncounda a rabattu le caquet en affirmant que le Premier ministre Modibo Sidibé ne sera pas le candidat de l’Adema en 2012. Qui osera discuter désormais les avis du grand timonier, celui qui tient fermement la barre depuis le départ d’IBK en l’an 2000 ? Certes timide et même timoré au départ il a, au fil du temps, raffermi son autorité en maîtrisant ses troupes. Zeus ou Kim Il Sung, il multiplie les châtiments à l’encontre des fautifs comme le fit naguère le père des dieux à Olympie en précipitant les Titans après leur révolte dans le Tatare, en condamnant Promethée à avoir le foie éternellement rongé par un vautour pour avoir donné le feu aux hommes, en condamnant Atlas à porter le globe sur la tête. Des dissidents de la ruche qui ont eu la tête tout près du gibet ne s’amuseront plus avec la discipline au sein du parti. Et lorsque Dioncounda dit que l’Adema aura son propre candidat en 2012, il faut prendre ces propos comme parole d’évangile. Car manifestement les abeilles regrettent énormément d’avoir perdu le pouvoir en 2002. Mais à qui la faute si elle se sont fait hara kiri. Elles en ont aussi assez de tirer le diable par la queue. Après avoir fait acte d’allégeance à un seul homme, fut-il extraordinaire, elles ne veulent plus retomber dans un piège aussi grossier. Cependant, toute précaution est de mise car le même Dioncounda nous a habitués à des déclarations fracassantes.
Pour justifier son suivisme ne disait-il pas alors que ATT est membre de l’Adema et qu’il a la carte du parti? Face à une affirmation aussi ridicule, le général lui-même a dû rire dans sa barbe. Il ne s’arrêtera pas en si bon chemin comme pour mieux vendre son âme au diable lorsqu’il déclara que c’est pour éviter que la justice, la police, les impôts d’ATT ne se lancent aux trousses des barons de la ruche. Quel aveu de détournement de deniers publics? De la connivence entre les milieux d’affaires et le sommet de l’Etat, personne se sait encore aujourd’hui comment a été résolue l’affaire des motos de Bakoré Sylla pour la campagne présidentielle de Soumaïla Cissé portant sur la bagatelle d’environ un milliard de FCFA. Or en matière d’argent, une faute, même avouée, n’est pas à moitié pardonnée.
Pauvre Modibo Sidibé qu’on veut traîner inutilement sur la place publique pour des intérêts sordides. Le Premier ministre d’ATT est certes un bon flic de service et un grand commis de l’Etat mais on ne lui connaît aucun passé de militant dans aucun parti politique. Et s’il veut participer pleinement aux prochaines joutes électorales, rien ne sert de courir, il faut partir à point. A moins que Dioncounda par une de ses pirouettes dont il a seul le secret ne dise à la dernière minute : «le Premier ministre Modibo Sidibé est un militant de l’Adema, il a la carte du parti». Les militants, on les fabrique à la pelle à l’Adema pour les besoins de la cause mais là personne ne croît au miracle.
Mamadou Lamine DOUMBIA