Le mensonge peut courir pendant un siècle, la vérité finit toujours par le rattraper. Ce dicton est particulièrement vrai s’agissant de la juteuse affaire du Fonds mondial qui défraie la chronique depuis l’an dernier. Et pour avoir levé ce gros lièvre certains inquisiteurs et non des moindres nous ont fait un procès en sorcellerie.
Pendant que certains allumaient le bûcher pour nous faire descendre aux enfers comme Thésée, d’autres dressaient le gibet pour nous prendre haut et court. Les arguments aussi farfelus les uns que les autres pleuvaient comme l’une des douze plaies d’Egypte. Les uns disaient que L’Indépendant est un repaire d’apatrides qui ternissent l’image du Mali à l’étranger, les autres affirmaient que notre collaborateur Mamadou Fofana, l’homme par qui le scandale a été porté sur la place publique, est aussi perfide vis-à-vis de son bienfaiteur que Ganelon envers Charlemagne ou Judas à l’égard du Christ. Et que c’est un revanchard qui veut étancher sa soif pour avoir été viré de son poste de Chef de Cabinet. Ainsi, une rocambolesque affaire d’Etat a été ravalée au rang de querelles de clochers. Heureusement que le chien aboie mais la caravane passe. Tout au long de ce dossier, les lecteurs qui sont intelligents ont su faire la part des choses. Grâce à la tournure prise par les événements, ils savent désormais que notre quête quasi-obsessionnelle de la vérité ne sera pas un coup d’épée dans l’eau
En effet, pour l’une des rares fois en matière de lutte contre la corruption et la délinquance financière, la justice malienne vient de se livrer à la chasse au gros .Après avoir pris dans la nasse comme à son habitude les menus fretins, elle vient de pêcher un grand dignitaire de la République, l’ex ministre de la Santé Oumar Ibrahim Touré, considéré comme le principal instigateur de toute cette affaire. Il n’en pouvait pas être autrement car le poisson pourrissant par la tête, l’opinion comprenait mal qu’on jette la piétaille au fond du trou pendant que le Capi se promène en villégiature dans le monde.
A présent finie la cavale, le châtelain de Goundam, tout comme ses comparses, vont boire le calice jusqu’à la lie. Les motifs de leur inculpation sont gravissimes : crime d’atteinte aux biens publics, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, favoritisme et complicité de favoritisme .C’est la ruine totale pour un homme qui aspirait peut-être, un jour, à un destin national car n’oublions pas que Oumar Ibrahima Touré est, avant tout, le deuxième vice- président de l’URD, un parti qui compte sur l’échiquer politique national. Depuis le début de cette affaire, les dirigeants de l’URD, à commencer par Soumaïla Cissé, ont eu la sagesse de ne pas s’aventurer dans ce sale dossier au risque de ternir l’image de leur formation. Au contraire, sa mise au frigo éloigne du parrain un empêcheur-de-briguer-en-rond la magistrature suprême du pays.
Mais au-delà de l’inculpation d’un seul homme, il faut dire que la lutte contre la corruption et la délinquance financière a amorcé un virage décisif. Dans ce cadre l’affaire de la BHM dont le boss est au gnouf a été un déclic salvateur. ATT a décidé que jamais les prédateurs, les sangsues du peuple et les fossoyeurs de l’économie nationale ne soient plus mis à l’abri. Et pour une fois que le juge se passe de l’argent sale, cela donne des résultats probants. Vive Sombé Théra, pourvu que cela dure ! Dans le cas présent, c’est quand même un crime contre le genre humain que de bouffer l’argent des malades. Maintenant que vont faire les sidéens, les séropositifs, les tuberculeux, autres paludéens, le Mali ne parvenant pas à reconstituer les fonds dilapidés ? Alors qu’ils rendent tous gorge ou qu’ils soient voués aux gémonies (dans la Rome antique escaliers situés au flanc du Capitole ou étaient exposés les corps des suppliciés). Parce que tous sont d’accord que l’impunité est la principale cause de l’aggravation du phénomène. Même un pauvre chef de famille qui bouffe doit être mis au frais.
L’Etat n’est pas une vache à lait. Certains ne doivent pas trimer pendant que les autres trinquent. Les prédateurs ne doivent pas avoir pignon sur rue. Quoiqu’on dise du général, il en était de même au temps du Comité militaire où Moussa avait créé une commission nationale de lutte contre les crimes d’enrichissement illicite. Cette commission était présidée par le colonel Joseph Mara (père du maire de la commune IV) qui passera plus tard lui aussi à la trappe. Le généralissime était même prêt à se séparer de certains de ses anciens compagnons comme Kissima Doukara qui avait fait main basse sur le trésor du peuple.
C’est une mesure courageuse qui bannit le copinage et le coquinage, une autre cause de l’aggravation du fléau de la corruption. ATT doit donc faire preuve de plus de courage en adoptant la doctrine de feu Sada Sy (paix à son âme) selon laquelle un responsable est un homme qui sait prendre des décisions courageuses même impopulaires.
Mamadou L. DOUMBIA