La crise de la dette qui se propage dans la région, est protéiforme : financière, politique et sociale.
Après une “annus horribilis” 2011, 2012 s’annonce comme l’épreuve de vérité pour l’euro qui, pour ne pas exploser, doit impérativement surmonter la vague de défiance sans précédent dont il fait l’objet une décennie après être arrivé dans le portefeuille des Européens. Après avoir longtemps choisi la politique de l’autruche sur le sujet, les dirigeants européens regardent désormais ouvertement le précipice qui menace. La crise de la dette “peut tout emporter”, a prévenu le président français Nicolas Sarkozy le 1er décembre dans un discours aux accents alarmistes. “Que restera-t-il de l’Europe si l’euro disparaît, si le cœur économique de l’Europe s’effondre ?”. Partie de Grèce il y a deux ans avec la révélation brutale de l’ampleur des déficits publics jusque-là dissimulée, la crise de la dette a par la suite gagné le Portugal et l’Irlande, pays encore considérés comme “périphériques”. Mais l’année 2011 a marqué une accélération dramatique de la contagion. Désormais, la crise frappe à la porte du noyau dur de la monnaie commune : l’Italie et l’Espagne se voient exiger à leur tour des taux d’intérêt insoutenables sur le long terme pour emprunter auprès des investisseurs.
La France et même l’Allemagne, qui se pensait à l’abri, sont à présent sous la menace des agences de notation. Depuis 2007, la crise demeure la même mais elle est protéiforme : financière d’abord, partie des Etats-Unis, puis économique avec la récession et la panique autour de l’endettement, politique et sociale aussi aujourd’hui. Elle a fait chuter au moins six chefs de gouvernement sur le Vieux continent : Georges Papandréou en Grèce, Silvio Berlusconi en Italie, José Luis Rodriguez Zapatero en Espagne, Brian Cowen en Irlande, José Socrates au Portugal, Iveta Radicova en Slovaquie. Les partis populistes ont le vent en poupe, tandis que la gauche française est agitée par une poussée de fièvre germanophobe. Partout, les gouvernements en place tremblent. Car dans la rue, la grogne sociale monte face aux plans de rigueur généralisés. De surcroît, en Italie comme en Grèce, des “technocrates” ont remplacé les “politiques” aux commandes sous le regard attentif de la Commission européenne et du Fonds monétaire international. L’année prochaine sera déterminante car la zone euro n’a pas financièrement les reins suffisamment solides pour aider à la fois l’Espagne et l’Italie. Or, l’épreuve du feu arrivera très vite puisque Rome doit trouver, pour l’ensemble de 2012, quelque 400 milliards d’euros, dont 150 milliards dès le premier trimestre, en février et mars. Soit la zone euro parvient début 2012 à mettre en place un pare-feu convaincant qui permette ne serait-ce qu’un début de détente des taux, soit l’euro risque d’éclater via la sortie de pays fragiles. Les partisans de cette option radicale donnent de la voix.
L’ancien commissaire européen néerlandais Frits Bolkestein estime qu’un “éclatement de l’euro est inévitable” car le fossé est trop grand à ses yeux entre le Nord de l’Europe qui croit à la discipline budgétaire, et les pays “méditerranéens” qui voudraient “des solutions politiques aux problèmes économiques”. Hors de la zone euro, les banques britanniques ont été priées par leur autorité de surveillance (FSA) de mettre en place des plans de précaution pour affronter les “pires” scénarios. Aux Etats-Unis ou en Asie, des entreprises se préparent aussi déjà à la fin de la monnaie commune. Depuis deux ans, il est vrai, la réponse européenne n’a pas convaincu. “Trop peu et trop tard”, estime l’ancien président français de la Commission européenne Jacques Delors. Les dirigeants européens prévoient dans l’immédiat un “bond en avant” de leur intégration afin de corriger la tare de naissance de l’euro : une monnaie unique sans union politique. Il s’agira surtout de durcir la discipline avec droit de regard européen accru sur les budget nationaux. La France et d’autres espèrent que cela donnera les coudées franches à la Banque centrale européenne – seule vraiment à même d’éteindre l’incendie grâce à sa puissance de feu financière potentiellement illimitée – pour aider davantage les pays fragiles.