La Conférence d’entente nationale a pris fin dimanche dernier. Une semaine durant, toutes les composantes du pays se sont parlé. “Elles ont parlé du Mali et elles ont débattu de ce qui devrait l’être dans cette Conférence d’entente nationale”, a déclaré le président de la commission nationale préparatoire, Pr. Baba Akhib Haïdara.
S’ils étaient nombreux à avoir raté le train (voir le bateau) au départ le 27 mars dernier, ils ont presque tous embarqué avant la gare intermédiaire. Y compris la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et l’opposition politique qui avaient tout fait pour obtenir le report. Même les représentants des réfugiés maliens en Mauritanie, au Burkina Faso et au Niger étaient présents.
L’engouement a été tel que les prévisions de 300 participants ont été triplées. Comme l’a rappelé IBK à la clôture, “les arrivées qui se sont succédé durant toute la semaine ont une unique signification : la volonté de participer à la recherche de solutions maliennes à des urgences maliennes. Elles ont une unique justification : l’affirmation d’une véritable entente nationale sur les priorités nationales”.
La CEN est en effet devenue une étape intermédiaire puisque que la CMA a exigé et obtenu qu’elle n’aboutisse pas à l’élaboration d’une Charte pour la paix, la réconciliation et l’unité. Tout comme elle a imposé que le contenu du mot Azawad soit définitivement fixé dans un autre cadre qui lui sera certainement plus favorable que la CEN.
Mais, il doit être clair, pour la Coordination et la communauté internationale qui la parraine, que les Maliens sont attachés à la paix et à l’unité nationale du Nord au sud et d’Est en ouest.
Pendant les assises, des voix ont ainsi mis en évidence “la volonté d’unité nationale profondément ancrée dans l’esprit” des Maliens. Elles ont souligné que “notre vivre ensemble, même ébranlé, reste notre plus grande assurance de repartir de l’avant. Elles ont exprimé la combattivité de citoyens qui, malgré l’épreuve, gardent le cœur ardent”, le président IBK dixit.
Ainsi, aux yeux de la grande majorité des Maliens, en adhérant à l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, les rebelles prenaient l’engagement d’enterrer tous leurs projets de partition de la République du Mali.
L’Azawad ne peut alors avoir aucune portée politique ni administrative. Et cela d’autant plus que même l’Adrar des Ifoghas ne se reconnaît pas entièrement dans cette revendication à fortiori l’ensemble du septentrion malien.
En définitive, on retient également que le Mali souffre de sa gouvernance et de ses dérives comme la corruption, l’arbitraire et l’impunité. Mais, il est clair que la Conférence n’y apportera pas une solution définitive tant que nous n’aurons pas opté pour la transparence, la redevabilité et la justice…
Malgré la poussière de l’harmattan sur la capitale et les tempêtes de vents de sable sur le fleuve Niger, le bateau de la réconciliation nationale a atteint son premier port d’attache sans chavirer : la rédaction des éléments constitutifs des la Charte tant attendue.
Une preuve, si besoin en était, qu’entre Maliens, nous sommes capables de nous parler ouvertement, de nous regarder en face pour discuter des sujets qui fâchent sans nous entre dévorer comme des servals affamés. Une preuve de grande maturité du peuple malien que la communauté internationale n’a plus le droit d’occulter au risque de sa propre perte.
Et comme le conseille le président de l’Association des ressortissants de Gabéro (ARG), Abdourhamane Dicko, nous (Maliens) ne devons pas “cracher sur les résultats de la Conférence d’entente nationale. Ils ne sont pas à rechercher dans les grands concepts et promesses, surtout pas dans l’obtention d’un consensus sur l’Azawad comme entité politique ou juridique”.
Mais, indique-t-il, dans “cette capacité des Maliens et des Maliennes à se retrouver pour évoquer leurs préoccupations dans la diversité. Elle réside aussi dans la reconnaissance des préoccupations communes, indépendamment de la région ou du lieu de vie”.
Et, conclut M. Dicko, “l’autre résultat est la nécessaire réconciliation de l’Etat avec les populations, donc des gouvernants avec les gouvernés appelant au renforcement de la redevabilité, à la promotion du mérite et à la sanction de la faute”.
Baba Akhib transmet le témoin à IBK
Le Pr. Baba Akhib Haïdara et son équipe, à qui la nation doit une fière chandelle pour leur persévérance et leur sens de l’ouverture, passent la commande au président de la République pour conduire (en passant du train à Kayes au bateau à Gao puis à dos de chameaux pour rejoindre Ménaka, Taoudéni et Kidal) pour la destination finale : l’Entente nationale !
“Une fois que j’aurais reçu les recommandations de la Conférence, je déciderai du cadre, des modalités et de l’agenda de son élaboration définitive ainsi que de son appropriation par l’ensemble des composantes de la nation”, a promis Ibrahim Boubacar Kéita dans son excellent discours prononcé à l’ouverture des travaux le 27 mars 2017.
Saura-t-il surprendre positivement les Maliens en allant, pour la première fois de son mandat, dans le sens des vraies préoccupations des Maliens et des réalités du pays ? C’est de lui qu’il dépend désormais que la CEN ne soit pas une coquille vide en naviguant à contre-courant des recommandations de ces assises nationales.
En un mot, IBK a une opportunité historique de prouver aux Maliens qu’il est le président de la République du Mali et non un pion ou, pis encore, une marionnette de la CMA et de sa marraine, la France, qui se cache derrière la communauté internationale.
Mais, au-delà du président de la République, chaque Malien et chaque Malienne doivent comprendre qu’ils ont le devoir d’être les hirondelles du nouveau printemps malien, des colombes pour la paix et la stabilité de cette grande nation qui dérange ceux qui ne souhaitent qu’une balkanisation poussée de l’Afrique afin de mieux la contrôler.
Ainsi, à notre humble avis, la meilleure commission, le meilleur comité de suivi, la meilleure stratégie, la meilleure loi…, c’est notre conscience citoyenne, notre sens élevé de la patrie…
Œuvrons d’abord à changer l’Homme malien, investissons dans l’éducation et le civisme pour forger le Malien de demain, un citoyen réconcilié avec lui-même, avec les valeurs morales et cultuelles…
Sans cela, tout discours est démagogique, voire utopique dans le contexte actuel.
Moussa Bolly