" Il me plaît de vous rappeler, que déjà en 1992, en transmettant la charge, que j’ai assumée pendant la Transition, j’avais déclaré à propos de l’évolution politique de notre Pays, je cite : ”Il faut que la sagesse inspire à notre pays la clémence, et que son peuple se réconcilie définitivement avec lui-même. Mais le pays ne peut pas oublier ceux qui sont morts en combattant pour la liberté et nous ne cesserons jamais de rendre hommage à leur mémoire… Ceci exige légitimement non point qu’ils soient vengés, car l’avenir ne se construit pas sur la vengeance, mais que le droit soit dit. C’est à ce prix que le passé cessera de constituer pour chacun de nous un insupportable fardeau. " (Fin de citation).
Dans le respect strict de l’indépendance de la justice, des décisions définitives de condamnation sont intervenues depuis. Elles ont été suivies de mesures politiques d’apaisement. Aujourd’hui, je voudrais demander à notre Peuple et à l’ensemble de la classe politique et de la société civile, de se joindre à moi pour réfléchir à la manière la plus adéquate, pour avancer sur le chemin de la réconciliation nationale. Cette démarche n’implique aucune approbation des faits ayant motivé des condamnations. J’ai été un des acteurs des événements de mars 1991. Je mesure tout le poids de l’histoire et des responsabilités ! Mais, je connais la grandeur d’âme légendaire de notre Peuple.”
Ces extraits du Discours à la nation du président de la République, Amadou Toumani Touré, lors du 22 septembre 2010 symbolisant les 50 ans de notre accession à l’Indépendance, remettent sur la table l’épineuse question de réconciliation nationale. Dans un pays comme le Mali où les plaies ouvertes par différents événements sont loin d’être cicatrisées, nous ressentons une forte envie de refroidir les cœurs meurtris. Si elle est à encourager, il faut reconnaître que l’initiative ATT aura du mal à prendre corps dans le contexte actuel marqué par une lutte de positionnement des leaders politiques sur la scène nationale. Et cela à quelques encablures des échéances cruciales de 2012.
Au crépuscule de son second et dernier mandat, le chef de l’Etat, que d’aucuns soupçonnent d’avoir opté pour une politique de restauration, aura toutes les difficultés à convaincre les acteurs de la classe politique et de la société civile à adhérer à son initiative. Il vient de rater la cloche. Et, pour cause : la célébration du cinquantenaire était sans nul doute une opportunité pour passer au peigne fin les pages glorieuses aussi bien que sombres de l’histoire de notre ”Maliba”. A la place de cette ”folklorisation” des festivités des 50 ans de notre indépendance, on aurait souhaité l’instauration d’un débat franc et fructueux. Mais rien de cela. Les requêtes de ceux qui appelaient aux débats ont été classées sans suite par le chef suprême dont la volonté semble être la seule qui primée. A se poser la question de savoir pourquoi le ”soldat de la démocratie” a refusé l’ouverture d’un tel débat. Et pourtant ATT avait, dès son élection en 2002, déjà mis un pied dans le plat de la réconciliation grâce à une politique audacieuse de gestion des affaires publiques. Le consensus, puisque c’est de ça qu’il s’agit, a permis de fédérer autour du président de la République toutes les composantes de la société malienne. Avec un idéal commun : l’intérêt supérieur du peuple. Loin d’être une ”camisole de force”, comme il l’a bien souligné de par le passé, le consensus a eu à stabiliser les institutions de la République à un moment où notre pays en avait fortement besoin. Presque unique dans sa conception, le consensus à la Malienne a fait et continue de faire des émules à travers le monde. Chez nous, certains intellectuels engagés comme l’ancien ministre de la Justice, Garde des sceaux, Me Abdoulaye Garba Tapo avaient, dans une excellente contribution publiée par certains confrères de la place en 2007, proposé de réviser le consensus afin qu’il puisse survivre après son initiateur. En fermant cette parenthèse, à l’instar de l’Afrique du sud, du Maroc, du Libéria ou d’autres nations, il faut une commission vérité – réconciliation au Mali. Et cela est nécessaire pour aller au-delà des discours. Des exactions sous la première République en passant par la seconde République jusqu’à nos jours, il faudra en faire toute la lumière. Il ne s’agit pas d’arracher ou de gommer une page de l’histoire de notre pays mais de dire la vérité. Et ceux qui doivent demander pardon qu’ils le fassent. Le peuple malien a certes gardé le silence, mais n’a pas oublié et le silence est différent de l’oubli. Pour pardonner, le peuple a besoin de savoir la vérité. La vérité, rien que la vérité !
Par Chiaka Doumbia