Après une hôtesse de l’air et un steward de la compagnie Air Mali, nous avons eu la chance de rencontrer l’un des premiers commandants de Bord (CDB) de l’ancienne compagnie aérienne nationale, Abdoul Kader Tangara dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. L’homme a piloté des avions de toutes dimensions et de toutes fabrications, à travers le monde avec les différents présidents du Mali et de hautes personnalités étrangères. Ce qui fait de lui l’un des meilleurs commandants de bord (CDB) des différentes compagnies aériennes au sein desquelles il a travaillé. Convaincu que tout l’équipage partage le même sort, il dit n’avoir jamais eu maille à partir avec un collègue de la cabine durant toute sa carrière. Agé aujourd’hui de 77 ans, il rend un vibrant hommage à sa famille. Il soutient avoir eu la chance avec une brave épouse et six enfants respectueux, solidaires et très reconnaissants. Ceux-ci l’ont soutenu et compris durant sa carrière, émaillée de façon incessante d’absences à cause des voyages et des formations. Comment lui est venu l’amour du métier de pilote ? Quelles étaient les conditions de travail et de vie à Air Mali ? Les difficultés rencontrées ? Les qualités d’un bon pilote ? Les accidents d’avion ? Sa retraite ? L’ancien CDB nous a accueillis à l’Agence nationale de l’aviation civile (Anac), pour évoquer tout cela.
Il se raconte que le premier président ivoirien Félix Houphouët-Boigny (paix à son âme), un jour, s’est mis dans tous ses états en sachant que le commandant de bord d’un appareil au bord duquel il avait pris place a mis l’avion en pilote automatique. Le CDB avait gentiment quitté la cabine pour se présenter au Vieux et lui demander si tout allait bien. Le Baobab de Yamoussoukro a répliqué que tout irai mieux s’il regagnait sa place au lieu de se promener dans l’avion.
Autre anecdote : l’ancien président Ibrahim Boubacar Kéita ayant été au courant que le pilote a évité une catastrophe aérienne, n’a pas lésiné sur les moyens pour encourager le CDB. Il lui a remis un chèque de plusieurs millions à l’homme pour avoir sauvé plusieurs vies. C’est dire que le pilote a une très grande responsabilité.
Dans un avion de ligne, il y a plusieurs pilotes, dont l’un est commandant de bord. Tout l’équipage dépend de lui. C’est le premier responsable de la sécurité de l’avion et des passagers. Face à un ancien commandant de bord, Abdoul Kader Tangara, nous avons l’occasion de parler du pilote automatique. L’homme a passé une bonne partie de sa vie, dans l’avion soit 22 276 heures de vol, dont 15 000 heures dans des avions à réaction communément appelés Jet. A présent, il continue d’évoluer dans le domaine. Un an après sa retraite en 2008, il est recruté par l’Agence nationale de l’aviation civile, pour occuper les fonctions de pilote conseil, puis d’inspecteur en vol après une formation en Afrique du Sud en (2012). A ce titre, il est chargé de :
– la délivrance et du renouvellement des licences du personnel aéronautique ;
– la validation des licences étrangères, la certification des centres de formation de pilotes notamment : la préparation et le suivi des tests du personnel naviguant, l’essai des équipements de bord, l’ensemble des vérifications dans le cadre de la mise en œuvre des exigences en matière de sécurité des vols ;
– la tenue du répertoire des ATO (centres de formation agréés par l’Anac) locaux et étrangers.
L’ancien commandant de bord de la compagnie Air Mali révèle que le pilote automatique est une réalité. Il est l’effet des équipements sophistiqués, plus sûrs que l’être humain. Il peut-être actionné à tout moment, mais l’idéal, selon Abdoul Kader Tangara, est le décollage, et surtout quand le temps est mauvais à l’atterrissage. Dans ce cas précis, le pilote automatique est recommandé jusqu’au minima.
Dans son Ségou natal en 4e région, il ambitionnait d’être médecin. La vue de l’avion et la tenue des pilotes : chemises blanches avec képi ont changé les prétentions dans le cœur du jeune Tangara. Il a eu l’occasion de les admirer à l’aéroport. Parce qu’à l’époque, avec ses camarades d’école, il accompagnait le directeur Maurice Galbert à l’aéroport en partance pour ses vacances à Paris.
Concours de circonstances
Au début des années d’indépendance le grand souci des dirigeants des pays africains était de former des cadres nationaux pour assurer la relève des expatriés européens. Alors l’agence de voyage Air Mali, créé en 1960, est devenue plus tard la compagnie Air Mali (mai 1961).
Elle avait trois DC-3 offerts par la reine d’Angleterre et des avions russes. Les administrateurs d’Air Mali décidèrent de la formation de pilotes et techniciens maliens, gage de la souveraineté du Mali.
Elève en 10e année au lycée, un de ses amis l’informe de l’organisation du concours pour être pilote. Abdoul Kader Tangara saute sur l’occasion. Titulaire du Brevet d’études de premier cycle (BEPC), il est admis sur titre, et s’envole en décembre 1961 pour l’ex-URSS afin de poursuivre des études aéronautiques, plus précisément à l’Ecole de formation des pilotes civiles, à l’Ecole supérieure de formation aéronautique pour l’obtention de la licence de pilote professionnel.
Au terme de ces brillantes études, Abdoul Kader rentre au pays en mai 1964 pour prendre fonction, sur la base d’un parchemin qui sera sa force dans le domaine de l’aéronautique.
D’où l’opportunité pour nous de l’interroger sur les qualités d’un bon pilote : une santé de fer, la discipline, la rigueur envers soi et vis-à-vis des autres, la prudence, la patience, le sang-froid en toute circonstance et en tout lieu, l’esprit d’équipe, énumère-t-il.
Aussitôt il est employé par Ai Mali comme copilote jusqu’en 1970. Date à laquelle il est confirmé commandant de Bord, à 27 ans. Cette promotion consacre le début d’une riche carrière dans les airs, qui le conduit dans une centaine de pays à travers les cinq continents.
Faut-il noter que sa carrière a été plusieurs fois entrecoupée de formations et stages. C’est ainsi qu’ainsi qu’après sa confirmation comme CDB, il bénéficie d’une bourse d’études pour les USA pour une qualification sur B-727, avec obtention de la licence de pilote de ligne. C’est au cours de cette formation que la nation le rappelle à la faveur d’une visite présidentielle en 1973.
Le chef de l’Etat doit se rendre en Chine et l’équipage est constitué de Russes. Or à l’époque les relations entre la Russie et la Chine sont très tendues. Il suspend sa formation et effectue la mission avec la délégation malienne. En 1980, Abdoul Kader Tangara se rend en Yougoslavie pour une qualification d’instructeur pilote.
A son retour, il est nommé chef pilote d’Air Mali. En 1985, avec l’ouverture du Centre multinational de formation en aviation civile (CMFAC) de Mvengué au Gabon, il est recruté comme instructeur. Ses prestations et sa connaissance du domaine lui ouvrent les portes de la compagnie des 3A (Air Affaires Afrique) en 1990, sur demande du chef pilote de la Camair, le CDB Barla Joseph Ekoué.
Avec la création de la compagnie Air Dabia en 1996, il fait un saut à Banjul en Gambie pour occuper le poste de chef pilote, puis de directeur d’exploitation. En 2000, sur demande du CDB Barla, Abdoul Kader Tangara retourne au Cameroun pour le compte d’Air Inter Cameroun pour huit ans (2000-2008).
Ensuite, il met le Cap sur le Bénin au compte de Benin Golf Air, comme instructeur sur le B-737. Atteint par la limite d’âge en 2009, où il souffle sur ses 65 ans, il n’aura passé qu’un an dans cette compagnie. Comme évoqué plus haut, dès lors Abdoul Kader Tangara commence à travailler à l’Anac. A-t-il été victime d’un accident ? Avant cette question, l’ancien CDB a exhorté la nouvelle génération de s’intéresser aux métiers de l’air. Parce que c’est exaltant.
Mieux le constat amer est qu’il y a une absence de jeunes Maliens dans ce domaine surtout parmi le personnel des compagnies étrangères évoluant au Mali. Avec un tel conseil peut-il parler de ses accidents au risque de décourager ceux-là même qu’il invite à embrasser la carrière de pilote ? Sur notre insistance, il parle plutôt d’un incident.
“En 1995, en plein vol, juste après le décollage, au-dessus de la mer, l’avion Nord-262 que je convoyais a perdu un de ses moteurs. Et comme nous avons été formés pour de telles éventualités, j’ai mené des actions vitales pour gérer la situation. Cela a consisté à retourner à Sao Tomé. L’incident était clos”.
Travaillait-il dans les meilleures conditions ? Oui répond-il, par rapport aux autres fonctionnaires maliens, l’équipage était bien payé, mais moins que les autres nationalités. Malgré tout, Abdoul Kader soutient avoir fait des réalisations. Dans la vie Abdoul Kader Tangara aime la musique du Mali et les revues aéronautiques. Il n’apprécie pas du tout l’injustice.
Pour services rendus, l’Etat malien a reconnu sa valeur, en le décorant chevalier de l’Ordre national (1984), officier de l’Ordre national (2005) et commandeur de l’Ordre national. Nous validons en affirmant que l’homme mérite mieux que cela. Et cela pour son parcours, son sens élevé du patriotisme.
O. Roger
Kiassou tu as toujours été une inspiration, une fierté, et un model pour tout les jeunes qui sont nés et grandit dans cette grande rue de Ségou menant au fleuve Niger. Aujourd’hui très loin de notre rue, je lis cet article avec fierté. Je suis très reconnaissant d’avoir eu des grand-frères comme toi, qui nous ont montré le chemin du savoir, et surtout ont prouvé que “seul le ciel est notre limite”.
Merci et portes toi bien Grand-Frère.
Amadou B. Guissé, PhD
Bjr grand frère Guissé. Tous les techniciens de maintenance au sol vous remercient de cet éloge que tu fais de l’aîné Tangara.
Bonjour jeune frère Amadou
Merci beaucoup pour cet article. En effet j’ai eu la chance d’avoir comme intimes amis tes aînés. J’avoue que certains me manquent énormément, ainsi va la vie, quant à toi Amadou du courage.
Très fraternellement
KIASSOU
J’ai eu l’opportunité de croiser ce grand monsieur à Niono, dans les années 75-76 où il rendait visite à son frère Chakadié qui était commerçant. IL nous a offert nos premiers maillots pour notre équipe de foot où évoluait son neveu Amadou. Quand, Kader arrivait à Niono, l’information ne passait pas inaperçue. Il était l’objet de tant de curiosité! Tout le monde voulait voir ce pilote dont la réputation avait franchi les frontières. Kader qui était d’une grande modestie; parlait très peu.
Bonjour Ibrahim
Merci beaucoup pour cet article, vous avez une bonne mémoire certes, une qualité qui j’en suis sûr vous conduira très loin dans la vie. vous pouvez en être fier.
Mon fils courage et bonne journée
Tonton
Bonjour et merci, moi aussi j’ai eu la chance de le croiser en 1995. Maintenant, je suis aussi pilote de ligne. J’ai commencé à l’aéroclub de Bamako sur Cessna 150 avec un français Mr Silvain en 1996. Il m’a offert une vingtaine d’heures gratuites quand il partait en brousse avec un 172 du côté de Yanfolila. Il m’a dit et je m’en souvient comme hier “tu vois Alassane, un bon pilote africain c’est toujours un malien” j’étais fier de ce compliment et je le retourne à TANGARA.
Bonjour Alassane
Mille fois merci pour cet article. Il y a en effet une auréole autour de ce métier combien exaltant et contraignant à la fois: Une remise en cause de tes connaissances chaque année: quatre contrôles annuels dont deux pour évaluer tes compétences, un médical et un en ligne. C’est beaucoup mais ils sont nécessaires pour mieux former le Pilote afin d’améliorer la sécurité aérienne, notre crédo. Toutes mes félicitations suite à l’obtention de ton ATPL.
Alors courage Alassane.
KIASSOU
Bravo Alassane pour votre réussite. Je me souviens de vous à l’aéroclub de Bamako ou il y avait 2 instructeurs vraiment très sympathiques et compétents M. SYLVAIN et M. JEAN MARC. Les avions avaient été offerts par Babanie SISSOKO. La maintenance était faite à côté. Quelques maliens avaient été formés. Certains sont comme vous en Ligne. Il faudrait rouvrir une école de pilotage pour former une dizaine de pilotes maliens chaque année. Je me rappelle ce que disait souvent M. SYLVAIN “qu’un bon pilote en Afrique c’est toujours un malien”. Il m’avait expliqué qu’Air Mali créé en 1962 avait fait la fierté du Mali grâce à ses pilotes hors normes. Alors qu’attendent nos politiciens pour renouer avec notre splendeur?
J’ai eu la chance d’avoir une fois dans ma vie ce grand Monsieur comme commandant de bord d’un vol Bamako – Paris. Je vous confirme que c’est un pilote exceptionnel. Je me rappelle encore des tonnerres d’applaudissements à l’atterrissage de nous tous passagers, maliens et étrangers ; de la particulière fierté que nous avons toutes et tous éprouvée d’être Maliens à ce moment là. A ma question “qui est ce Monsieur Commandant Tangara?”, je me rappelle encore du portrait élogieux et mérité que m’avait dressé de lui une coquette et élégante compatriote voisine de circonstance. Là, parti du fond de mon cœur, tout mon être s’était subitement empli d’audace et d’orgueil: je me suis dis que définitivement, nous les Maliens, nous les meilleurs du monde car nous sommes des génies nés!
Merci mon Commandant pour ces belles émotions tenaces! Longue vie à vous!
Bonjour “Fama” je vous remercie infiniment pour les compliments.
Bonne journée à vous
Mon CDB il aurait été très bien vous ouvrez une école ou centre de pilotage pour nous. Car beaucoup aiment le métier mais l’opportunité n’y est pas assez. A l’armée de l’air il faut aussi le dire l’opportunité est restreinte. Donc vivement votre centre de formation accompagné pas les hommes d’affaires Maliens et la participation minimum de l’État. Article formidable.
Bonjour “Tile Koura: Merci beaucoup pour cette très bonne idée.
Bonne journée à vous
Plusieurs pilotes parmi les premiers pilotes civils du Mali se sont volontairement convertis en pilotes de chasse. Ils avaient non seulement la capacité des pilotes civils mais ont opté pour La Défense de la patrie. Il faut coter entre le général Bourama Siré Traoré, le sergent Dramane dit DraMIG, Lassine DIARRA (l’homme de Baguineda, Youssouf Goita et j’en passe.
Ce sont eux qui ont formé le noyau de l’Armee de l’Air du Mali. Ce sont eux qui faisaient des acrobaties de voltige dans les airs de Bamako pendant les fêtes de l’indépendance. Hommage à eux pour service rendus à la nation. Certains ont perdu leur vie dans les craschs et d’autre par rappelle à Dieu après une vie fièrement remplie sur terre.
Le dernier de leur génération a perdu la vie au cours d’un vol d’entraînement a été le Capitaine Youssouf Goita au dessus de Sogonafin en septembre 1990.
Eux , ils ont volontairement servie le Mali et bravé la mort pour La Défense de La patrie et pourquoi pas nous qui ne passons notre temps de discussion que sur les inutilités politiques et jeté notre malheur sur les générations devancières. Interrogeons nous vraiment. C’était une génération qui a bu de l’alcool mais qui n’insultait aucun parent à qui que se soit. Ils n’avaient pas de prétentions politiques et avaient horreur de l’injustice et de la couardise . Les frappes opérées sur Ouahygouya, Nouna, Djibo et Bobo ont été menés par l’escadrille du Commandant Brehima Siré TRAORÉ (le Touramakan de Kati) .
Sankingba leur rend un vibrant homme.
Ha la République !!!!!
SANKINGBA, peux-tu nous dire que sont devenus Soumbounou, Baye, Danioko, Touré, Léo et consorts qui étaient tous pilote à Air Mali ? Je sais que Doucouré a perdu la vie dans l’un des multiples crashs de la compagnie mais je n’ai aucune nouvelle des autres qui ont survécu à Air MALI.
Merci.
Bonjour Yugubané: Danioko, Soumbounou et Touré se portent bien, ils sont au quartier et s’occupent bien de leurs petits enfants. Léo est présentement à BAMAKO, il vole toujours pour le compte de la nouvelle Compagnie aérienne SKY MALI. Malheureusement le Technicien Baye est décédé il y a quelques années.
Merci et bonne journée
Merci Kiassou pour l’info. Je suis très heureux d’avoir des nouvelles de ces braves Tontons. Je m’incline devant la mémoire de Baye, que son âmes repose en paix. Que la terre lui soit légère. Amen.
Amen à propos de notre ami BAYE, que son âme repose en paix. Il nous manque.
Quelle fierte d’etre Malien en lisant cet article!
Mais ce Mali d’autrefois où est-il?
Peuvent-ils nous ramener ce Mali un jour?
Bonjour Seydou, merci beaucoup pour vos commentaires.
Bonne journée à vous.
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