Dans une société de plus en plus en désaccord avec ses propres valeurs, caractérisée par l’émergence d’une culture de la médiocrité et de la marginalisation sans précédent des valeurs comme la culture de l’excellence et du mérite personnel ; il est plus qu’un impératif pour la génération actuelle de jeter un regard rétrospectif sur certaines faiblesses sociales dont les conséquences s’illustrent à travers l’injustice grandissante et l’hypothèque du devenir de la nation toute entière. Au titre de ces réalités, figure cette expression «il vaut mieux avoir des relations que le diplôme » et l’ensemble de ses conséquences qui s’illustreront à travers l’anecdote suivante :
Brillante étudiante pendant qu’elle était sur les bancs et surtout déterminée dans tout ce qu’elle entreprend, Mariam Traoré est sortie de l’une de nos facultés de l’Université de Bamako avec la mention Bien. Son amie Djeneba qui quoique sortie avec un niveau inférieurement bas à la mention passable pour ne pas dire ‘’repêchée’’ lui dit un jour ceci « bolow djan ka fissa ni bolow souroumani yé (il est plus important d’avoir un bras long qu’un bras court ». Mariam qui voyait par optimisme le succès au bout de ces quatre années de dur labeur ne considéra pas les paroles « insensées » de sa camarade de classe. Cette discussion entre les deux copines s’est tenue en 2003. Aujourd’hui, Mariam souffle ses 7 années de chômage et elle reçoit de temps à autre la visite de sa camarade qui est devenue la directrice d’un projet grandement lucratif. D’aucuns diront sans doute que c’est la chance ou même le coup du destin : c’est possible. Mais honnêtement, la question qui nous vient en tête consiste à savoir si l’on peut compter sur la chance au Mali d’aujourd’hui ?
Il est vrai que personne ne peut échapper à sa destinée. N’empêche, au mali, force est de reconnaitre que le destin se force si bien qu’on a tendance à voir des gens qui s’accaparent de la chance d’autrui pour en faire les siennes. On s’accroche à nos relations pour se faire une place au soleil. On n’hésite plus à tricher, mentir, à se rabaisser, bafouant souvent même sa dignité, rien que pour avoir de quoi à grignoter. Les résultats des concours sont de nos jours connus bien avant leur début même, certains se couchent sur leurs lits pendant que d’autres se tracassent à fournir des efforts. Il ne s’agit plus d’être excellent et travailleur pour espérer car les données ont changé, mais plutôt avoir un Tonton ou un cousin ou même le plus souvent un « bailleur » comme le disent les filles pour que les chances se multiplient. Mais que deviendrons ces milliers d’enfants de pauvres comme Mariam qui viennent du village avec pour seuls parents leurs livres, pour seuls amis leurs cahiers et pour seules armes leurs stylos ? Leur sort se trouve-il entre les mains du Bon Dieu ou de leurs professeurs qui, d’une seule marque au Bic rouge, peuvent porter un coup fatal à leurs vies. Il est très bien d’aider son parent ou sa copine. Mais il serait préférable pour le développement de notre pays de modérer toutes ces discriminations auxquelles nous assistons dans les entreprises et services publiques. Aucun pays dans le monde ne s’est construit dans la médiocrité. Alors, prenons garde et cultivons l’excellence et le mérite personnel pour permettre aux enfants de pauvres de tirer leur épingle du jeu mais et surtout de permettre aux hommes et femmes valables d’occuper les places qui les reviennent et qu’on leur a chopé : « l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut ».
FOUSSEYNI MAIGA