Depuis la fin de l’année 2010 la tension est vive sur notre continent et dans le monde arabe. A travers des émeutes, des contestations, des insurrections, les populations de certains pays disent leur ras-le-bol à des régimes qui gèrent leurs destinées, depuis des dizaines d’années souvent.
En Tunisie -nous n’allons pas ici revenir sur tout ce qui s’y est passé entraînant la chute de Ben Ali -un jeune voulant exprimer son agacement de la vie qu’il menait et prendre l’opinion à témoin, a trouvé une solution originale qui n’est autre que l’immolation par le feu dans son village à Sidi-Bouzid. La suite est connue de tous, la mort du jeune Bouazizi a précipité la fin du pouvoir qui était de plus en plus grisé et contesté à l’intérieur par des jeunes diplômés sans emplois et décrié à l’extérieur par des opposants en exil.
Comme si les Egyptiens n’attendaient que cela, ils ne se firent pas prier pour prendre d’assaut la place Tahrir. Galvanisés par le succès tunisien, ils feront exactement comme leurs frères, même si Moubarak -contrairement à Ben Ali- est resté sur son territoire, le résultat a été le même dans ces deux pays : le pouvoir a changé de mains sous la pression de la rue.
Dopés à leur tour par la capacité de leurs voisins, les Libyens ne pouvaient naturellement pas rester en marge de ce vent de contestations qu’on a nommé le printemps arabe. Même s’ils -les insurgés libyens – font face encore à une résistance farouche de la part du Guide qui n’hésite plus à mettre à exécution l’enfer que lui et son fils ont promis aux populations libyennes, une chose est sûre : ils n’entendent pas baisser les bras avant le départ de Kadhafi aidés en cela par la communauté internationale, à travers l’OTAN.
Les territoires arabes ne sont pas les seuls ayant été concernés par l’ébullition que le continent connaît depuis quelques mois, la partie subsaharienne a connu et connaît encore -pour certains pays- leurs crises post ou même préélectorales. Le feu couve au Bénin après la présidentielle remportée dès le premier tour par Yayi Boni ; des bruits de bottes se font persistants tout près de nous au Burkina Faso ; des bombes explosent au Nigeria pendant que les électeurs sont aux urnes ; plus près de nous encore en Côte d’Ivoire, le pays essaye de sortir d’une crise qui l’a complètement défiguré depuis plus de dix ans. Ces derniers jours, ce pays a payé un lourd tribut dans le cadre de la conquête du pouvoir et sa capitale s’est transformée en véritable champ de bataille. A cause du cas particulier de ce pays, nous allons nous y attarder un peu.
On a l’impression que la Côte d’Ivoire, sa stabilité, son développement, son aura d’antan ne tenaient qu’à un seul homme et qu’il n’y avait aucune autre structure qui fonctionnait normalement en son temps, d’où la nécessité de renforcer nos institutions et les rendre crédibles. A la mort de Félix Houphouet Boigny -le père de la Nation ivoirienne- en 1993, c’est tout le pays qui s’est écroulé. Comme si tout se résumait à lui, que tout partait de lui et que tout revenait à lui. Aucune autre institution, aucun autre homme, n’a pu -jusqu’à présent en tout cas- assurer la stabilité d’un pays qui s’est vu livré à la guerre civile, à la xénophobie depuis plusieurs années.
À la mort de Houphouet déjà, une première crise éclata pour sa succession. Son Premier ministre d’alors, un certain Alassane Dramane Ouattara essaya de s’accaparer du pouvoir, qui fut finalement -on a évité l’affrontement de justesse à l’époque- donné au président de l’Assemblée nationale, un certain Henri Konan Bédié, comme le prévoyait la Constitution. Depuis, la République de Côte d’Ivoire est entrée dans un cycle infernal de crises à répétition. Elections mal organisées avec en toile de fond des rejets de candidatures pour cause de “nationalité douteuse”, coup d’Etat, rébellion, prise du pouvoir par et dans la rue. On aura tout vu dans le pays du vieux depuis sa mort. Tout simplement parce que -selon plusieurs analystes et spécialistes de ce pays- au moment où il vivait la seule institution qui tenait c’était lui et lui seul.
D’autant plus que la démocratie et la stabilité du pays ne tenaient qu’à lui et lui seul, que c’était lui et lui seul qui savait comment il mettait fin aux contestations et autres crises en gestation dans son pays, il était évident qu’à sa mort le “faux” système qui était en place par son seul fait devait s’écrouler et c’est cela qui s’est passé et c’est ce à quoi on assiste encore en Côte d’Ivoire.
Tous autant que nous sommes, nous ne sommes pas à l’abri de telles situations dans nos pays respectifs tant que nous ne mettons pas l’accent sur nos institutions et que nous continuons à entretenir le culte de la personnalité vis-à-vis de nos dirigeants. Car -comme l’a dit Barack Obama- ce sont des institutions fortes dont l’Afrique a besoin et non d’hommes forts. Malheureusement, ce sont des hommes forts dont nous disposons et nous oublions nos institutions, qui doivent pourtant être le socle de nos démocraties naissantes, car pérennes, contrairement aux hommes qui les animent.
Makan KONE