Que toutes les femmes du monde me pardonnent d’avoir dit cela: celle qui met au monde un voleur, aurait dû accoucher d’une merde à sa place! Et je n’ai que faire de la colère qu’éprouveront quelques adeptes du «bien-pensisme», qui me diront qu’un voleur est après tout un homme, et donc qu’avoir pour lui un minimum d’humanité, ne fait de mal à personne. Pour moi, un voleur ne vaut pas d’être un homme.
Jeudi 12 juin. Faculté des Lettres de Bamako. Le cours de grammaire de texte vient d’être interrompu, nous sommes libres de rentrer à la maison. Je récupère ma moto au parking avec l’intention de rentrer, mais j’ai pensé à faire un tour au Décanat pour retirer mon diplôme de Deug II (Lettres modernes). Je gare ma moto devant le Décanat, avec plusieurs autres motos, avant de monter au premier étage avec un camarade étudiant. Là-bas, il nous a été signifié que ledit diplôme n’est pas encore disponible. En descendant l’escalier je jette un regard vers l’endroit où j’ai gare ma moto: elle n’y est plus. Je presse le pas, complètement affolé. Effectivement, ma moto n’est plus là. Je ne me faisais aucune illusion : elle a été volée, c’est tout. Interrogés, les gardiens et étudiants qui se trouvaient là ont répondu qu’ils ne savent rien. Pris de panique, je ne savais que faire, une sarabande d’idées se bousculait dans ma tête. Je n’en revenais pas, je me croyais en plein scénario d’un film dont j’étais le héros. Je refusais de voir, d’admettre, de réaliser ce qui m’arrivait, et me disais, comme pour me convaincre moi-même, que non ma moto ne peut pas avoir été volée, que je viens de la payer il y a seulement 5 mois, que mon père a bataillé dur pour l’avoir. Qu’il n’était pas question qu’un “bâtard de bâtardise”, pour reprendre Ahmadou Kourouma dans “Les Soleils des Indépendances”, me la pique comme ça… Et pourtant, devant le Décanat, il n’y avait plus nulle part trace de ma moto. Et pourtant, il ne me restait que la clef. Et pourtant, tous ceux qui étaient là, refusaient de croiser mon regard. Mon ami étudiant Salebou m’a pris sur sa moto pour faire le tour des mille et un parkings qui sont sur la Colline du savoir (l’ensemble des universités de Bamako). L’espérance de la retrouver, s’effaçait au fur et à mesure que le soleil avançait dans le ciel.
«Peut-être que tu ne le sais pas, sinon tous les jours une moto est volée devant le Décanat ! Chaque jour ! Nous-mêmes, on ne sait plus que dire», m’a confié un ami étudiant, membre de la sulfureuse Association des élèves et étudiants du Mali (Aeem), avant de me conseiller d’aller faire une déclaration à la Police. «Les voleurs, ce sont vous-mêmes les étudiants. Presque chaque jour, un étudiant vient faire une déclaration de perte pour sa moto, son téléphone… Que voulez-vous qu’on fasse quand les voleurs sont vous-mêmes?», me dit, en colère, une policière au Commissariat du 4ème Arrondissement. Je fais ma déclaration et l’enregistre chez le chef de la Brigade de recherches, sans la moindre lueur d’espoir de retrouver ma moto.
«Où est ta moto?», me demande ma mère. Je lui réponds en lui montrant la clef. Des insultes, imprécations, reproches …ont commencé à pleuvoir comme vache qui pisse sur moi.
Qu’inspire cet événement qui a toutes les allures d’un mélodrame ? Rien que ce que je savais déjà. C’est-à-dire que, dans ce pays, les Universités sont tout, sauf des Universités. Ce ne sont que des océans de médiocrités, d’amoralités et que sais-je encore, où l’imbécilité est programmée, où on ne sait pas qui est qui ou quoi ! Ce sont aussi des nids de voleurs, braqueurs et autres brochettes de fripouilles, qui se sont constitués en véritables réseaux et qui opèrent en toute impunité au sein des Facultés. Leur cible privilégiée ? La moto Jakarta. Ils sont spécialistes du vol de Jakarta !
Celui qui a volé ma moto, m’a tué. Le vol n’est pas un délit, mais un crime. Tout voleur est un criminel, un homme qui ne vaut pas d’être un homme. Voler quelqu’un, c’est comme le buter.
Après mon P.C cassé dans l’accident, c’est ma moto qu’on m’a piqué. Je régresse, tandis que les autres vont de l’avant. Sans P.C, sans moto, la vie pour moi n’a plus de sel, même si je vivais avant de les acquérir. L’implacable rouleau compresseur de la régression, du retour à la case départ. De quoi aviver en moi l’irrépressible envie de partir, de faire mon deuil des études, abandonner, dire adieu à cette Université qui n’est pas plus qu’un cul de sac.
Partir…peut-être pour le Maghreb, l’Algérie, le Maroc…
Boubacar SANGARE
Au Maghreb, en Algérie, au Maroc… où ailleurs aussi, il y a des voleurs mon cher. JE PREFERE ËTRE VOLE CHEZ MOI QU'AILLEURS. AU MOINS JE SERS MON PAYS en me faisant volé. Au plus haut sommet, il n'y a que des voleurs ou bien mon cher ?
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