17 mars 1980, le secrétaire général de l’Union des élèves et étudiants du Mali (UNEEM), Abdoul Karim Camara dit Cabral disparaissait dans des conditions non encore élucidées sous le régime dictatorial du général Moussa Traoré. 34 ans se sont écoulés depuis. Des écoles portent le nom de Cabral. Un monument a été érigé en la mémoire de ce jeune héros qui incarnait la lutte pour la liberté et la justice au Mali contre un régime hostile à toute contestation.
Tout comme les circonstances de son assassinat par la soldatesque de Moussa Traoré, le lieu exact de son enterrement restent un mystère. Une sorte de conspiration du silence. En dépit des protestations de ses camarades, Moussa Traoré et ses compagnons n’avaient pas daigné remettre le corps du jeune leader estudiantin à sa famille afin qu’il soit dignement inhumé.
Où est donc enterré Cabral ? Au cimetière de Lafiabougou ? A Gao, à un bout de la piste d’atterrissage, s’interrogeait en 2005 « Le Challenger » ? Aux abords du Camp Para de Djicoroni ? Personne ne peut dire avec exactitude le lieu où le charismatique leader estudiantin repose sauf quelques témoins vivants de ces années de plomb dans l’histoire du Mali indépendant, notamment les généraux Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré.
Le premier, qui maintenait le pays sous sa coupe réglée au moment des faits, s’est emmuré dans un silence total. Il est évident qu’un seul mot du général Moussa Traoré sur le sujet serait un véritable coup de projecteur sur ces années noires.
Le second, qui était l’un des hommes-clés du système Moussa Traoré, a pris ses premiers galons au Camp Para, lieu emblématique de torture des opposants et autres récalcitrants à l’ordre kaki. Il a abusé de l’opinion au cours de la Conférence nationale en 1991 que la tombe de Cabral a été retrouvée au cimentière de Lafiabougou. Quelques années après, la famille et les compagnons de lutte de Cabral ont cessé d’aller se recueillir sur cette tombe. Après avoir découvert le «mensonge d’Etat», ainsi que le qualifie Mamoutou Thiam qui a publié la dernière semaine une tribune dans Les Echos.
Au-delà de la souffrance ou de la douleur de la famille de Cabral qui n’a pas pu faire son deuil, Mamoutou Thiam évoque dans sa tribune l’éventualité d’une plainte contre X. Sur un plan purement juridique, la plainte a moins de chance d’aboutir pour un motif aussi simple qu’est la prescription. Par contre, pour la manifestation de la vérité, ses compagnons peuvent continuer leurs actions de lobbying afin que ce dossier soit pris en compte dans le processus de réconciliation nationale à travers l’installation prochaine d’une nouvelle Commission Vérité, Justice et Réconciliation. Il ne s’agit pas de remuer le couteau dans les plaies mais d’aider la vérité à triompher sur le mensonge. C’est par un tissu de mensonges de ses dirigeants que ce pays a été cité en exemple à travers le monde entier comme un modèle de démocratie et de bonne gouvernance. Mais il aura fallu moins de trois heures pour le voir s’effondrer en 2012 comme un château de cartes.
Il n’est pas tard pour jouer la carte de la vérité. Les bourreaux doivent avouer publiquement leurs forfaits. Ce qui facilitera le pardon des victimes.
Par Chiaka Doumbia
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