Méchage : Un bémol à nos prétentions

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Il n’y a pas longtemps, nous écrivons dans ces mêmes colonnes qu’avec la guerre au Nord, beaucoup de nos compatriotes se prennent pour des experts militaires. Ils connaissent tout de l’art de faire la guerre ; ils ont opinion sur tout ce qui est repli tactique tout en gardant intacte la dignité ; ils connaissent ce qui peut saper le moral des troupes. Mais les Maliens qui ne sont plus dupes savent que ce sont des hâbleurs qui tentent de profiter de la situation actuelle. Après cinquante (50) jours de combats, les Maliens ont retenu quelques leçons.

La première leçon est sans doute à mettre au compte de la solidarité. Pour avoir été solidaire par le passé des peuples qui luttent pour leur liberté, le Mali voit affluer sur son sol des soldats venus de partout. Mieux, les Maliens voient par eux-mêmes que ceux qui sont venus les aider ne font pas de la figuration. Qu’il s’agisse des Français, des Tchadiens, des Togolais, des Nigérians, des Burkinabés, des Nigériens, des  Béninois, etc. La preuve de leur engagement est qu’ils ont payés le prix fort et un lourd tribut. Les Maliens ont tous compati avec la France après la mort du pilote Boiteux ; tout comme ils ont ressenti dans leur chair la souffrance des Tchadiens à l’annonce de la mort au combat des vingt-trois (23) militaires envoyés par N’Djaména. Malgré la violence des combats, malgré les morts, les renforts continuent à affluer au nom de la solidarité. Ceux qui aident le Mali savent qu’ils ont une formidable occasion de porter un coup fatal aux terroristes.

En deuxième leçon, concerne l’état d’esprit des militaires maliens. Leur bravoure est indéniable. N’étant ni équipés comme il faut, ni préparés psychologiquement à la guerre, ils se battent avec l’énergie du désespoir ne voulant pas être ridicules. Certes, l’armée malienne a besoin d’être reprise en main sur le plan du recrutement, de la formation, des missions ; mais d’ores et déjà, les maliens ont pu se rendre compte qu’il y a des soldats de valeur au front.

Nous nous en limitons à ces deux leçons de solidarité et de bravoure car il en faut de la solidarité et de la bravoure pour gagner la guerre. Et c’est parce que la guerre se joue souvent sur des aspects insoupçonnés que le Mali vit sous état d’urgence. Il s’agit de bien contrôler le mouvement des hommes et des véhicules sur le territoire malien. Il s’agit aussi de brider certaines libertés dont la liberté d’expression. Pour le moment, on ne peut pas dire que l’application de l’état d’urgence soit étouffante pour les Maliens. Hormis, les zones de conflit, les Maliens sont plutôt libres de leurs mouvements et de leurs paroles. Mais attention à ne pas commettre n’importe quoi. Il est malheureux d’entendre ou de lire certains commentaires sur ceux qui sont venus nous aider. Que les opinions divergent sur le déroulement de la guerre, cela est normal. Que l’on se serve de sa liberté pour fustiger la gouvernance mondiale, cela aussi est normal. Mais s’en prendre vertement et sans vergogne à ceux qui nous aident, sur la base de préjugés et de jugements à l’emporte-pièce, ce serait oublié trop facilement qu’ils ont préservé notre liberté et qu’ils veillent. Il est tragique de constater que, profitant de cette situation de guerre, certains tentent de se faire de la publicité en entretenant une sorte de polémique malsaine et futile. Ils parlent de questions dont ils ignorent tous les contours. Nous pensons que ce n’est pas le moment de déstabiliser les militaires au front. Parce qu’il ne s’agit que de cela. Qu’ils soient sous équipés, sous alimentés, sous formés, cela n’est un secret pour personne. Mais on peut remédier aux problèmes et, tenter de trouver les solutions idoines et urgentes sans le crier sur tous les toits.

Mais disons-le, ce qui se passe est largement du fait de l’absence de cohérence dans la communication autour de la guerre. Nous sommes obligés de nous référer aux français en la matière. Ils maîtrisent leur cour de bout en bout. Les journalistes ne voient que ce que l’Etat-major opérationnel veut qu’ils voient. Les Français ont même créé un site (www_malicikanife) où on dispose de l’actualité sur le front, vue par les français. On connait ceux qui sont habilités à prendre la parole. Et il est difficile de trouver un hiatus entre la parole des militaires et celle des hommes politiques.

Hélas, chez nous, ce n’st pas le cas. Le discours va dans tous les sens et de prêter à toutes les interprétations. Entre ce que le Président de la République dit et ce que dit le Premier ministre, il y a souvent de la place pour créer des problèmes. Au niveau des militaires, il est regrettable qu’il y ait plusieurs voix et plusieurs discours. Sans oublier le fait que l’ORTM gagnerait à bien regarder les éléments et les messages qui passent sur les antennes. Le monde entier observe le Mali et écoute les Maliens. Il y a lieu de bien savoir se tenir et peut-être tenir sa langue. Avec la guerre qui se déroule au Nord du Mali, il faut croire que l’argent n’a jamais autant bien porté son nom en temps de guerre : « l’argent est le nerf de la guerre ». Depuis le 11 janvier 2013, date du démarrage de la guerre, impossible de mettre la main sur le nerf de la guerre. L’Afrique entière s’est mobilisée en mettant la main à la poche et en tendant la Sébile.  Mais, la guerre coûte chère. Sur les neuf cent cinquante (950) millions de dollars environ, quatre cents cinquante (450) milliards de francs CFA, à peine la moitié a été mobilisée. D’où l’intention des Chefs d’Etat de la CEDEAO en réunion à Abidjan de se rappeler au bon souvenir des donateurs. Après les annonces faites à Addis-Abeba, ils traînent les pieds pour s’exécuter quand ils ne font pas les morts.

 

Talfi 

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1 commentaire

  1. Juste ciel ! J’ai entendu « parler pour ne rien dire », parce que la parole est souvent improvisée, réfléchir, écrire, corriger, se relire pour ne « sortir » que cette argutie, c’est honteux. « Brider certaines libertés comme la liberté d’expression » venant d’un journaliste est toujours lâche et immonde. L’état d’urgence a connu une énorme faiblesse, celle d’avoir permis la publication de ton texte. L’état d’urgence n’est pas étouffante pour les maliens, mais toi tu recommandes qu’il le soit sans délai, pour fermer la bouche et casser la plume de ceux qui pourront dire « n’importe quoi » sur les étrangers. Ton problème n’est pas tant ce qu’on dit sur les étrangers que les propos rapportés sur la condition de nos militaires. Tu penses surement au PG et d’autres. N’en déplaise à ceux qui ont intérêt à ce que la gestion des ressources de l’armée demeure dans l’opacité qui fait leur affaire, nous continuerons à dénoncer l’état de délabrement des équipements militaires, la précarité des soldes et la mauvaise qualité de la bouffe. In faut t’en prendre à la hiérarchie, pour mauvaise stratégie de communication, mais nous, maliens, n’avions pas attendu cette faille pour savoir la condition de nos militaires, parce que ce sont nos fils, nos époux, nos parents. Si tu veux cacher leurs conditions à leurs collègues étrangers, vas sur le terrain pour leur bander les yeux.
    Pour finir, il va falloir que tu calmes ton excitation. Pas un copec n’a encore été mobilisé, si tu sais « mobiliser » veut dire.

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