Lundi dernier, 1er avril, (ce que nous vous racontons n’est pas un poisson d’avril), un de nos amis qui avait cru bon de rejoindre Tombouctou après la libération par les forces françaises et maliennes, nous appelle. Il avait le souffle court et chuchotait presque au téléphone: “priez pour nous les amis, nous assistons à des scènes que nous n’avions pas connues du temps de l’occupation, voire des gens se faire exploser, pour nous c’est seulement au cinéma que cela pouvait se faire”.
À ce stade de la narration, nous-mêmes avons besoin de reprendre notre souffle et de rappeler que durant tout le long week-end, la ville de Tombouctou était le théâtre d’une guerre entre des djihadistes infiltrés et les forces armées du Mali et de la France. Les populations n’ont pas eu à être priées pour rester à la maison où elles se sont littéralement terrées avant la fin des combats. Les autorités administratives qui venaient d’arriver fraîchement dans la ville (le gouverneur et ses préfets) comme signe d’un retour à la normale ont dû être évacuées d’urgence, ainsi que certains de nos confrères. Il a fallu trois jours de combats et des morts pour arriver à bout d’une bande de fous de Dieu.
Dimanche, 31 mars, au moment où ça chauffait dans la ville sainte, ça débattait fort sur les antennes de RFI. Les invités étaient prestigieux et le sujet valait bien la peine de sacrifier quelques minutes dans la mesure où il s’agissait de débattre de la situation de notre pays. Celui dont les propos nous ont véritablement marqués, c’est le ministre des Affaires étrangères du Niger, Mohamed Bazoum. Pour lui, tout ce qui arrive au Mali est de la responsabilité des autorités qui ont géré les différentes rébellions sans y associer les militaires, contrairement au Niger où l’armée à été au centre de toutes les prises de décisions concernant les solutions à apporter aux rébellions. Mais Bazoum ne s’est pas contenté de faire le procès des autorités maliennes, il n’a pas manqué de rappeler à la France que le Mali est dans une situation de délabrement très avancé. Et de dire à l’intention de François Hollande qu’il n’est pas responsable de vouloir exiger du Mali qu’il organise des élections alors qu’il ne dispose d’aucune organisation.
Jeudi 28 mars, le président français François Hollande, dans un entretien télévisé déclare qu’il sera intraitable pour ce qui est de la question de l’organisation des élections en juillet prochain. Comme le dirait l’autre, le président français avait les allures d’un donneur de leçons.
Nous alignons ces faits et ces dates pour montrer que la question des élections est incontournable. Les Maliens ne pourront pas y échapper. Et comme nous l’avions écrit il n’y a pas longtemps dans ces colonnes, mieux vaux faire le débat le pus tôt possible. On sent qu’il y a déjà deux camps qui commencent à se dessiner. Il y a ceux qui pensent qu’il faut respecter les dates données par le gouvernement, quel qu’en soit le prix; à l’opposé, il y a ceux qui pensent qu’il ne sert à rien de se précipiter pour organiser des élections bâclées et qu’il faudrait juste un peu plus de temps pour remettre la machine sur les rails et s’éviter une remise en cause bien plus douloureuse que le coup d’état du 22 mars 2012. Pour le moment, force est de constater que le temps n’est pas notre meilleur allié. Nous sommes à trois mois des élections mais nous ne sentons pas grand chose, hormis les déclarations d’intentions et les certitudes du ministre de l’administration territoriale.
Nous avons commencé par les événements survenus à Tombouctou pour rappeler à ceux qui pensent que la guerre est gagnée et qu’elle est terminée que nous sommes loin du compte. Non seulement la guerre n’est pas terminée mais il y a tout le temps qu’il faudrait pour faire la paix. Ce qui nous conduit encore et toujours à l’organisation des élections. Nous avons vu ce qu’une poignée de fanatiques peut faire. Ils en ont fait la preuve à Gao et à Tombouctou. Il ne viendrait à l’idée de personne de leur offrir de la chair à canon lors des élections parce que les élections sont des moments de rassemblements et d’attroupements. Mais comme nous sommes dans un pays où tout est possible, disons que nous pourrons organiser les élections aux dates annoncées, jusqu’à la preuve du contraire.
Talfi
PS. Nous ne saurons terminer sans dire deux ou trois petits mots sur deux ou trois petites choses.
Primo, nous sommes très contents de la libération de notre confrère Boukary Daou du journal Le Républicain. Même provisoire, cette libération est bonne à prendre dans la mesure où notre confrère a trop longtemps et trop injustement été privé de liberté. En attendant l’audience au fond du 16 avril, nous lui souhaitons de se rétablir rapidement parce que la lutte ne fait que commencer.
Secundo, nous avons eu accès à la narration que Oumar Mariko fait de son arrestation (rapt et kidnapping seraient mieux indiqués) par la Sécurité d’état. Nous pensons que le procédé est tout simplement inacceptable et qu’il est condamnable à tout point de vue. Nous sommes curieux de voir quelle suite sera réservée à la plainte de Mariko. Par contre, dans sa narration et ses commentaires, Oumar Mariko procède souvent à des amalgames qui enlèvent tout crédit à son récit. Qu’il ait de l’amertume et même de la rage, cela peut se comprendre; qu’il comporte des contrevérités et mêmes des mensonges, cela ne sied pas au rang et au statut qu’il se donne. Après tout, ce n’est pas la première fois qu’il joue les illuminés.
Tertio, l’aide publique aux partis politiques est disponible. Les 41 partis qui ont été retenus vont se partager un peu pus de 1,5 milliard. Cela leur permettra de préparer les élections. Mais comme nous nageons en pleine démagogie, nous avons entendu les responsables d’un parti politique déclarer qu’ils renonceront à leur part cette année. Selon eux, par ces temps qui courent, il serait indécent pour les partis de toucher aux impôts des Maliens. Nous attendons de voir dans la mesure où ce sont les mêmes qui avaient juré qu’ils ne siègeraient plus l’assemblée nationale même en cas de prolongation pour cause de Transition. Non seulement ils y sont mais ils ont même profité pour s’élever dans la hiérarchie du bureau de l’Assemblée nationale.
Taifa