Méchage

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Le moins que l’on puisse dire est que nos confrères ivoiriens, certains parmi en tout cas, ont la dent dure. Quand ils tiennent un morceau, ils ne lâchent pas. Scrutant la posture du président Ouattara, comptant ses nombreux voyages à l’extérieur notamment en France, ils avaient conclu à une maladie cachée du président à peine élu. Mais en Côte d’Ivoire, comme dans beaucoup de pays africains, « le chien aboie, la caravane passe ».  Pourtant la semaine dernière, le « chien » a empêché « la caravane de passer ».

 

 

En effet, pour la ènième fois, nos confrères étaient revenus à la charge. Avec une précision chirurgicale, certains avaient annoncé que le président Ouattara souffrait d’une atroce sciatique qui l’empêchait de se tenir debout quand il n’est pas couché à plat ventre. C’est vrai que d’autres journaux l’avaient donné mourant. Finalement, en désespoir de cause, la présidence de la République a été bien obligée de réagir par un communiqué. « Le président ivoirien a été opéré d’une sciatique en France et il se porte bien » indique le communiqué. Court et précis. Circulez, il n’y a rien à voir. Le rédacteur de communiqué a dû écouter le procureur de la Cour d’Appel de Yaoundé qui avait décidé d’envoyer en prison un de nos confrères qui avait osé parler de la santé de Biya : « Même quand le président est malade, il faut écrire qu’il va bien ». Et quand il est couché, sur la table d’opération, sous anesthésie, il faut écrire qu’il pète la forme. Parce qu’entre nous, disons-nous les choses très clairement : le président de la République qui est premier citoyen, premier magistrat, premier éleveur, premier agriculteur, premier enfant même ne souhaite en aucune façon être considéré comme premier malade. Qu’on se le tienne pour dit.

 

 

Ici, chez nous, on entend souvent quelques allusions aux voyages du président de la République. Quelques esprits malins se laissent aller à des comparaisons, à des extrapolations. L’embonpoint présidentiel, bien rebondi, porté avec quelque fierté par IBK donne lieu à quelques commentaires du genre « le président se porte bien ». En le voyant, d’un pas alerte, sur le tapis rouge ; en le voyant prendre avec aisance, deux par deux souvent, les marches de l’escalier qui lui permet de s’engouffrer dans l’avion, le verdict est sans appel : IBK a une forme olympique (il fut karatéka dans une autre vie). Donc, nulle place aux divagations.

 

 

Avant de s’envoler pour les Etats-Unis, le président français a tenu à publier son bulletin de santé. Sa prostate va bien (elle avait subi une opération bénigne en 2011) et son cœur bat convenable ont tenu à dire grosso modo les services de l’Elysée. François Hollande qui sort d’une rupture est comme un coq en patte. Oyé, oyé, français, françaises, rassurez-vous la bourse présidentielle ne souffre d’aucun dysfonctionnement, elle a même la cote.

 

 

Ses affaires de santé des présidentielles ont le mérite de réconcilier les présidents avec leur peuple. Personne n’aura l’impression d’être dirigé par un malade qu’il faut pomponner pour lui donner fière allure ; piquer pour qu’il dorme ; bombarder de remontants pour qu’il puisse se tenir debout.

 

 

De réconciliation, les Maliens en ont besoin. Plus les jours passent, plus on se rend à l’évidence : le tissu social est complètement effiloché. L’un des segments qui devrait permettre aux Maliens de se relever et de se donner la main, a lui aussi besoin de se réconcilier. Il s’agit des religieux. Lors de la première conférence internationale du Conseil fédéral national des adeptes de la tariqa Tijaniya (ouf), le président de ce regroupement, Cheick El hadj Thierno Hady Oumar Thiam, a tenu des propos qui font froid dans le dos. Lui a appelé les adeptes  à parler de « la réconciliation nationale » estime qu’entre les religieux il existe un fossé. Nous vous proposons quelques pépites de son intervention qui a été écoutée dans un silence de…cathédrale. « Les religieux ne parlent pas le même langage aujourd’hui. Le doute est entre les musulmans. Avec le problème du nord, il y a la fissure dans le milieu religieux. Il faut qu’on réconcilie entre nous, toutes les tendances confondues, que l’on soit de la religion musulmane ou chrétienne, il faut qu’on crée la confiance entre nous d’abord. En tant que religieux, on ne doit pas tromper le peuple, on doit dire la vérité et si on est complice qu’on se déclare et si on ne l’est pas qu’on se déclare… ».  Cela est juste un petit extrait d’une longue déclaration. Avouez qu’il y a de quoi avoir des frissons. Ce qui est clair, c’est que n’importe quel autre Malien aurait tenu ces propos, aurait été lynché et peut-être brûlé vif. En fait, Thierno Hady Thiam a dit tout haut ce que beaucoup de nos compatriotes disent tout bas. Par crainte de représailles, les Maliens se taisent sur les dérives issues de ce monde  et de tous les excès qui vont avec. Or Dieu est humilité, Dieu est tolérance, Dieu est écoute. Nous, nous prions pour que Thiam soit entendu. Quand on sait le nombre de chapelles qui existent et qui poussent ; quand on sait le nombre de cloches qui sonnent ; quand on voit les mosquées qui naissent et les nouveaux imans qui tonnent souvent la bave au coin des lèvres ; on se dit qu’il y a du boulot. Il y a du boulot et du chemin à parcourir. On n’a pas besoin pour le moment de mobiliser les Casques Bleus ou la Minusma ; mais il est évident que ça chauffe.

 

 

Si nous mettons l’accent sur les divergences entre les religieux, c’est parce que eux, plus que tous les autres, nous semblent les mieux qualifiés pour recoudre le tissu social malien. Mais hélas ! Mille fois hélas ! Force est de reconnaitre que nombreux de ceux qui auraient pu être des guides se sont égarés. Ils ont succombé à la tentation. Ils ont succombé à la vantardise. Ils ont succombé à la mégalomanie. Ils ont succombé à l’intolérance. Ils ont succombé à la tentation de l’accumulation. Ils ont succombé à l’exhibitionnisme. Ils ont succombé à la convoitise. Sans compter le fait qu’ils ont contribué à creuser le fossé au sein des religieux. A notre avis, comme passif c’est du très lourd.

 

 

A notre avis, les religieux ont besoin d’un petit coup de main pour s’entendre. Les propos de Thiam ressemblent à un SOS. Et là, toutes les personnes de bonne volonté sur cette terre des hommes sont interpellées. Les connaissant, ils ne refuseront pas d’être aidés à s’entendre.

 

 

Les autres qui n’auront pas compris, vous allez attendre un peu le temps pour les religieux, grands conciliateurs dans toutes les commissions de conciliation de se réconcilier.

 

Talfi

 

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